Hématologie

Macroglobulinémie de Waldenström : une combinaison IV à durée fixe en première ligne ?

Cet essai de phase 2 a évalué une stratégie thérapeutique orale à durée fixe, associant un inhibiteur de BCL2 (le venetoclax) et d’un inhibiteur de BTK (l’ibrutinib) lors du traitement de première ligne de patients atteints d’une macroglobulinémie de Waldenström. Ce résumé décrit les principaux résultats cliniques d’efficacité et de tolérance de cet essai multicentrique.

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  • 27 Fév 2024
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    La macroglobulinémie de Waldenström (MW) est un lymphome indolent caractérisé par une accumulation de cellules lymphoplasmocytaires malignes, sécrétant une immunoglobuline M (IgM) dans la moelle osseuse et d'autres organes. Des mutations somatiques de MYD88 et CXCR4 ont été identifiées chez respectivement ≥90% et ≥30% des patients atteints de MW. Étant donné l'absence de guérison avec les traitements actuels, la survie prolongée des patients et les inconvénients potentiels de l’immunochimiothérapie (effet flair, infections, néoplasies secondaires…), le développement de nouvelles stratégies thérapeutiques est impératif 1.

    L'ibrutinib, premier inhibiteur de BTK, s’est révélé être très efficace dans cette indication tandis que son association au venetoclax, antagoniste oral du BCL2, a démontré une action synergique in vitro 2. En conséquence, les auteurs de cette étude ont mené une étude prospective évaluant une combinaison orale à durée fixe, sans chimiothérapie, d'ibrutinib et de venetoclax en première ligne de traitement de patients atteints de MW 3.

    Une durée de traitement fixe

    Entre Juillet 2020 et Janvier 2022, 45 patients atteints de MW MYD88-mutée ont été inclus dans cette étude. Tous les patients recevaient un traitement oral en ambulatoire, comprenant une prise quotidienne d’ibrutinib (420 mg/jour) à C1, puis l’adjonction de venetoclax à C2 (100 mg/jour pendant 1 semaine, 200 mg/jour pendant 1 semaine, puis 400 mg/jour pendant 2 semaines). Entre C3 et C24, les patients recevaient ensuite une combinaison d’ibrutinib (420 mg/jour) et de venetoclax (400 mg/jour), jusqu’à progression de la maladie ou survenue d’une toxicité inacceptable. Les principales indications de traitement étaient une anémie symptomatique (60%), une hyperviscosité symptomatique (27%), des signes généraux (24%), une atteinte extramédullaire (9%) ou une neuropathie périphérique (7%).

    L’âge médian des patients était de 67 ans (38-81), le taux médian d’IgM sérique était de 43 g/L (5,7-92) et l’infiltration médullaire médiane de 60% (5-90). Trente-huit pourcents des patients (n=17) présentaient des mutations CXCR4 (10 mutations faux-sens et 7 décalages du cadre de lecture).

    Une combinaison chemofree à l’efficacité clinique prometteuse

    En termes de meilleure réponse, le taux de réponse globale était de 100% avec un taux de réponse majeure de 96% (42% de très bonne réponse partielle, 53% de réponse partielle et 4% de réponse mineure). Aucune réponse complète n’a été observée. Au moment de la meilleure réponse, les taux d'hémoglobine et les symptômes d’hyperviscosité s’étaient normalisés chez tous les patients concernés. En revanche, les neuropathies restaient inchangées sous traitement.

    Sur le plan tumoral, 67% des patients présentaient une régression complète des adénopathies et 92% de la splénomégalie. Avec un suivi médian de 24,4 mois, les taux de survie sans-progression et globale à 24 mois étaient respectivement de 76% (95%CI, 59-86) et de 96% (95%CI, 84-99), sans impact délétère des mutations CXCR4 (respectivement P=0,89 et P=0,27). Le nombre médian de cycles administrés était de 10 (2-22), avec une durée médiane de traitement de 10,2 mois (1,9-20,8 mois). Avec une médiane de suivi de 13,3 mois (95%CI, 12,9-13,5) après la fin du traitement, le taux de survie sans-progression à 12 mois de la fin de traitement était de 79% (95%CI, 63-88), sans impact significatif des mutations CXCR4 (P=0,35).

    Un profil de tolérance dominé par la neutropénie

    Les principaux effets indésirables de grade ≥3 étaient la neutropénie (29%), la mucite (9%), la diarrhée (7%) et le syndrome de lyse tumorale biologique (7%). Les neutropénies, mucites et diarrhées ont évolué favorablement au décours d’une interruption temporaire des traitements et aucun patient dont les doses ont été réduites n’a présenté de progression après la fin du traitement.

    Aucun syndrome de lyse tumorale clinique n'a été observé. La fibrillation atriale survenait chez 4% des patients et les arythmies ventriculaires chez 9% des patients, dont 2 événements de grade 5 engendrant l’interruption de cette étude. Tous les patients survivants ont été testés pour les taux d'enzymes cardiaques, ont réalisé un électrocardiogramme, une échocardiographie et des tests de stress cardiaque pour évaluer leur santé cardiovasculaire.

    Conclusion

    Cette étude démontre que la combinaison IV, administrée sur une durée fixe de 24 mois, permet d’obtenir des taux élevés de très bonne réponse partielle et des réponses durables au décours de la fin du traitement. En revanche, le profil de tolérance cardiovasculaire, et notamment les évènements d’arythmies ventriculaires, contre-indiquent l’usage de cette combinaison chez les patients atteints de MW. L’émergence d'inhibiteurs de BTK, covalents et non-covalents, avec des taux réduits d'événements cardiaques et des interactions pharmacologiques minimales avec les antagonistes de BCL2, permettra vraisemblablement de proposer des combinaisons thérapeutiques plus sûres à ces patients.

     

    Références

    1. Castillo, J.J., et al. Overall survival and competing risks of death in patients with Waldenström macroglobulinaemia: an analysis of the Surveillance, Epidemiology and End Results database. British Journal of Haematology 169, 81-89 (2015).
    2. Cao, Y., et al. The BCL2 antagonist ABT‐199 triggers apoptosis, and augments ibrutinib and idelalisib mediated cytotoxicity in CXCR4Wild‐type and CXCR4WHIM mutated Wa. British Journal of Haematology 170, 134-138 (2015).
    3. Castillo, J.J., et al. Ibrutinib and venetoclax as primary therapy in symptomatic, treatment-naïve Waldenström macroglobulinemia. Blood 143, 582-591 (2024).

     

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