Dermatologie
Hidradénite suppurée : un sur-risque d’infections graves sous adalimumab
Chez l’adulte initiant l’adalimumab pour une hidradénite suppurée (HS), il existe un excès d’hospitalisations pour infections non cutanées par rapport au psoriasis. Ce signal concerne surtout la septicémie et les infections génito-urinaires et plaide pour une prévention et une surveillance adaptées.

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L’hidradénite suppurée (HS) est une dermatose inflammatoire chronique, douloureuse et invalidante, dont la prévalence atteindrait 1% bien qu’elle soit reste sous-estimée. Alors que l’adalimumab est longtemps resté l’unique biothérapie approuvée, la question du risque infectieux demeure centrale, d’autant que les dermatoses inflammatoires ont un sur-risque intrinsèque d’infections.
Dans une cohorte rétrospective de base de données (MarketScan), incluant 10 349 adultes « nouveaux utilisateurs » d’adalimumab entre 2017 et 2020 (1 650 HS, 8 699 psoriasis ; âge moyen 44,8 ans ; 54,5 % de femmes), le critère primaire était l’hospitalisation pour infection non cutanée.
Selon les résultats publiés dans le JAMA Dermatology, après pondération par probabilité inverse et modèles de Cox, l’HS est associée à un risque accru d’infection sévère versus psoriasis (HR 1,53 ; IC à 95 % 1,34–1,86). Ce résultat, obtenu malgré l’ajustement sur les facteurs confondant habituels, constitue le message principal : à exposition comparable à l’adalimumab, l’HS porte un fardeau infectieux spécifique supérieur.
L’infection, talon d’Achille de l’HS sous anti-TNF
Le profil des patients HS différait de celui des psoriasiques (plus jeunes : 36,2 vs 46,5 ans ; davantage de femmes : 77,0 % vs 50,2 % ; comorbidités plus fréquentes : obésité, maladie de Crohn, anxiété, dépression), mais l’excès de risque persistait après pondération. Les infections en cause n’avaient pas la même distribution : chez les patients HS, la septicémie et les infections génito-urinaires dominaient (sepsis : IRR 2,07 ; IC à 95 % 1,35–3,12 ; infections GU : IRR 2,22 ; 1,22–3,86), devant les atteintes respiratoires basses et digestives ; à l’inverse, dans le psoriasis, les infections respiratoires étaient les plus fréquentes.
Une fois hospitalisés, les patients HS avaient une probabilité plus élevée de séjour prolongé (OR 1,28 ; 1,13–1,45), sans différence majeure de durée absolue, suggérant une charge de soins accrue plutôt qu’une sévérité intrinsèquement différente. Ces données confirment que, sous anti-TNF, l’HS expose à des infections systémiques plus fréquentes que le psoriasis, avec une vigilance particulière à porter sur les tableaux de sepsis et les infections urinaires.
D’où viennent ces données et que changer en pratique ?
Cette étude exploite des réclamations d’assurance américaines représentatives du secteur assuré, avec identification par codes CIM-10 et prescriptions, suivi outpatient et inpatient, et analyses temporelles pondérées (IPW) en Cox pour l’issue primaire ; les types d’infection étaient comparés par ratios d’incidence, et la durée de séjour modélisée par régression de Poisson multivariable. Ses forces résident dans l’ampleur de la cohorte et la prise en compte de nombreux facteurs confondants. Ses limites appellent à la prudence : absence d’adjudication clinique, impossibilité de considérer un effet dose-réponse d’adalimumab, non-ajustement des cures de corticoïdes et des antibiothérapies au long cours, identification algorithmique de l’HS non validée et risque de confusion entre poussées inflammatoires et sepsis.
Malgré cela, la cohérence des résultats soutient des implications pratiques immédiates selon les auteurs : avant et pendant le traitement médical par adalimumab, évaluer et corriger les facteurs de risque infectieux (obésité, tabac, rétention urinaire, gestes urologiques), mettre à jour les vaccinations usuelles, informer patients et soignants sur les signes précoces de sepsis, dépister et traiter rapidement les infections urinaires, limiter l’exposition cumulative aux corticoïdes et rationaliser la prescription des antibiotiques en traitement adjuvant.
Les priorités de recherche incluent des études cliniques avec adjudication des événements, la stratification par sévérité de l’HS et schémas d’adalimumab, l’évaluation de stratégies prophylactiques ciblées (p. ex. dépistage urinaire chez sujets à risque) et la comparaison de nouvelles biothérapies sur des critères d’infections sévères. En somme, la prise en charge de l’hidradénite suppurée sous anti-TNF doit intégrer une prévention infectieuse structurée, adaptée au profil singulier de cette maladie.