Onco-Digestif

Adénocarcinome du pancréas "borderline" : quelle est la meilleure séquence thérapeutique en induction ?

L'essai PANDAS / PREOPANC 44 interpelle sur l'intérêt de la chimioradiothérapie dans le traitement des adénocarcinomes du pancréas borderline traité par mFOLFIRINOX.

  • Shidlovski/iStock
  • 19 Novembre 2024
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    La prise en charge des adénocarcinomes du pancréas « borderline » ou de résécabilité limite repose sur un traitement d’induction à base de chimiothérapie et/ou chimioradiothérapie. Les essais thérapeutiques ESPAC5-F (phase II) et PREOPANC1 (phase III) ont validé l’intérêt de ce traitement d’induction avec une amélioration significative de la survie globale dans PREOPANC1.

    L’essai de phase 3 PREOPANC2 a comparé la séquence de chimioradiothérapie combinant gemcitabine et radiothérapie de PREOPANC1 au FOLFIRINOX (8 cycles). Les résultats présentés lors du congrès de l’ESMO 2023 n’avaient pas montré de différence entre ces deux séquences thérapeutiques.
     

    Méthodologie

    L’essai PANDAS PRODIGE 44 est un essai de phase II randomisé ayant comparé une séquence de FOLFIRINOX (6 cycles) suivi ou non d’un chimioradiothérapie (CRT : 50.4 Gy en 28 fractions avec capécitabine) en induction chez les patients avec un adénocarcinome du pancréas borderline. Une relecture centralisée du scanner diagnostique était réalisée lors de l’inclusion pour s’assurer de la classification borderline selon les critères du NCCN (« National Comprehensive Cancer Network »).

    En cas de contrôle de la maladie après 4 cycles de FOLFIRINOX, les patients étaient randomisés entre un bras A avec 2 cycles de FOLFIRINOX puis chirurgie ou un bras B avec 2 cycles de FOLFIRINOX suivi d’une CRT avant chirurgie. Le critère de jugement principal était le taux de résection R0.

    Résultats

    130 patients ont été inclus dans l’étude et 110 (85%) randomisés après les 4 cycles de FOLFIRINOX. Parmi les 54 patients randomisés dans le bras A, 40 (74%) patients ont été opérés, 37 (69%) ont eu la résection pancréatique et 31 (57%) ont débuté la chimiothérapie adjuvante. Parmi les 56 patients randomisés dans le bras B, 40 (71%) patients ont été opérés, 31 (55%) ont eu la résection pancréatique et 23 (41%) ont débuté la chimiothérapie adjuvante.

    Parmi les patients opérés (40 dans chaque bras), le taux de résection R0 était de 50% dans le bras A et de 45% dans le bras B (p=0,82). Les taux de réponse pathologique complète étaient différents entre l’abstract et la présentation orale : dans les bras A et B, de 8% et 29% dans l’abstract mais de 0% et 0% lors de la présentation orale. A la date de point, et en intention de traiter, les médianes de survie globale des bras A et B étaient de 32,8 vs 30,0 mois (p=0 ,99) ; les médianes de survie sans progression de 12,1 vs 13,6 mois (p=0,93), de survie sans métastases de 14,9 vs 13,8 mois (p=0,73) et de survie sans récidive locorégionale de 22,6 vs 27,9 mois, respectivement. Les profils de tolérance étaient satisfaisants dans les deux bras mais le taux de mortalité post-opératoire semblait un peu plus élevé dans le bras B. Parmi les patients ayant eu la résection pancréatique, la médiane de survie globale était supérieure dans le bras B (47,9 vs 35,7 mois).

    Conclusion

    Ces premières données ne retrouvent pas de différence de survie entre ces deux stratégies en intention de traiter et ne poussent donc pas à la réalisation d’une chimioradiothérapie complémentaire. Néanmoins, plusieurs points méritent discussions et devraient être explorés dans de nouvelles présentations.

    Comment explique-t-on la différence de réponse pathologique complète entre l’abstract et la communication orale ? Des immmunohistochimies ont-elles été réalisées ? si oui, cela pourrait expliquer ces différences mais celles-ci n’ont a priori pas été réalisées dans les autres essais et rendraient toute comparaison avec ceux-ci difficile. Il y a-t-il d’autres critères de réponse pathologique stade ypT, ypN, score de régression tumoral ?

    Le taux de patients opérés à visée curative est de 69% dans le bras A et de 55% dans le bras B. Il semble donc que moins de patients aient été opérés dans le bras B en raison d’une progression de la maladie après CRT. Néanmoins, les médianes de survie globale rapportées dans l’abstract penchent en faveur de la CRT. Le but de la séquence thérapeutique étant de guérir plus de patients, des données de survie à plus long terme sont souhaitables, notamment dans le sous-groupe de patients opérés/réséqués. La CRT pourrait permettre de mieux sélectionner les « bons » candidats à la chirurgie même si en intention de traiter l’on ne retrouve pas de différence entre les deux bras. 

    Enfin, la question de la morbi-mortalité post-opératoire de la séquence thérapeutique mérite d’être investiguée plus en détails.

     

    Références

     

    1. Ghaneh P, Palmer D, Cicconi S, et al. Immediate surgery compared with short-course neoadjuvant gemcitabine plus capecitabine, FOLFIRINOX, or chemoradiotherapy in patients with borderline resectable pancreatic cancer (ESPAC5): a four-arm, multicentre, randomised, phase 2 trial. Lancet Gastroenterol Hepatol 2023;8(2):157-168.
    2. Versteijne E, van Dam JL, Suker M, et al. Neoadjuvant Chemoradiotherapy Versus Upfront Surgery for Resectable and Borderline Resectable Pancreatic Cancer: Long-Term Results of the Dutch Randomized PREOPANC Trial. J Clin Oncol 2022;40(11):1220-1230.
    3. Groot KoerkampB, Janssen QP, van Dam JL, et al. Neoadjuvant chemotherapy with FOLFIRINOX versus neoadjuvant gemcitabine-based chemoradiotherapy for borderline resectable and resectable pancreatic cancer (PREOPANC-2): A multicenter randomized controlled trial. ESMO 2023, LBA83.

     

     

     

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