Urologie

Récidives de cancer de la prostate : la radiothérapie avec anti-androgène augmente la survie sur le long terme

Chez des patients à haut risque de récidive de cancer de la prostate après prostatectomie, un essai randomisé comparant la radiothérapie pelvienne plus 2 ans d'anti-androgène donne une amélioration nette de la survie.

  • alexraths/epictura
  • 05 Février 2017
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    Dans les récidives biologiques de cancer de la prostate (PSA élevé), une radiothérapie à dose modérée associée au bicalutamide à dose élevée (150 mg) comme traitement suppresseur androgénique, apporte une amélioration de 23% du taux de survie globale et une réduction de 51% du taux de décès dans le groupe bicalutamide par rapport au groupe placebo. Ces excellents résultats sont obtenus au prix d’une gynécomastie plus fréquente, mais celle-ci pourrait cependant être gérée par divers moyens.

    Amélioration à 13 ans de suivi

    Le nombre nécessaire de malades à traiter avec le bicalutamide, un anti-androgène non-stéroïdien, pour prévenir un décès par cancer de la prostate est de 20 seulement. Par comparaison, le nombre nécessaire de malades à traiter avec la chirurgie ou la radiothérapie pour prévenir un décès par cancer de la prostate a été estimé à 27. Ceci montre l'ampleur du bénéfice apporté par le traitement anti-androgène pris pendant 2 ans.

    Comme on pouvait s'y attendre, l'effet secondaire principal du bicalutamide est la gynécomastie, observée chez 70% des hommes traités. Cet effet secondaire peut cependant être atténué par une radiothérapie prophylactique du sein ou par l'administration de tamoxifène

    Un essai en double aveugle

    Il s’agit d’un essai en double aveugle, contrôlé versus placebo, mené de 1998 à 2003. Il s’agissait de randomiser 760 patients qui avaient subi une prostatectomie avec une lymphadénectomie et avaient une maladie à risque sur une biopsie, avec un stade tumoral T2 (confiné à la prostate mais avec une marge chirurgicale positive) ou T3 (avec extension histologique au-delà de la capsule prostatique), aucune atteinte ganglionnaire, mais un taux de PSA détectable de 0,2 à 4,0 nanogrammes par millilitre. Ces malades ont tous eu une radiothérapie et ont été tirés au sort pour recevoir en plus, soit un anti-androgène (24 mois de bicalutamide à une dose de 150 mg par jour), soit des comprimés de placebo, pendant et après la radiothérapie. Le principal critère d'évaluation était le taux de survie globale. Le suivi médian chez les patients survivants était de 13 ans.

    Un bon bénéfice-risque

    Le taux actuariel de survie globale à 12 ans est de 76,3% dans le groupe bicalutamide, comparativement à 71,3% dans le groupe placebo (HR pour le décès 0,77, IC 95%, 0,59 à 0,99, P = 0,04).
    L'incidence de décès par cancer de la prostate sur 12 ans, évaluée au moyen d'une évaluation centralisée, est de 5,8% dans le groupe bicalutamide, contre 13,4% dans le groupe placebo (P <0,001).
    L'incidence cumulative du cancer de la prostate métastatique à 12 ans est de 14,5% dans le groupe bicalutamide, contre 23,0% dans le groupe placebo (P = 0,005).
    L'incidence des événements indésirables tardifs associés à la radiothérapie est similaire dans les deux groupes. La gynécomastie est objectivée chez 69,7% des patients du groupe bicalutamide, contre 10,9% dans le groupe placebo (P <0,001).

    En pratique

    Le pronostic du cancer de la prostate dépend de nombreux facteurs (grade, volume et stade), mais dans de nombreux cas la récidive après prostatectomie reste confinée au petit bassin. Une radiothérapie de sauvetage est alors souvent nécessaire en cas de signes de récidive du cancer dont témoigne un niveau persistant ou récurrent d'antigène prostatique spécifique (PSA). Mais le bénéfice n’est pas toujours confirmé à long terme et le cancer reste souvent la principale cause de décès.

    L'antigène prostatique spécifique (PSA) doit être indétectable après la chirurgie : un taux de PSA détectable indique habituellement une récidive de la maladie. Et presque systématiquement après chirurgie, les malades qui ont une progression vers une maladie métastatique et meurent ensuite d'un cancer de la prostate ont un niveau de PSA détectable comme premier signe de la récidive du cancer. La question de savoir si la thérapie anti-androgénique en plus de la radiothérapie permet d'améliorer le contrôle du cancer et de prolonger la survie globale est donc une question fondamentale.

    L'ajout d’un traitement de 24 mois d'anti-androgène par bicalutamide quotidien à une radiothérapie de sauvetage donne des taux significativement plus élevés de survie globale à long terme (13 ans) et une moindre d'incidence de cancer de la prostate métastatique et de décès par cancer de la prostate que la radiothérapie seule (placebo). La question est donc résolue.

    Le bicalutamide peut donc être utilisé à la place d’un agoniste de la LH-RH dans la mesure où il a les mêmes effets sur le cancer et où il n’a pas les effets secondaires sexuels et osseux importants des agonistes. La question qui se pose encore est de savoir si une dose de radiation supérieure apporterait un meilleur bénéfice sur le critère principal, mais cela semble improbable au vu de l’importance de l’effet thérapeutique du bicalutamide.

    Par contre, il reste à savoir comment la radiothérapie de sauvetage se compare à la radiothérapie adjuvante et un essai canadien est en cours à ce sujet. Enfin, il reste à déterminer si d’autres facteurs permettraient de mieux sélectionner les malades qui pourraient bénéficier de ce traitement anti-androgène dont la durée de 2 ans semble plus intéressante que celle de 6 mois testée dans d’autres études : cette dernière pourrait être réservée au patients avec de nombreuses comorbidités.

    Enfin, il faut signaler que le suivi prolongé à 13 ans dans cette étude a été coordonné indépendamment de l’étude randomisée initiale (de 2 ans). Cette remarquable contribution du National Clinical Trials Network du National Cancer Institute montre l'importance des essais cliniques randomisés avec un très long suivi.

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