Hématologie

LLC/lymphome lymphocytique : résultats à long terme du FCR

A l’ère de la thérapie ciblée orale, il est important de rappeler que l'immunochimiothérapie associant la Fludarabine, le Cyclophosphamide et le Rituximab (FCR) fut une avancée significative dans la prise en charge des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC). Au-delà des nombreuses données d’efficacité, la relation entre le FCR et les cancers secondaires induits soulève des questionnements sur l’usage de cette approche thérapeutique. Cette étude de cohorte décrit les résultats à (très) long terme d'une cohorte de patients traités par FCR pour une LLC et évalue l’incidence des cancers secondaires

  • Rapeepat Pornsipak/istock
  • 27 Nov 2023
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    Un bénéfice de survie sans-progression (SSP) à long terme a été décrit après traitement de première ligne par Fludarabine, Cyclophosphamide et Rituximab (FCR) chez les patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC), soulevant la perspective d’une guérison pour une fraction significative de patients porteurs d’une mutation du gène de la chaîne lourde variable de l'immunoglobuline (IGHV). D’autre part, à l’exception de la greffe allogénique de cellules souches, le FCR demeure l’unique traitement capable de guérir les patients IGHV-M.

    Cependant, des préoccupations subsistent sur le risque d’hémopathies myéloïdes induites par l'administration de FC ou de FCR 1-3. Les auteurs de cette étude ont donc rapporté les données d’une cohorte historique de patients traités par FCR afin de confirmer la durabilité des réponses à long terme et d’évaluer l’incidence des cancers secondaires 4.

    Une cohorte historique de 300 patients

    A partir de 1999, 300 patients ayant reçu un traitement d’immunochimiothérapie par FCR pour une LLC ont été inclus dans cette étude. Quatre-vingt-huit patients étaient IGHV mutés, 126 patients étaient IGHV non-mutés et 86 patients étaient de statut inconnu (échantillon indisponible).

    Avec une durée médiane de suivi de 19 ans, la médiane de SSP était de 6,4 ans pour l’ensemble de la population (14,6 ans pour les patients IGHV-M contre 4,2 ans pour les patients IGHV-NM ; HR 3,5, 95%CI 2,4-5,0 ; P<0,001).

    Une espérance de vie retrouvée pour les patients IGHV-M !

    D’autre part, la médiane de survie globale est de 12,7 ans pour l'ensemble de la population. Avec 15 ans de suivi, 63% des patients IGHV-M et 32% des patients IGHV-NM sont vivants (HR 2,6; 95%CI 1,8-3,9; P<0,001). Seuls 16 patients (18%) IGHV-M sont décédés de causes liées à une LLC progressive et réfractaire contre 69 patients (55%) IGHV-NM.

    Plus intéressants encore, les patients IGHV-M sont moins susceptibles de décéder d’une progression de la LLC (43% des décès contre 75% pour les patients IGHV-NM) que d'autres causes, alors que ce groupe historique de patients n’avaient pas accès aux thérapies ciblées ! Comparée à une population de référence (appariée pour l'âge, le sexe et l'année), la survie relative des patients IGHV-NM (ou statut IGHV indisponible) est significativement inférieure (P<0,001 et P=0,02, respectivement), tandis que la survie des patients IGHV-M n'était pas significativement différente (P=0,77).

    Une incidence confirmée d’hémopathies secondaires

    À l'exception du syndrome de Richter (9,7% des patients), 96 patients (32%) ont développé des cancers secondaires : tumeurs solides non-cutanées (14%), cancers cutanés hors-mélanome (11%), syndromes myélodysplasiques (SMD) ou leucémie aiguë myéloïde (LAM) (6,3%), autres hémopathies malignes (2%) et mélanome (1,7%). Si la relation entre les cancers non-hématologiques et le FCR demeure incertaine, les hémopathies myéloïdes secondaires (SMD et LAM) sont vraisemblablement liées à la chimiothérapie.

    Parmi les patients ayant développé un SMD ou une LAM secondaires, 79% ont des données cytogénétiques ou de NGS typiques de ces hémopathies (anomalies des chromosomes 5 ou 7, cytogénétique complexe et mutations de TP53) et 84% sont décédés.  Malheureusement, aucune caractéristique préthérapeutique ne permet de prédire le développement de ces hémopathies. La détection d’une existence préalable d'hématopoïèse clonale semble donc être une question importante de recherche pour l’avenir de ces patients !

    Conclusion

    Cette étude dévoile donc les résultats à (très) long terme d’une cohorte de patients traités par une immunochimiothérapie de type FCR, confirmant les excellents résultats de survie des patients IGHV-M et décrivant l’incidence des néoplasies secondaires. Si la relation entre le FCR et les cancers solides reste à documenter, une réflexion s’impose sur l’équilibre à trouver entre les avantages (potentiel de guérison, espérance de vie retrouvée) et les risques induits (hémopathies myéloïdes secondaires) de cette immunochimiothérapie.

     

    Références

    1. Thompson PA, Tam CS, O'Brien SM, et al. Fludarabine, cyclophosphamide, and rituximab treatment achieves long-term disease-free survival in IGHV-mutated chronic lymphocytic leukemia. Blood 2016;127:303-9.
    2. Fischer K, Bahlo J, Fink AM, et al. Long-term remissions after FCR chemoimmunotherapy in previously untreated patients with CLL: updated results of the CLL8 trial. Blood 2016;127:208-15.
    3. Laribi K, Baugier de Materre A, Ghez D, et al. Therapy-related Myeloid Neoplasms in Patients With Chronic Lymphocytic Leukemia Who Received FCR/FC as Frontline Therapy. Hemasphere 2022;6:e716.
    4. Thompson PA, Bazinet A, Wierda WG, et al. Sustained remissions in CLL after frontline FCR treatment with very-long-term follow-up. Blood 2023;142:1784-8.

     

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