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La vitamine D peut-elle vraiment prévenir le cancer colorectal ?
Des recherches suggèrent qu’un taux élevé de vitamine D dans le sang pourrait réduire le risque de cancer colorectal, mais les résultats des essais cliniques restent mitigés.

- Par Stanislas Deve
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- batuhan toker / istock
Face à l’augmentation des cas de cancer colorectal, notamment chez les jeunes adultes, la question du rôle préventif de la vitamine D revient sur le devant de la scène. Plusieurs études observent un lien entre un faible taux de vitamine D dans le sang et un risque accru de développer ce cancer. Mais les conclusions sont loin d’être unanimes, rappelle le professeur Justin Stebbling, de l’université britannique Anglia Ruskin, dans un article publié dans The Conversation.
La vitamine D module l’inflammation et la réponse immunitaire
Une vaste étude menée sur plus de 12.000 personnes a révélé que celles ayant un faible taux de vitamine D avaient un risque de cancer colorectal supérieur de 31 %. À l’inverse, une autre recherche indique que les individus avec un apport alimentaire élevé en cette vitamine voient leur risque diminuer de 25 %. Chez les femmes qui ont participé à la Nurses’ Health Study (une série d’études sur la santé des infirmières), celles ayant les apports les plus hauts en vitamine D affichaient un risque réduit de 58 %.
"Il existe une plausibilité biologique forte", indique le Pr Stebbling, qui s'appuie sur les résultats d'une méta-analyse. En effet, la vitamine D active des récepteurs spécifiques présents dans le tissu qui recouvre l’intérieur du côlon, capables de moduler l’inflammation, la réponse immunitaire et la croissance cellulaire – des processus clés dans l’apparition des cancers. Des expériences en laboratoire ont également montré que le calcitriol, forme active de la vitamine, pourrait freiner l’angiogenèse tumorale, renforcer la surveillance immunitaire et réguler la division cellulaire.Des essais cliniques moins convaincants
Cela dit, lorsque l’on passe aux essais cliniques randomisés, les résultats deviennent plus nuancés. L’essai VITAL, qui a porté sur 25.000 participants, n’a pas montré de réduction significative de l’incidence du cancer colorectal avec une supplémentation quotidienne de 2.000 UI de vitamine D. En revanche, une méta-analyse de sept essais a noté une amélioration de 30 % du taux de survie chez les patients traités avec la vitamine. "Cela suggère un potentiel effet sur l’évolution du cancer plutôt que sur sa prévention", précise le chercheur.
Autre incertitude : la causalité. Le déficit en vitamine D favorise-t-il le cancer, ou bien est-ce le cancer qui abaisse les niveaux de vitamine D ? Le rôle de l’exposition au soleil complique aussi l’analyse, car elle pourrait elle-même avoir des effets protecteurs indépendants.
En somme, si la vitamine D ne constitue pas une solution miracle, elle pourrait être un levier intéressant dans une approche préventive globale. Maintenir un taux suffisant – au moins 30 ng/mL (nanogramme par millilitre de sang) – est peu risqué et peu coûteux. "Ce n’est pas le moment de tout miser sur les suppléments, mais il est judicieux d’inclure la vitamine D dans une stratégie plus large, avec alimentation équilibrée, activité physique et dépistage régulier", conclut Justin Stebbling.