Néphrologie

IPP : un risque d’insuffisance rénale chronique en trompe l'œil

L’innocuité des inhibiteurs de la pompe à protons serait remise en question. Une étude parue dans le JAMA fait apparaître une association entre la prise d’IPP et un sur-risque d’insuffisance rénale chronique.

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  • 13 Janvier 2016
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    Après les risques de pneumopathies ou d’ostéoporose qui avaient un certain temps plané sur eux, avant d'être écartés, voilà que les inhibiteurs de la pompe à protons sont soupçonnés d'augmenter le risque d’insuffisance rénale chronique. Ces résultats sont issus d’une étude de 2 cohortes, l’une de 10 500 personnes suivies depuis près de 30 ans et l’autre de 250 000, parue dans le JAMA. Pour Jean-François Bergmann, professeur de thérapeutique, interniste à l'hôpital Lariboisière à Paris, "quand on regarde les chiffres, le surrisque d’insuffisance rénale est de 20 à 40% selon les études, mais on ne va retenir que 40 % de majoration de risque d’IRC avec les IPP, alors que ce n’est pas du tout ça."

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    Jean-François Bergmann

    Et quand on revient à des données en valeurs absolues dans une population américaine avec risque cardiovasculaire, en partie obèse, hypertendue, sous aspirine…. donc finalement à risque rénal : les résultats sont bien différents. En fait, au bout de 10 à 20 ans de suivi de cette population, on se rend compte que sur 100 malades, 14 % vont faire une IRC et dans le sous groupe des personnes qui ont pris des IPP, on passe à 17 %

    Et puis il y a des cofacteurs qu’il faut prendre en compte, selon le Pr Etienne Dorval, gastro-entérologue et cancérologue au CHU de Chinon : "L’âge des patients est important car on sait qu’il s’accompagne d’une baisse de la qualité des fonctions rénales, de même que la prise de diurétiques."

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    Etienne Dorval

    Et même si l’insuffisance rénale chronique est peu marquée, la question que l’on se pose dans la population où a été retrouvée une baisse de la filtration glomérulaire, est celle de son retentissement clinique, élément qui n’est pas renseigné dans l’étude.

    Remplacer les IPP par des anti H2

    Dans cette étude les auteurs ont regardé aussi les patients sous anti H2 et n’ont pas retrouvé d’association anti-H2 et insuffisance rénale chronique. Cependant il faut savoir que les anti H2 sont beaucoup moins puissants que les IPP pour inhiber la sécrétion acide. Donc difficile de remplacer l’un par l’autre.

    Mais cette étude a le mérite aussi d’aborder un problème de fond : certes celui du risque encouru avec la prise d’ IPP, mais surtout les raisons pour lesquelles ces patients prennent des d’IPP. Les auteurs de l’étude notent qu’au début du suivi des patients, seuls 5% d’entre eux prennent des IPP, alors ils sont près de 50% en fin d’étude quand ils avancent en âge.

    Du bon usage des médicaments

    Et pour Jean-François Bergmann, il y a une seule question à se poser, la nécessité de prendre un IPP. Devant un RGO, une intolérance aux AINS, la réponse est évidente, elle l’est beaucoup moins lorsque les IPP sont systématiquement prescrits avec de faibles doses d’aspirine à des patients vasculaires donc à risque aussi d’IRC.

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    Jean-François Bergmann


    D’autant plus que c’est une erreur de donner des IPP dans l’idée de prévenir les hémorragies digestives : aucune étude n’a démontré le moindre effet préventif de ces molécules vis-à-vis des hémorragies digestives induites par de faibles doses d’aspirine. Pour Jean François Bergman, il faut stopper les prescriptions conjuratoires. Et s’il y a un risque d’IRC, même faible, il est acceptable si le médicament qui l’induit améliore le malade, il ne l’est pas si son indication n’est pas justifiée.

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    Jean-François Bergmann


    Par contre, si l’indication d’IPP est formelle et bien justifiée, pas de panique, pour Etienne Dorval : le risque reste modéré et il serait donc judicieux de surveiller la fonction rénale de ces patients qui prennent des IPP au long cours.

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    Etienne Dorval

    Alors finalement, la conclusion de cette étude, qui porte sur un médicament classé selon la Caisse Nationale d’Assurance Maladie, parmi les 100 produits les plus prescrits avec ses 16 millions de prescriptions par an, est d’en faire un bon usage selon le Pr Bergmann : ne pas les diaboliser, surement pas les interdire, même chez les insuffisants rénaux !

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    Jean-François Bergmann

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