Hématologie

Lymphome à cellules du manteau : comparatif des cBTKi

Après une première ligne d’immunochimiothérapie, la plupart des patients avec un lymphome du manteau (LCM) évoluent vers une forme en rechute ou réfractaire (R/R), justifiant le recours aux inhibiteurs covalents de BTK (cBTKi), désormais piliers du traitement. Toutefois, l’absence d’essais comparatifs limite le choix optimal entre ces molécules aux profils d’efficacité et de tolérance distincts.

  • demaerre/istock
  • 27 Novembre 2025
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    Le lymphome à cellules du manteau (LCM) est une hémopathie agressive, marquée par des rechutes fréquentes malgré l’élargissement progressif des options thérapeutiques. En situation de deuxième ou troisième ligne, les inhibiteurs covalents de BTK (cBTKi) – ibrutinib, acalabrutinib et zanubrutinib – constituent désormais des standards recommandés (1), bien que leur positionnement relatif reste difficile à préciser en l’absence d’essais randomisés comparatifs (2).

    Dans ce contexte, les données de vie réelle offrent une opportunité précieuse pour éclairer la pratique, notamment chez des patients plus âgés ou comorbides, souvent sous-représentés dans les essais cliniques. L’étude présentée s’appuie sur la base américaine Flatiron Health, l’un des plus vastes registres oncologiques nationaux, afin d’évaluer de manière comparative les profils d’utilisation, l’efficacité clinique et la tolérance des différents cBTKi chez des patients atteints de LCM en rechute ou réfractaire (R/R), traités en vie réelle (3).

    Une population âgée et hétérogène

    Parmi les 698 patients atteints de LCM en R/R inclus dans l’analyse, 19 % ont reçu du zanubrutinib, 49 % de l’acalabrutinib et 32 % de l’ibrutinib en deuxième ou troisième ligne. L’âge médian de 73 ans souligne le caractère âgé et souvent fragilisé de cette population. Les données montrent une sous-utilisation marquée du test TP53, réalisé chez seulement 12 % des patients, révélant une lacune diagnostique persistante en pratique courante malgré son importance pronostique et thérapeutique.

    L’emploi plus fréquent de l’acalabrutinib reflète probablement son profil de tolérance jugé plus favorable que celui de l’ibrutinib, ainsi que son adoption progressive depuis son autorisation d’utilisation dans le LCM R/R à partir de 2018. Cette distribution thérapeutique illustre l’évolution des pratiques face aux inhibiteurs de BTK de nouvelle génération et la transition en cours vers des options mieux tolérées.

    L’efficacité du zanubrutinib se démarque nettement

    Les analyses non ajustées mettent en évidence un avantage du zanubrutinib par rapport aux autres cBTKi, avec un TTNT plus long (14,5 mois contre 12,8 mois pour l’acalabrutinib et 10,1 mois pour l’ibrutinib) et un bénéfice apparent en survie globale. Après ajustement par pondération sur le score de propension, le zanubrutinib conserve un avantage significatif sur l’ibrutinib en termes de survie globale (HR 0,63 ; IC95 % 0,42–0,96) et montre une tendance favorable face à l’acalabrutinib.

    Ces résultats convergent avec les données issues de l’essai ALPINE dans la LLC, qui avaient déjà démontré la supériorité du zanubrutinib sur l’ibrutinib dans une autre hémopathie B. L’ensemble suggère donc que la plus grande sélectivité du zanubrutinib pourrait se traduire par un bénéfice clinique tangible en vie réelle dans le LCM en R/R.

    L’intolérance dicte encore les changements de ligne

    La toxicité constitue la première cause d’arrêt des cBTKi, représentant 58 à 61 % des interruptions sous ibrutinib ou acalabrutinib, reflétant leur profil d’effets indésirables plus marqué. À l’inverse, les arrêts pour intolérance sous zanubrutinib restent rares, en cohérence avec sa plus grande sélectivité et son meilleur profil de tolérance observé en vie réelle. La progression de la maladie représente le second motif de changement, retrouvée dans 19 à 25 % des cas, soulignant l’hétérogénéité des réponses et la nécessité d’un suivi rapproché.

    Conclusion

    Cette analyse en vie réelle met en évidence la supériorité du zanubrutinib sur l’ibrutinib et une tendance favorable face à l’acalabrutinib en 2e/3e ligne du LCM R/R. Elle confirme également la meilleure tolérance des inhibiteurs de BTK plus sélectifs, expliquant leur adoption croissante en pratique clinique. Ces résultats soulignent la nécessité d’études prospectives comparatives afin d’optimiser le séquençage des cBTKi et de guider plus finement les choix thérapeutiques dans cette population complexe.

     

    Références

    1. Bond DA, Martin P, Maddocks KJ. Relapsed Mantle Cell Lymphoma: Current Management, Recent Progress, and Future Directions. J Clin Med. 2021;10(6).
    2. Eyre TA, Cheah CY, Wang ML. Therapeutic options for relapsed/refractory mantle cell lymphoma. Blood. 2022;139(5):666-77.
    3. Phillips TJ, Di M, Miller T, Wang J, Pierre A, Maglinte GA, et al. Real-World Comparative Effectiveness of Bruton Tyrosine Kinase Inhibitors in Relapsed/Refractory Mantle Cell Lymphoma. Blood Adv. 2025.

     

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