Rhumatologie
Lombociatique par hernie discale : l’infiltration foraminale équivalente à la chirurgie
Dans la lombociatique par hernie discale non compliquée, les infiltrations intraforaminales de corticoïdes donnent un résultat équivalent à la microchirurgie discale à court terme, dans la première étude multicentrique randomisée.
- Todorean Gabriel/istock
Le traitement invasif optimal de la lombosciatique par une hernie discale est basé initialement sur le traitement conservateur qui est efficace dans environ 90% des cas en mois de 3 mois. Mais survenant dans une population active (âge moyen autour de la quarantaine), la question se pose régulièrement d’un traitement plus radical quand elle persiste au-delà 6 semaines sous traitement. A ce stade, la chirurgie est à discuter par rapport à des infiltrations. Peu d’études contrôlées ont évalué l’intérêt des infiltrations par rapport à la chirurgie.
L’étude NERVES, randomisée et pragmatique, teste pour la première fois en multicentrique l’intérêt de traitements non chirurgicaux, tels qu’une injection de corticoïdes intraforaminale par rapport à la microdiscectomie chirurgicale. Elle est publiée dans The Lancet Rhumatology.
Amélioration équivalente
L'amélioration moyenne du score Oswestry de la douleur et du handicap est de 24,52 points pour le groupe infiltration foraminale d’acétate de triamcinolone et de 26,74 points pour le groupe microchirurgie, avec une différence de traitement estimée à -4,25 (IC à 95% -11,09 à 2,59 ; p=0.22).
Quatre événements indésirables graves survenus chez quatre patients sont associés à la chirurgie, et aucun à l’infiltration foraminale. Par rapport à l’infiltration foraminale, la chirurgie est plus coûteuse initialement mais a un rapport coût-efficacité qui s’améliore par année de vie gagnée ajustée sur la qualité.
Un essai pragmatique multicentrique
NERVES est un essai pragmatique, multicentrique, de phase 3, ouvert et contrôlé par randomisation dans 11 unités de traitement de la colonne vertébrale au Royaume-Uni.
Les patients éligibles étaient âgés de 16 à 65 ans. Ils souffraient d'une lombosciatique par hernie discale, confirmée par IRM, et sans complication ni signe d’urgence. La durée des symptômes était comprise entre 6 semaines et 12 mois (moyenne=21,1 semaines). Tous les malades avaient des radiculalgies cohérentes à la hernie discale en imagerie et qui ne répondaient pas à une prise en charge médicale non invasive.
Les participants ont été randomisés soit dans le groupe infiltration intraforaminale (20 à 60 mg d’acétonide de triamcinolone) (n=80), soit dans le groupe microdiscectomie chirurgicale (n=83). Le critère principal était le score du questionnaire d'invalidité et de la douleur d'Oswestry (ODQ) à 18 semaines.
Le problème des changements de groupes de traitement
En ce qui concerne les cross-over de traitements, les précédentes études ont rapporté des taux de cross-over compris entre 30 et 60% pour les groupes de traitement non chirurgical. Dans cet essai, seuls 21% des patients du groupe infiltration foraminale ont eu une intervention chirurgicale secondaire 18 semaines après avoir eu une infiltration épidurale (avant l'évaluation du critère primaire), ce qui minimise le biais de l'analyse en intention de traiter.
Mais, à l’évaluation finale de 54 semaines, 33 des 80 malades du groupe infiltration foraminale (41%) ont fini par avoir une intervention de microchirurgie discale. Il reste donc à améliorer la prédictibilité de l’efficacité à long terme du traitement par infiltration foraminale.
La réponse à une question récurrente
Il existe peu de données validées quant à l'efficacité clinique d’une infiltration épidurale par rapport à la chirurgie dans le traitement de la lombosciatique par hernie discale. Cependant, l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale est une option de traitement plus récente et qui semble plus précise. Elle semble prometteuse dans la mesure où elle peut délivrer le corticoïde plus près du site de la hernie discale et de l’inflammation radiculaire.
Une méta-analyse de 2015 avait suggéré que l'analgésie non opioïde, l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale et la chirurgie étaient des options de traitement efficaces de la lombosciatique par hernie discale lombaire non compliquée. Cependant, l'efficacité de l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale était incertaine par rapport à la chirurgie dans le cadre du traitement de la lombosciatique par hernie discale lombaire. Ce constat est responsable de la grande variation dans les recommandations de gestion de cette affection fréquente (près de 11% des adultes).
Une hiérarchie de traitement
NERVES est le premier essai randomisé, multicentrique, comparant directement la discectomie microchirurgicale à l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale comme traitement invasif initial de la lombosciatique par hernie discale. Il n'y a pas de différence significative entre l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale et la chirurgie en termes de résultats cliniques, ce qui limite les chances que la chirurgie soit une alternative rentable à l’infiltration foraminale, ainsi que l’avait montré une étude monocentrique.
Les complications de la chirurgie sont importantes, annulant les avantages de la chirurgie en tant que traitement précoce, alors que seuls des événements indésirables mineurs ont été observés avec l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale.
L’étude NERVES fournit donc des preuves de haut niveau pour organiser par étapes le traitement de la lombosciatique par hernie discale non compliquée avec une durée des symptômes de moins de 12 mois. Après échec du traitement conservateur (repos, lombostat, AINS et antalgiques + rééducation), l'injection épidurale de corticoïdes par voie foraminale serait moins coûteuse et aussi efficace initialement que la chirurgie, tout en obtenant des niveaux similaires d'amélioration des résultats.
Le principal problème en France est que l’acétonide de triamcinolone étant une forme retard avec des micro-particules (microcristaux), il est contre indiqué en intraforaminal. Le cortivazol étant désormais indisponible, il faut se contenter de corticoïdes sans cristaux, donc moins puissants et sans effet retard.








