Neurologie

Sclérose en plaques : le virus Epstein-Barr impliqué dans le processus auto-immun

À l'occasion de la Journée Mondiale de la sclérose en plaques, une étude américaine confirme l'existence d'une relation temporelle entre une immunité anti-virus Epstein-Barr et le déclenchement d'une sclérose en plaques.

  • KatarzynaBialasiewicz/iStock
  • 30 Mai 2022
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    L'élévation des taux d'anticorps sériques contre le virus d'Epstein-Barr (EBV) plusieurs années avant le diagnostic est caractéristique des maladies probablement causées par l'EBV, comme le lymphome de Burkitt et le carcinome nasopharyngé, et possiblement la maladie de Hodgkin. Une infection par le virus d'Epstein-Barr (EBV) a parallèlement été associée à un risque accru de sclérose en plaques (SEP), mais la relation temporelle n'était pas claire entre l'infection et l'apparition de la SEP.

    Une étude cas-témoins, publiée dans JAMA Network, a été menée auprès de plus de 3 millions de militaires américains dont les échantillons de sang ont été prélevés entre 1988 et 2000 et conservés dans le Department of Defense Serum Repository. Les cas de SEP ont été identifiés comme des personnes bénéficiant d'une invalidité temporaire ou permanente en raison de la SEP. Pour chaque cas (n = 83), 2 témoins ont été sélectionnés, appariés par l'âge, le sexe, la race/ethnicité et les dates de prélèvement des échantillons sanguins.

    Cette étude a été corrigée à la demande de ses auteurs, par rapport à sa publication initiale, mais elle montre désormais clairement un âge vulnérable où la survenue d'une infection à EBV pourrait participer au processus immunologique qui conduit à la SEP.

    Un lien temporel avec une élévation de certains anticorps

    L'élévation des taux d'anticorps anti-EBV précéderait l'apparition de la SEP et le délai moyen entre une sérologie EBV élevée et l'apparition secondaire de la SEP chez un jeune adulte serait de 4 à 5 ans ans. Tous les anticorps ne seraient pas prédictifs de la SEP et, en particulier, ce ne seraient pas ceux qui s'élèvent habituellement avant une mononucléose ou avant un lymphome de Burkitt. Les plus forts prédicteurs de la SEP seraient les taux sériques d'anticorps IgG contre EBNA ou EBNA-1.

    Parmi les personnes qui ont développé une SEP, les titres d'anticorps sériques anti-EBNA sont similaires à ceux des témoins avant l'âge de 20 ans, mais ils sont 2 à 3 fois plus élevés à l'âge de 25 ans et plus (p<0.001). Le risque de SEP augmenterait avec ces titres d'anticorps : le risque relatif (RR) chez les personnes ayant des taux anti-EBNA d'au moins 1 280 par rapport à celles ayant des taux inférieurs à 80 est de 9,4 (IC à 95%, 2,5-35,4 ; p < 0,001).

    Dans les analyses longitudinales au cours du suivi, une augmentation multipliée par 4 des taux d’anticorps anti-EBNA ou anti-EBNA-1 serait associée à une multiplication par 3 du risque de SEP (EBNA : RR = 3,0 ; IC à 95%, 1,3-6,5 et EBNA-1 : RR = 3,0 ; IC à 95%, 1,2-7,3).

    Le rôle de l'infection par Epstein-Barr

    Les taux de certains anticorps anti-EBV seraient donc significativement plus élevés quelques années avant l'apparition d’une SEP, ce qui suggère que l'augmentation des anticorps anti-EBV ne serait pas la conséquence de la SEP mais plutôt un événement précoce dans le processus pathologique qui conduit ensuite à la maladie démyélinisante. C’est donc un argument temporel en faveur d’un rôle spécifique d’une infection à EBV comme facteur de risque de SEP.

    Le constat que l'élévation des anticorps survient au début de l'âge adulte est en accord avec l'hypothèse qu'il y aurait un âge de vulnérabilité pour l'émergence d'une SEP, en particulier chez les adolescents ou les jeunes adultes dont le système immunitaire inné aurait été moins exposé aux infections en général, et à EBV en particulier : ce que les auteurs appellent une variante de l’hypothèse hygiéniste des maladies auto-immunes (dans l'asthme, il est montré que les personnes dont le système immunitaire inné est le moins éduqué par les infections sont les plus à risque).

    Des arguments épidémiologiques similaires établissent un lien entre une infection à EBV et le lupus érythémateux disséminé, ce qui suggère que le virus Epstein-Barr pourrait être un facteur de risque des maladies auto-immunes. Avant d'envisager un traitement basé sur ce constat, il reste encore beaucoup de travail à mener.

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    JDF