Cardiologie

Foramen ovale, fibrillation atriale et AVC : quelle stratégie ?

À l’occasion de la Semaine de la Fibrillation Atriale 2022, nous avons interviewé le Dr Paul Guedeney, cardiologue interventionnel, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, Paris, sur la question de la fermeture du foramen ovale et du risque de fibrillation atriale.

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  • 15 Déc 2022
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    Il y a des pathologies que l’on croît bien connaître et on s'aperçoit que la recherche avance et qu'elles ne sont pas telles qu'elles paraissent être. Et il semble que cela soit le cas du foramen ovale. Vous nous rappelez ce que c'est que le foramen ovale, quel est son risque et quelle est sa fréquence réelle ?

    Le foramen ovale renvoie en fait à la structure qui sépare l'oreillette gauche de l'oreille droite du cœur. Il ne faut pas imaginer que cette structure ait quelque chose de figé ou de solide. En fait, ce sont deux parois souples qui sont accolées l'une à l'autre et dans certaines circonstances, ces deux parois peuvent ne pas être strictement accolées et créent ainsi une espèce de cavité entre elles qui permet un passage théorique entre l'oreille gauche et l'oreillette droite.

    C'est une malformation cardiaque qui est extrêmement fréquente puisque certaines études disent qu'elle serait présente chez près d’un quart de la population. Donc c'est vraiment très fréquent. Le foramen ovale peut se compliquer parfois puisqu’il peut permettre un passage entre les cavités gauches et les cavités droites, avec des caillots de sang qui peuvent venir du secteur veineux, donc du secteur droit, et qui pourraient avoir la mauvaise idée de passer par ce foramen perméable pour aller dans le réseau gauche et donner des accidents vasculaires cérébraux.

    Heureusement, c'est très rare et cela ne touche pas les 25% de patients avec un foramen ovale perméable parce qu'il y a des formes qui sont plus ou moins sévères que d'autres. Mais quand ça arrive, il faut traiter ce foramen ovale perméable en le fermant. Et donc, pour ça, comme on peut le faire à la Pitié-Salpêtrière, on met en place des prothèses de façon percutanée. Ce n'est pas une chirurgie cardiaque, c'est une intervention assez simple qui dure une demie heure à peu près. Les patients peuvent être endormis, mais parfois ils n'ont même pas besoin. Ça peut être fait sous sédation légère. Et donc la fermeture du foramen ovale avec cette prothèse permet de fermer définitivement ce passage. 

    Quel est le rapport entre la fermeture du foramen ovale et la fibrillation atriale ?

    Ce qu'on a pu mettre en évidence à la Pitié-Salpêtrière, c'est que le fait de fermer ce foramen ovale perméable par ces prothèses peut déclencher des arythmies cardiaques, principalement de la fibrillation auriculaire. C'était connu, on savait que ça pouvait déclencher de la fibrillation auriculaire, mais les taux qui étaient classiquement rapportés dans la littérature étaient assez faibles, de l'ordre de 3 à 7% des patients après l'intervention, donc relativement faibles.

    À la Pitié-Salpêtrière, on a eu une approche un peu plus pro-active en ayant un recours systématique à des méthodes de dépistage de la FA et de surveillance du rythme cardiaque dans les semaines qui suivent cette intervention. Donc on fait sortir nos patients qui ont eu une procédure de fermeture cutanée d’un foramen ovale perméable, soit avec un dispositif portable qui monitore le rythme cardiaque pendant 28 jours, soit avec un dispositif sous-cutané qui peut le monitorer jusqu'à trois ans.

    Et en faisant cette approche de dépistage des troubles du rythme chez tout le monde, on a mis en évidence des taux d'arythmie qui étaient 3 à 5 fois supérieurs à ce qui était classiquement décrit et qui, en l'occurrence, étaient de 21% dans les 28 jours. Alors, je veux rassurer les patients qui doivent bénéficier de ce genre d'intervention, ce n’est pas si grave, c'est tout à fait gérable avec des médicaments, mais c'est quelque chose qu'on est heureux de connaître et de pouvoir diagnostiquer afin de pouvoir dire ce qui se passe aux patients quand ils ont des symptômes d’arythmie cardiaque. Il y avait vraiment une arythmie cardiaque. 

    Donc ça veut dire que vous mettez en place des traitements anticoagulant dans le suivi des procédures de fermeture du foramen ovale ? 

    Si on dépiste une arythmie cardiaque grâce à notre approche, en effet, on met généralement en place un traitement anticoagulant mais c'est un peu au cas par cas. On essaie de faire le plus court possible pour que ce soit le moins gênant pour les patients. Généralement, c'est quelques mois et on met en place, si c'est symptomatique, un traitement antiarythmique pendant quelques semaines.

    On pense en fait que l'arythmie cardiaque qui survient après cette fermeture de prothèse est liée à un phénomène d'irritation liée à la mise en place de la prothèse. Mais le cœur cicatrise avec les semaines et donc le phénomène finit par disparaître dans vraiment la quasi-totalité des cas au bout de quelques mois. Donc, le message c'est que ce n'est pas une complication grave, ce n'est pas une complication qui justifierait de ne pas faire cette intervention. Mais c'est un élément qu'il faut savoir diagnostiquer pour pouvoir mieux traiter durant la période de survie.

    Et l'étape d'après, que l'on a pu lancer avec Action-Cœur, c'est un projet de recherche qui est en cours, où on essaie de traiter d'emblée les patients qui bénéficient de ce type d'intervention avec un traitement antiarythmique. Donc l'idée ce n’est plus d'être spectateur, d'attendre que le problème arrive pour le traiter, mais c'est d'essayer d'être proactif et de prévenir la complication avec un traitement antiarythmique transitoire. 

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    JDF