Hépatologie
Stéatose hépatique : boissons sucrées et boissons light aussi toxiques
Chez des adultes sans hépatopathie préexistante, une consommation élevée de boissons sucrées (SSB) ou de boissons non-sucrées avec édulcorant est associée à une augmentation de 50% et 60% du risque de stéatose hépatique. De plus, les boissons non-sucrées avec édulcorant s’accompagnent d’une hausse dose-dépendante de la mortalité liée au foie. Le remplacement par l’eau diminue le risque incident.

- Narong KHUEANKAEW/istock
La MASLD (Metabolic dysfunction–Associated Liver Disease) s’impose comme le versant hépatique du continuum pathologique cardio-réno-métabolique. Si les boissons sucrées sont de longue date incriminées, l’innocuité des boissons non sucrées et avec édulcorant reste débattue.
Une cohorte prospective de la UK Biobank de 103 251 participants exempts d’hépatopathie au départ, a suivi l’incidence de MASLD sur une médiane de 10,3 ans parallèlement à une évaluation de la consommation en sodas par questionnaires alimentaires répétés. Selon les résultats présentés à la European Gastroenterology Week 2025, à Berlin, 949 cas de MASLD ont été identifiés dans cette population bien documentée.
Une consommation de plus de 330 ml/j de boissons non-sucrées avec édulcorant (LNSSB) est associée à une hausse de 60% du risque de MASLD (HR 1,597 ; p < 0,01), tandis que la consommation de plus de 330 ml/j de boissons sucrées (SSB) est associée à une augmentation de 50% du risque (HR 1,502 ; p < 0,01). L’association s’observe parallèlement sur l’imagerie : le contenu graisseux hépatique (PDFF-IRM) augmente avec l’apport de ces deux catégories de boissons.
Un gradient de risque qui serait réversible
La consommation de boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant (LNSSB) augmenterait également le risque de mortalité liée au foie de manière proportionnelle à la dose, tandis qu'aucune association significative n'a été observée pour les boissons gazeuses sucrées.
Les analyses de substitution montrent qu’échanger 330 g/j de sodas sucrés contre de l’eau réduit le risque de MASLD de 14,7 %, et remplacer 330 g/j de boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant par de l’eau le réduit de 13,5 % ; en revanche, substituer SSB par LNSSB (ou l’inverse) n’apporte aucun gain.
Les modèles multivariables et les analyses stratifiées convergent vers une relation positive entre apports en sucre et stéatose/maladie incidente. Mais, à partir d’une analyse sur des événements durs (incident MASLD, mortalité hépatique) et sur des marqueurs d’organe (PDFF), plutôt que sur des effets indésirables classiques, ces données interrogent l’idée selon laquelle les boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant seraient une alternative « neutre » pour le foie.
Quand le foie pais la note des « soft-drinks »
Il s’agit d’une large cohorte populationnelle, avec mesure répétée des consommations par 24 h, adjudication d’événements hépatiques, analyse multivariée approfondie, analyse de sensibilités (stratifications, splines, substitutions) et critère intermédiaire validé (PDFF-IRM). Les limites sont posées par la nature observationnelle (résidu de confusion : qualité globale du régime, activité physique, statut pondéral), les biais de sélection de la UK Biobank (volontaires plus favorables en santé), les erreurs de mesure alimentaires malgré la répétition, et l’absence d’information fine sur les types d’édulcorants. La cohérence des signaux confère toutefois une plausibilité biologique : pics glycémiques et lipogénèse de novo pour les boissons sucrées ; effets intestino-métaboliques pour les boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant (microbiote, appétence au sucré, sécrétion insulinique) pouvant converger vers la stéatose.
Selon les auteurs, la conduite à tenir chez les patients à risque métabolique (surpoids/obésité, diabète, HTA, dyslipidémie) est d’expliciter que les boissons « light » ne sont pas innocentes pour le foie et de prioriser l’eau comme boisson par défaut. Le conseil nutritionnel peut s’appuyer sur un objectif simple et mesurable : remplacer au moins une canette (≈ 330 mL) par jour par de l’eau, stratégie associée ici à une baisse de risque d’ampleur cliniquement pertinente. Chez les patients déjà porteurs de MASLD ou de syndrome métabolique, ce levier s’intègre à un package de soins : perte pondérale, diète hypocalorique de qualité (méditerranéenne), activité physique et contrôle des comorbidités.
En résumé, chez des adultes suivis plus de 10 ans, les sodas sucrés et les boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant s’accompagnent toutes deux d’une augmentation du risque de MASLD, et d’un excès de mortalité hépatique pour les boissons gazeuses non-sucrées avec édulcorant. Le message clinique est simple, actionnable et sans risque : faire de l’eau la boisson par défaut.