Médecine interne
Sclérodermie systémique : la progression de la fibrose pulmonaire peut être freinée
Une nouvelle molécule, le nintedanib, permet de réduire la progression de la fibrose pulmonaire sur un an, chez des malades sans hypertension artérielle pulmonaire
- Barb Elkin/istock
Le nintedanib, un inhibiteur de tyrosine kinase, a un effet bénéfique sur la diminution de la capacité vitale forcée (CVF) dans les pneumopathies interstitielles observées au cours de la sclérodermie systémique. C’est le résultats d’une étude randomisée versus placebo sur 576 malades avec un an de suivi.
Dans cet essai, aucun bénéfice clinique n'a été observé sur la sclérose cutanée. La tolérance a été bonne et a permis à 80% des malades de suivre le traitement jusqu’au bout de l’étude (un an). L’étude est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Réduction par 2 de la progression
L'essai SENSCIS est un vaste essai randomisé en double aveugle chez des patients atteints de pneumopathie interstitielle secondaire à une sclérodermie systémique. Les résultats ont montré que le taux de diminution de la CVF sur 52 semaines est plus faible chez les patients qui ont reçu le nintedanib que chez ceux qui avaient reçu un placebo. Le taux de variation annuel ajusté de la CVF est de -52,4 ml par année dans le groupe nintedanib et de -93,3 ml par année dans le groupe placebo (différence, 41,0 ml par année ; intervalle de confiance à 95 %[IC], 2,9 à 79,0 ; P=0,04).
Bien que le taux annuel de diminution de la CVF chez les patients ayant reçu le placebo dans cette étude ait été inférieur à celui observé chez les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique ayant reçu le placebo dans les études randomisées précédentes (-93,3 ml dans cette étude contre -223,5 ml dans les études INPULSIS), l'effet relatif du nintedanib sur la diminution du CVF est similaire par rapport au placebo pour réduire (44 % contre 49 % respectivement).
Un bénéfice identique
La différence absolue entre les groupes quant au taux annuel de diminution de la CVF observé dans l’essai SENSCIS (41 ml en faveur du groupe nintedanib) est plus faible que ce qui avait été envisagé lors du calcul de la taille des échantillons. Il est possible que ce soit lié au recrutement de la population de malades dans cette étude : près de la moitié des malades de l'essai avait reçu du mycophénolate auparavant. Par ailleurs, environ la moitié avait une atteinte cutanée limitée.
Il en résulte une population d'essai dans laquelle le déclin de la CVF dans le groupe placebo est inférieur à ce qui avait été anticipé sur la base des données historiques. Dans une sous-analyse, il apparaît que le déclin de la CVF dans le groupe placebo et l'ampleur de l'effet du nintedanib différent selon la prise antérieure de mycophénolate.
Un large essai randomisé
L'essai SENSCIS est un essai randomisé, en double aveugle, contrôlé versus placebo, en groupes parallèles visant à évaluer l'efficacité et la tolérance du nintedanib chez les patients atteints de pneumopathie interstitielle secondaire à une sclérodermie systémique. Les patients recrutés ont une sclérodermie systémique avec apparition du premier symptôme (hors Raynaud) au cours des sept dernières années et une tomodensitométrie à haute résolution montrant une fibrose affectant au moins 10 % des poumons. Ils ont reçu, soit 150 mg de nintedanib, par voie orale deux fois par jour, soit un placebo dans un ratio 1 : 1.
Le principal critère d'évaluation est le taux annuel de diminution de la capacité vitale forcée (CVF), évalué sur une période de 52 semaines. Un critère d'évaluation secondaire est le changement absolu par rapport aux valeurs initiales du score cutané de Rodnan modifié.
Bonne tolérance
Le profil d'événements indésirables du nintedanib dans l'étude SENSCIS est semblable à celui observé dans les études INPULSIS, bien que les événements indésirables gastro-intestinaux soient plus fréquents chez les patients atteints de pneumopathie atypique associée à une sclérodermie systémique que chez ceux qui avaient une fibrose pulmonaire idiopathique, mais cet effet est le même tant dans le groupe traité avec un médicament actif que dans le groupe placebo.
Bien que le pourcentage de patients qui ont abandonné le traitement en raison d'effets indésirables soit plus élevé dans le groupe nintedanib que dans le groupe placebo, le pourcentage de ceux qui l’ont abandonné en raison d'effets indésirables est plus faible dans l'essai actuel que dans les essais INPULSIS et plus de 80 % des patients ont continué à recevoir le nintedanib pendant 52 semaines.
Un inhibiteur des tyrosines kinases
Le Nintedanib est un inhibiteur intracellulaire des tyrosine kinases approuvé dans le traitement de la fibrose pulmonaire idiopathique. Chez les patients atteints de fibrose pulmonaire idiopathique, le traitement par le nintedanib (150 mg deux fois par jour) ralenti la progression de la maladie en réduisant le taux de diminution de la capacité vitale forcée (CVF). Bien que la fibrose pulmonaire idiopathique et la pneumopathie interstitielle associées à la sclérodermie systémique aient des déclencheurs différents, les processus pathogéniques des deux maladies comprennent la transformation des fibroblastes en phénotype myofibroblastique et la formation excessive de matrice extracellulaire.
Le nintedanib a démontré des effets antifibrotiques, anti-inflammatoires et vasculaires de remodelage dans plusieurs modèles animaux ressemblant à des aspects de la sclérose systémique, de la pneumopathie interstitielle associée à la sclérodermie systémique et d'autres pneumopathie interstitielle fibrosantes, ce qui suggère que le nintedanib pourrait moduler les processus fondamentaux à la progression de la fibrose chez l'humain.
Une maladie auto-immune sévère
La sclérose systémique est une maladie auto-immune rare et hétérogène caractérisée par un dysfonctionnement immunitaire, une atteinte microvasculaire et une fibrose. La pneumopathie interstitielle est une manifestation courante de la sclérodermie systémique qui tend à survenir tôt au cours de la maladie ; cette affection impose un fardeau considérable aux malades et est une cause majeure de décès liée à la maladie systémique.
D'après les résultats de deux études randomisées à double insu (Scleroderma Lung Studies I et II[SLS-I et SLS-II]), des immunosuppresseurs (mycophénolate et cyclophosphamide) sont fréquemment utilisés pour le traitement du désordre immun associé à la sclérose systémique. En outre, des traitements ciblés peuvent être utilisés contre d’autres altérations d’organe, comme l’hypertension artérielle pulmonaire.
Une étude de suivi est en cours sur les malades afin de fournir des données à long terme sur le nintedanib pour les patients atteints de pneumonie interstitielle dans le cadre d’une sclérodermie systémique.








