Gastroentérologie
Un lien entre le microbiote intestinal et les troubles du sommeil
Des chercheurs chinois et américains révèlent comment les milliards de bactéries résidant dans notre système digestif impactent directement et indirectement les cycles veille-sommeil.
- Par Geneviève Andrianaly
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- Olena Miroshnichenko/iStock
En France, 45 % des personnes sont confrontées à au moins un trouble du sommeil (insomnie, apnée du sommeil, cauchemars, syndrome des jambes sans repos, somnambulisme, narcolepsie…), selon le récent sondage OpinionWay pour INVS. À ce jour, la complexité de sa régulation reste encore mal comprise. C’est pourquoi des scientifiques de l'hôpital universitaire de Pékin (Chine) et d'institutions aux États-Unis ont voulu s’intéresser au rôle des organes périphériques, en particulier du système digestif, dans la modulation des fonctions cérébrales et du comportement. En effet, "le microbiote intestinal est de plus en plus reconnu comme un acteur clé de la santé neurologique et psychiatrique", précise le professeur Lin Lu, qui a dirigé les recherches, publiées dans la revue Brain Medicine.
Une dysbiose microbienne chez les adultes atteints de troubles du sommeil
Dans le cadre de cette étude, l’équipe a passé en revue les preuves issues d’essais cliniques menés sur des êtres humains et des animaux. Ils ont constaté des schémas cohérents de dysbiose microbienne, un déséquilibre des communautés bactériennes intestinales, chez les personnes souffrant de troubles du sommeil. Dans le détail, les patients insomniaques présentent une diminution de la diversité microbienne et des abondances altérées de familles bactériennes spécifiques par rapport aux adultes dits "sains." Plus précisément, en cas d’insomnie et aussi d’apnée du sommeil, des diminutions constantes des genres bactériens bénéfiques, comme les Ruminococcaceae, sont observées. Chez les personnes travaillant de nuit et souffrant de décalage horaire, les essais montrent une augmentation de l'abondance bactéries associées à une perméabilité intestinale accrue et à des indicateurs inflammatoires élevés.
Les métabolites microbiens peuvent "influencer les systèmes de neurotransmetteurs essentiels au sommeil"
Selon les auteurs, il existe plusieurs voies biologiques par lesquelles le microbiote intestinal influence la régulation du sommeil. Ils ont identifié les métabolites microbiens, avec les acides gras à chaîne courte comme le butyrate connu pour ses effets protecteurs, qui sont produits par la fermentation bactérienne des fibres alimentaires. "Ces composés peuvent moduler l'inflammation, renforcer la barrière intestinale et influencer les systèmes de neurotransmetteurs essentiels au sommeil." Les chercheurs indiquent aussi que le microbiote influence la production de neurotransmetteurs directement impliqués dans la régulation du sommeil. "Plus de 90 % de la sérotonine corporelle est synthétisée dans l'intestin. Les concentrations de sérotonine fluctuent de manière rythmique au cours du cycle veille-sommeil, atteignant leur maximum pendant l'éveil et leurs niveaux les plus bas pendant le sommeil paradoxal."Des comorbidités neuropsychiatriques
"Cette revue souligne que les troubles du sommeil accompagnent fréquemment les affections neuropsychiatriques, notamment la dépression, les troubles anxieux, les troubles du spectre autistique et les maladies neurodégénératives. Dans ces cas, les altérations du microbiote intestinal peuvent contribuer à la fois à l'affection psychiatrique primaire et aux problèmes de sommeil associés, par le biais de voies inflammatoires et de neurotransmetteurs communes. Par exemple, certains genres bactériens, notamment Blautia, Coprococcus et Dorea, sont corrélés aux indicateurs de qualité du sommeil chez les patients atteints de trouble dépressif majeur, tandis qu'Intestinibacter présente des associations à la fois avec la qualité du sommeil et la gravité de l'insomnie", peut-on lire dans l’étude.
Les interventions ciblant le microbiote semblent efficaces pour améliorer le sommeil
Face à ces données, l’équipe a analysé les interventions émergentes ciblant le microbiote pour améliorer le sommeil, allant des probiotiques et des prébiotiques à la transplantation de microbiote fécal. Les probiotiques, des bactéries bénéfiques vivantes, s’avèrent être prometteurs pour améliorer la qualité du sommeil, réduire les niveaux de cortisol et améliorer l'architecture du sommeil chez les patients souffrant d'insomnie chronique. Des recherches indiquent qu'une supplémentation en prébiotiques peut moduler le métabolisme des acides biliaires, réduire l'inflammation et améliorer les paramètres du sommeil après une perturbation du rythme circadien. "Les synbiotiques – combinaisons de probiotiques et de prébiotiques – peuvent offrir des avantages synergiques en fournissant à la fois des micro-organismes bénéfiques et leurs substrats préférés." Enfin, la transplantation de microbiote fécal s’est révélée être très efficace, entraînant une augmentation de l'abondance relative de Lactobacillus et de Bifidobacterium.








