ASH 2025
ASH 2025 – Polyglobulie de Vaquez
VERIFY : un tournant thérapeutique et physiopathologique
- Dragon Claws/istock
L’étude VERIFY, présentée ce samedi à l’ASH 2025, ouvre clairement une nouvelle étape dans la prise en charge de la polyglobulie de Vaquez (PV).
Elle démontre non seulement un contrôle durable de l’hématocrite et une réduction massive des saignées, mais surtout la validation clinique d’un mécanisme d’action inédit : la modulation directe de l’érythropoïèse via un mimétique de l’hepcidine.
Une rupture majeure dans un domaine où les options thérapeutiques étaient restées pratiquement inchangées depuis des décennies.
La polyglobulie de Vaquez demeure une maladie dominée par des stratégies anciennes :
- phlébotomies répétées, souvent lourdes et fréquentes ;
- traitements cytoréducteurs (hydroxyurée, interféron) parfois difficiles à tolérer ;
- un retentissement significatif sur la qualité de vie.
Dans ce contexte, le Rusfertide (PTG-300), mimétique de l’hepcidine administré par voie sous-cutanée hebdomadaire, introduit une logique radicalement différente.
En reproduisant l’action de l’hepcidine naturelle, il se lie à la ferroportine, bloque la libération du fer par les macrophages et en réduit l’absorption intestinale.
Le résultat est une restriction fonctionnelle contrôlée en fer, qui limite la synthèse d’hémoglobine et calme l’hyperérythropoïèse caractéristique de la PV.
Un concept nouveau : l’action directe sur l’érythrocytose
Contrairement aux approches traditionnelles – retirer du sang ou inhiber globalement la moelle – le Rusfertide agit en amont du processus, sur la disponibilité du fer.
Il interrompt la cascade de surproduction érythrocytaire, ciblant la cause fonctionnelle de l’érythrocytose plutôt que ses conséquences.
Ce mécanisme qualifié d’“action directe sur l’érythrocytose” constitue une avancée conceptuelle majeure :
- un contrôle pharmacologique stable de l’hématocrite,
- sans variations extrêmes induites par les cycles de saignées,
- sans cytotoxicité,
- sans épuisement médullaire.
Pour la première fois, une stratégie thérapeutique s’attaque réellement à la physiopathologie intime de la PV.
L’étude VERIFY : design et critères
VERIFY (NCT05210790) est un essai international de phase III, randomisé, contrôlé contre placebo, en double aveugle, avec extension en ouvert. 293 patients atteints de PV ayant nécessité des phlébotomies fréquentes malgré traitement standard.
Schéma :
- S0–S32 (1a) : Rusfertide + soins standards vs placebo + soins standards
- S32–S52 (1b) : tous les patients sous Rusfertide (cross-over)
- S52–S156 (Partie 2) : extension de long terme en cours
Critères principaux :
- absence d’éligibilité à la phlébotomie
- hématocrite < 45 %
- délai avant première saignée
- scores PROMIS Fatigue et MFSAF TSS-7
- tolérance générale (AEs, SAEs)
Résultats : un contrôle prolongé et robuste
Durabilité de la réponse
- 61,9 % des patients sous Rusfertide sont restés non éligibles à la saignée entre 0 et 52 semaines.
- Après cross-over, 78 % des patients initialement sous placebo atteignent également ce critère.
- Le délai médian avant première saignée n’est pas atteint avec Rusfertide (vs 16 semaines sous placebo).
Contrôle de l’hématocrite
- Hématocrite moyen < 43 % durant toute la phase ouverte (S32–S52).
- Médiane du délai avant Ht ≥ 45 % : non atteinte.
Symptomatologie
Amélioration durable de la fatigue (PROMIS) et des symptômes PV (MFSAF), cohérente avec la stabilisation hématologique.
Tolérance : un profil rassurant
|
Effet indésirable |
Incidence |
Commentaire |
|
Réactions locales |
47 % |
Grade 1–2 |
|
Anémie |
26 % |
Modérée, réversible |
|
Fatigue |
20 % |
Comparable au placebo |
|
EIG |
8 % |
Aucun signal inattendu |
|
Thromboembolie |
2 cas |
Répartis sur 1a et 1b |
Pas de toxicité hépatique, pas de signal systémique nouveau.
Interprétation : un mécanisme validé en clinique
Le Rusfertide confirme la pertinence d’une approche physiologique, ciblant la disponibilité du fer pour stabiliser l’hématocrite et réduire drastiquement les saignées.
Andrew Kuykendall (Moffitt Cancer Center) résume :
« Nous avons désormais la preuve qu’un contrôle durable de l’hématocrite est possible sans recourir aux saignées répétées.
Le Rusfertide stabilise la maladie et redonne de l’autonomie au patient. »
Commentaire d’un expert français :
« VERIFY montre que l’on peut contrôler la PV en ciblant l’excès de fer utilisable.
C’est une stratégie plus rationnelle et potentiellement moins thrombogène que les saignées fréquentes. »
Impact clinique et perspectives
1. Nouveau paradigme pour les patients dépendants des saignées
Une injection hebdomadaire, auto-administrée, qui stabilise durablement l’hématocrite.
2. Prévention thrombotique
Une hématocrite stable, sans fluctuations extrêmes, pourrait réduire les pics de viscosité.
3. Nouvelles indications en exploration
- Thalassémies non transfusion-dépendantes
- Anémies du cancer
- Autres MPN avec érythrocytose
4. Données long terme attendues
La phase d’extension (S52–S156) précisera la stabilité, la sécurité prolongée, et l’impact sur le risque thrombotique.
Limites
- Durée analysée encore limitée à 52 semaines
- Population enrichie en patients très dépendants des saignées
- Enjeux d’accès, coût, place exacte dans la stratégie PV restent à définir
Conclusion : un tournant pour la polyglobulie de Vaquez
VERIFY confirme le Rusfertide comme la première alternative pharmacologique crédible aux saignées répétées.
Un traitement hebdomadaire, simple, fondé sur une physiologie robuste, et capable d’offrir un contrôle stable et durable de la maladie, tout en améliorant la qualité de vie.
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