Rhumatologie

Maladie de Lyme : les douleurs articulaires persistantes expliquées

Un composant de la paroi de la bactérie Borrelia burgdorferi, un protéoglycane spécifique, pourrait causer une réaction immunitaire et la persistance de douleurs articulaires après la guérison de l'infection. Une nouvelle cible pour le traitement.

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  • 21 Juin 2019
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    Une équipe de recherche du Virginia Tech a cherché à comprendre pourquoi les symptômes articulaires persistent chez certaines personnes souffrant d'arthrite de Lyme après un traitement antibiotique efficace, même lorsqu'il n’y a plus d'infection avérée.

    Il apparaît que des réponses immunitaires excessives et non régulées de l'hôte, en rapport avec la persistance d’un composant de la bactérie, joueraient un rôle important dans ce phénomène... même si tous les mécanismes sous-jacents ne sont pas encore complètement compris. Les résultats sont publiés dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America.

    Un composant de la paroi de la bactérie

    Les chercheurs ont utilisé des échantillons prélevés chez des personnes atteintes de la maladie de Lyme avec des douleurs articulaires chroniques qui n'avaient pas répondu à un traitement antibiotique. Ils se sont intéressés au peptidoglycane (PG), une molécule structurale de la couche protectrice qui entoure les bactéries. Bien que la plupart des espèces bactériennes synthétisent un peptidoglycane, B. burgdorferi a un peptidoglycane particulier (PGBb) qui présente des caractéristiques chimiques inhabituelles.

    De plus, la plupart des espèces de bactéries recyclent leur peptidoglycane en se multipliant, mais B. burgdorferi n'a pas les enzymes nécessaires pour le réutiliser. Au lieu de cela, le PGBb se décompose en fragments qui restent libres de flotter dans l'environnement et, dans le cas présent, dans le liquide articulaire. Les scientifiques se posaient la question de savoir si ces fragments pouvaient aider à expliquer pourquoi l'inflammation persiste, même après que les antibiotiques aient éradiqué la bactérie.

    Une réponse immunitaire anormale

    Les chercheurs ont d'abord montré que le système immunitaire normal de l’homme réagit aux fragments de PGBb (immunoglobuline G anti-PGBb). Ils ont constaté que les marqueurs de cette activité immunitaire, et en particulier des cytokines pro-inflammatoires produites par les monocytes en présence de protéoglycanes et l’immunoglobuline G anti- PGBb, étaient significativement et anormalement plus élevés dans le liquide synovial des articulations des personnes touchées par l’arthrite persistante après maladie de Lyme que dans leur sérum sanguin.

    Pour aller plus loin, les chercheurs ont purifié ce PGBb, en s'assurant qu'ils avaient éliminé toutes les autres traces de la bactérie. Puis, ils ont injecté par voie sanguine cet échantillon purifié à des souris. Les articulations des animaux sont devenues inflammatoires en seulement 24 heures après l’injection.

    Réponse immunitaire post-infection

    La maladie de Lyme survient lorsqu'une personne est piquée par une tique elle-même infectée par une bactérie appelée Borrelia burgdorferi et que la morsure est infectante (persistance de la tique plusieurs heures). Les symptômes initiaux de l’infection comprennent généralement une éruption cutanée de type érythème chronique et, éventuellement, une fatigue générale, une fièvre et des maux de tête.

    Bien que le traitement de la maladie de Lyme soit très efficace avec les antibiotiques recommandés et correctement prescrits, si ce traitement est mal ou pas fait, la bactérie peut déclencher des problèmes articulaires (et autres) à long terme : à la suite d'une infection avérée à B. burgdorferi, environ 60 % des personnes développent une maladie appelée "arthrite post-Lyme", caractérisée par une inflammation et des douleurs articulaires persistantes. Cette arthrite chronique post-maladie de Lyme peut persister pendant des mois, ou même des années dans certains cas.

    On ne comprenait pas pourquoi les symptômes articulaires pouvaient persister aussi longtemps alors même que les antibiotiques avaient détruit la bactérie. En raison de l'augmentation constante du nombre de cas, les cas de maladie de Lyme ayant triplé depuis la fin des années 1990, le traitement de ces symptômes articulaires persistants devient un enjeu important.

    Nouvelles perspectives

    L’équipe de recherche s’attache désormais à développer des tests diagnostiques et explore de nouvelles options thérapeutiques pour les patients atteints d'arthrite chronique post-Lyme en développant des processus à même de détruire le PGBb dans les articulations des personnes atteintes de la maladie de Lyme.

    Ils espèrent également que les résultats seront utiles en dehors de l'arthrite de Lyme : cette découverte que B. burgdorferi libère des fragments immunogènes de protéoglycane spécifique (PGBb) l’infection suggère un rôle pathogène potentiel de ces PGBb pour d'autres manifestations de la maladie de Lyme. L’analyse de la structure chimique détaillée du PGBb est en cours afin de comprendre comment ce protéoglycane peut rester dans les tissus du corps (système nerveux, cœur, peau...) pendant de si longues périodes.

    Le bémol est que dans les années 70, on a trouvé beaucoup de structures bactériennes dans les liquides articulaires et les synoviales de rhumatismes inflammatoires chroniques et qu’il avait été impossible à l’époque de mettre en évidence un lien pathogénique direct avec ces rhumatismes. L’hypothèse avait été que la synoviale était une espèce de filtre qui retenait beaucoup de choses qui passaient dans le sang. L’intérêt de cette étude est la démonstration d’une réaction immunitaire spécifique et le modèle animal qui permettent d’espérer aller plus loin dans cette voie.

    Selon les Centers for Diseases Control, les cas de maladie de Lyme ont triplé depuis la fin des années 1990 aux USA et, dans des pays concernés, les maladies transmises par les tiques sont de plus en plus répandues. Cette augmentation serait due, au moins en partie, à la hausse des températures mondiales.

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