Hématologie

Leucémie myéloïde chronique : intérêt d’un nouveau TKI allostérique, l’asciminib

L'arrivée de l'asciminib, un nouvel inhibiteur allostérique de tyrosine kinase, marque une étape dans le traitement de la leucémie myéloïde chronique (LMC). Mais y a-t-il un intérêt à le prescrire en 1ère ligne ?

  • Md Ariful Islam/istock
  • 12 Septembre 2024
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    Depuis la découverte du chromosome Philadelphie en 1960, la compréhension de la leucémie myéloïde chronique (LMC) a considérablement évolué. L'identification de la translocation chromosomique 9;22 et du gène de fusion BCR::ABL1 a permis de développer des inhibiteurs de tyrosine kinase (ITK), transformant ainsi le traitement de la LMC.

    Aujourd'hui, cinq ITK sont approuvés et les taux de survie des patients souffrant de LMC se rapprochent de ceux de la population générale. Cependant, malgré ces avancées, environ 70% des patients nécessitent encore une thérapie à vie, confrontés aux effets secondaires des ITK. C'est dans ce contexte que l'asciminib, un nouvel inhibiteur allostérique, se distingue par un mécanisme d'action qui pourrait réduire la résistance aux traitements actuels et offrir de nouvelles perspectives thérapeutiques.

    Nouvelles données sur l'efficacité et la tolérance de l'asciminib

    L'étude de phase 3 ASC4FIRST, publiée dans le New England Journal of Medicine, a comparé l’asciminib avec des ITK choisis par les investigateurs chez des patients chez qui une leucémie myéloïde chronique vient d’être diagnostiquée. Parmi les 405 patients répartis en deux groupes, ceux traités par l’asciminib ont eu un taux de réponse moléculaire majeure à 48 semaines supérieur à celui des patients traités par les ITK de référence (67,7 % contre 49,0 %) et par imatinib (69,3 % contre 40,2 %).

    Toutefois, la différence n’est pas significative lorsque l’asciminib est comparé aux ITK de deuxième génération dans une sous-population dont les effectifs ne sont pas suffisants. Sur le plan de la tolérance, l’asciminib a un profil favorable avec moins d'anémie que les ITK de référence, mais des effets secondaires vasculaires préoccupants ont été notés même chez les patients non prétraités. Les résultats à long terme restent à évaluer, notamment en ce qui concerne la sécurité d'emploi et le risque de nouvelles mutations de résistance.

    Un mécanisme d’action original

    La protéine de fusion BCR::ABL1 n'est pas autoinhibée en raison de la perte de la coiffe N-terminale régulatrice lors de la translocation du gène. L'asciminib cible ABL1 et son N-terminal myristoylé dans la poche myristoyle, ce qui maintient la kinase autoinhibée. Bien que les TKI se lient au site de liaison de l'ATP, l'asciminib se lie de manière allostérique à la poche myristoyle, induisant un changement de conformation qui perturbe la conformation active de la kinase.

    Ce mécanisme permet de contourner les mutations de résistance au niveau du domaine kinase et de la poche ATP et devrait également réduire les effets hors cible en raison du nombre limité de kinases contenant des sites de liaison au myristate.

    Qualité méthodologique et représentativité des données

    Les données proviennent d'un essai clinique de phase 3 rigoureusement conçu, incluant une randomisation des patients et des groupes de comparaison distincts pour les ITK de première et deuxième génération.

    Cependant, des limites subsistent, notamment une population déséquilibrée en raison de la prépondérance de patients sous imatinib, ce qui pourrait influencer les résultats. De plus, l'étude présente une durée de suivi relativement courte pour évaluer pleinement les effets secondaires à long terme de l'asciminib.

    Synthèse et perspectives de recherche

    Selon un éditorial associé, l’asciminib ouvrirait de nouvelles perspectives dans la gestion de la LMC, particulièrement pour les patients en échec de traitement ou avec des mutations résistantes. Cependant, son positionnement comme traitement de première ligne nécessitera des données complémentaires sur sa sécurité et son efficacité à long terme.

    Les recherches futures devront se concentrer sur l'optimisation de l'arrêt thérapeutique et la réduction des effets secondaires à long terme. De nouvelles études comparatives directes avec les ITK de deuxième génération seront essentielles pour confirmer sa place dans l'arsenal thérapeutique de la LMC. Si l’asciminib parvient à améliorer durablement la sécurité et l'efficacité des traitements, il pourrait représenter une nouvelle avancée majeure dans cette lutte.

     

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