Gériatrie

Carence martiale du sujet âgé : la rechercher même en l'absence d'anémie

La carence martiale même en l'absence d'anémie peut avoir de graves conséquences chez le sujet âgé notamment en présence de certaines comorbidités. Au cours de la Journée scientifique de Broca, le Professeur Jeandel a rappelé l'importance de rechercher et traiter cette carence chez cette population fragile.

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  • 04 Oct 2022
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    « Il ne faut pas attendre d'avoir une anémie pour rechercher une carence martiale chez le sujet âgé », voici le take-home message délivré par le Professeur Claude Jeandel à l'issue d'une conférence dédiée, lors de la Journée scientifique de Broca, qui s'est tenue à Paris le 22 septembre dernier.

    Le gériatre montpelliérain et président du Conseil Professionnel de Gériatrie a insisté sur l'importance de rechercher et traiter une carence martiale avant même la survenue d'une anémie chez les patients âgés et notamment chez les insuffisants cardiaques. Il a fait le point sur les derniers résultats de recherche sur le sujet, les recommandations à suivre et un nouveau réflexe à intégrer dans notre pratique. Alors pour reprendre son humoristique introduction de présentation « Que faire ? On va parler du fer ! », voici les informations clés à retenir.

    Des études à haut niveau de preuve dans l'insuffisance cardiaque

    Le Pr Jeandel insiste : « on peut dire aujourd'hui qu'on dispose d'à peu près toute la connaissance sur les mécanismes qui font le lien entre la carence martiale et la fonction du cardiomyocyte et c'est la raison pour laquelle il est important de corriger cette carence martiale ».

    On le sait maintenant, en plus d'être un composant de l'hème, le fer joue aussi un rôle dans le fonctionnement cellulaire et tout particulièrement dans celui des myocytes. Plusieurs études à haut niveau de preuve ont montré depuis quelques années qu'une carence martiale en cas d'insuffisance cardiaque aggrave la capacité d'exercice, la qualité de vie mais aussi la mortalité liée à cette pathologie. Et les patients concernés sont nombreux puisqu'on estime que 50% des insuffisants cardiaques ont une carence martiale sans anémie.

    « Le fer oral […] n'a aucun intérêt »

    « Désormais la correction de la carence martiale chez les insuffisants cardiaques fait partie intégrante des recommandations » rappelle le gériatre. Asthénie, alopécie, prurit, syndrome des jambes sans repos... les symptômes liés à une carence martiale sont bien loin d'être spécifiques, mais peuvent être évocateurs.

    C'est toutefois bien sûr un dosage sanguin qui permet le diagnostic. En première intention la ferritine, qui signe le diagnostic si elle est inférieure à 100µg/L. Mais particularité du sujet âge sur laquelle insiste le Pr Jeandel, la carence martiale fonctionnelle liée à une situation d'inflammation, fréquente dans la population gériatrique. Dans ce cas, le dosage de la ferritine est pris en défaut, le taux est normal et pourtant la carence est bien présente. En cas d'inflammation, il rappelle donc la nécessité de doser le coefficient de saturation de la transferrine (CST), qui inférieur à 20% et associé à une ferritine entre 100 et 299µg/L authentifie la carence martiale.

    Et qu'elle soit pure ou fonctionnelle, la carence martiale a les mêmes conséquences et doit dans tous les cas être prise en charge, et ce de manière appropriée :« surtout pas en recourant au fer oral, [qui] n'a aucun intérêt dans l'insuffisance cardiaque » insiste-t-il. Seul le fer injectable est efficace pour améliorer symptômes et la qualité de vie. Il est administré à l'hôpital, en deux injections à une semaine d'intervalle. La dose totale comprise en 1000 et 2000mg, dépend du taux d'hémoglobine (en cas d'anémie) et du poids du patient.

    Un rôle important de la carence martiale dans d'autres situations gériatriques

    La carence martiale est fréquente chez le sujet âgé, même en l'absence d'anémie. Elle peut avoir de graves conséquences si elle n'est pas traitée, et on le sait avec certitude chez les insuffisants cardiaques, nombreuses études à haut niveau de preuve à l'appui. Mais « il est vraisemblable que dans d'autres situations qui sont à l'étude aujourd'hui la correction d'une carence martiale joue aussi un rôle important » conclut le gériatre. Il incite donc à avoir dès maintenant le réflexe de la rechercher et de la traiter chez les patients atteints de comorbidités, autres que l'insuffisance cardiaque comme une néoplasie ou une insuffisance rénale.

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    JDF