Infectiologie

Covid-19 : approbation baclée en Angleterre et nationalisme vaccinal

Alors que l’Angleterre est le premier pays à autoriser le vaccin de Pfizer et BioNTech, malgré de nombreuses interrogations, les USA déclarent que les régulateurs britanniques n'ont pas examiné les données des vaccins aussi attentivement que leurs homologues américains.

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  • 03 Décembre 2020
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    Une trop forte dose de "nationaliseme vaccinal", c'est ce que les autorités de santé américaines ont déclaré à propos de la décision du Royaume-Uni de donner le top départ mondial des vaccinations contre la Covid-19, en autorisant le vaccin développé par l’américain Pfizer et l’allemand BioNTech, "dès la semaine prochaine".

    L’Agence européenne du médicament rendra elle son avis avant le 29 décembre sur la commercialisation du vaccin. En France, une campagne de vaccination des personnes les plus fragiles et du personnel de santé débutera dès janvier.

    Nationalisme vaccinal

    A la grande stupeur des scientifiques britanniques, Gavin Williamson, le ministre britannique de l'éducation, a déclaré jeudi que la Grande-Bretagne avait gagné la course pour autoriser le premier vaccin à coronavirus entièrement testé parce que ses régulateurs étaient "les meilleurs régulateurs médicaux" : "Bien mieux que les Français, bien mieux que les Belges, bien mieux que les Américains. Cela ne me surprend pas du tout car nous sommes un bien meilleur pays que chacun d'entre eux, n'est-ce pas ?"

    D'après le New York Times, le Pr Anthony Fauci, le directeur du National Institute of Allergy and Infectious Diseases, a déclaré que les régulateurs britanniques n'avaient pas examiné les données fournies par les laboratoires (quelques milliers de pages) aussi attentivement que leurs homologues américains de la Food and Drug Administration : "Nous avons l'étalon-or de l'approche réglementaire avec la Food and Drug Administration. Le Royaume-Uni n'a pas fait cette analyse aussi soigneusement et ils ont quelques jours d'avance."

    Du "pain béni" pour les anti-vaccins 

    Ce débat portant sur les normes réglementaires, et mêlant la politique, est tout ce qu'il fallait éviter afin de ne pas mettre une pièce de plus dans la machine à dénigrer les vaccins ! En effet, la question du développement trop rapide et des effets secondaires est au cœur de la communication des anti-vaccins de tout poil.

    Selon un sondage BVA pour Europe 1, publié le 23 novembre, la peur de ces effets secondaires constitue le premier argument des personnes qui ne souhaitent pas se faire vacciner. “On connaît encore très peu de données scientifiques sur les effets secondaires des vaccins contre le Covid-19. Pour l’instant, les laboratoires ont peu communiqué”, constate Bruno Pitard à Ouest France.

    Les données disponibles sur les premières phases des essais cliniques présentent quelques effets secondaires potentiels : fièvre, fatigue, douleurs musculaires ou articulaires. D’autres effets indésirables pourraient intervenir plus tard et il reste encore le cas des effets secondaires rares qui, eux, ont pu passer inaperçus. “C’est le problème des statistiques du grand nombre. Imaginons un problème très rare d’une fréquence de 1 pour 100 000 vaccins. Les tests ne le révéleront pas vu qu’ils portent sur 40 000 personnes par exemple pour les phases 3. Or sur 1 milliard de vaccinés, un tel cas rare, potentiellement grave, peut concerner tout de même 10 000 personnes”, avance Bruno Pitard.

    Vacciné mais toujours contagieux ?

    Cette annonce sur le lancement de la vaccination ne masque pas les interrogations qui entourent les différents vaccins comme la persistance de l'efficacité sur le long terme et l'efficacité chez les personnes très âgées. L’une des plus importantes concerne la maitrise de l'épidémie. Une personne vaccinée pourrait-elle être malgré tout porteuse du virus dans ses voies respiratoires et être contagieuse ? Lors de la présentation de ses recommandations sur la stratégie vaccinale, la Haute Autorité de Santé (HAS) a concédé ne pas être sûre de la réponse précisant qu'il manque “encore des données à ce sujet”.

    Ce qui est certain, pour le moment, c’est que les injections permettent d’éviter les formes graves. “Le vaccin stoppe la maladie au niveau des poumons mais pas forcément l'entrée du virus dans le corps, c'est là le problème”, poursuit le Pr Daniel Floret, vice-président de la commission technique des vaccinations, au Parisien.

    Il serait donc possible que des personnes vaccinées soient infectées par le virus, développent des symptômes et soient contagieuses. “Pour vous donner une image, si vous avez 100 particules virales et qu'il en bloque 80, il en reste 20, vous pouvez donc avoir quelques symptômes, explique Bruno Pitard, directeur de recherche au CNRS et expert du sujet de l'efficacité du vaccin. Si vous allez au cinéma et que vous toussez à côté d'une personne sans masque, il est possible de la contaminer.” Cette probabilité reste faible, ajoute-t-il, et les risques de transmission seront bien plus faible.

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