Onco-digestif

Exerèse de métastase colorectale : place de la chimiothérapie intra-arterielle

La chimiothérapie intra-arterielle pourrait réduire le risque de récidive hépatique après exérèse de métastases d'origine colorectale à haut risque de rechute.

  • Rasi Bhadramani/iStock
  • 21 Septembre 2023
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    La prise en charge des Métastases Hépatiques d’origine ColoRectale (MHCR) résécables repose sur la chirurgie d’exérèse encadrée par une chimiothérapie périopératoire par FOLFOX (1). Cette approche est associée à des taux de survie globale de plus de 50 % à 5 ans, cependant, près de deux tiers des malades opérés développent une récidive, dont la localisation hépatique est la plus fréquente (1).

    Une chimiothérapie administrée par voie intra-arterielle peut être utilisée pour limiter le risque de récidive hépatique chez les malades opérés de MHCR mais son efficacité n’a été testée que dans des essais de faible puissance dont les résultats sont parfois contradictoires (2).

    L'essai PACHA01

    L’essai PACHA01, dont les résultats ont été présentés au congrès américain de l’ASCO 2023 (3), est un essai de phase II dont l’objectif était d’évaluer l’efficacité d’une chimiothérapie intra-arterielle à base d’oxaliplatine pour réduire le risque de récidive chez des malades opérés de MHCR à haut risque de rechute. Cette population à haut risque était définie par la présence de 4 MHCR ou plus, réséquées après une chimiothérapie préopératoire ayant permis une stabilisation ou une réponse radiologique.

    Les malades étaient randomisés en 2 bras, chimiothérapie intra-artérielle ou reprise de la chimiothérapie systémique pour une durée totale de traitement périopératoire de 6 mois. Le critère de jugement principal de l’essai était le taux de survie sans récidive hépatique avec une hypothèse statistique d’augmentation de 20 % du taux à 18 mois dans le bras chimiothérapie intra-artérielle.

     De juin 2015 à décembre 2019, 99 patients ont été inclus et randomisés, 50 dans le bras chimiothérapie intra-arterielle et 49 dans le bras standard. Les malades ont eu en majorité (73,7 %) l’exérèse de 4 à 8 lésions après un traitement préopératoire comportant en moyenne 6 cycles de chimiothérapie.

    Des résultats encourageants

    Après un suivi médian de 56 mois, il existait un gain statistiquement significatif de la médiane de survie sans récidive hépatique en faveur du bras chimiothérapie intra-artérielle par rapport au bras chimiothérapie systémique (25 mois vs 12,3 mois respectivement, hazard ratio = 0,6, intervalle de confiance 95 % = 0,38 – 0,95, p = 0,027). Il n’y avait, en revanche, pas de différence statistiquement significative concernant la survie sans récidive (p = 0,073) et la survie globale (p = 0,053) même s’il existait une tendance nette en faveur du bras expérimental.

    Le taux de toxicité grade III-IV était statistiquement plus élevé dans le bras chimiothérapie intra-artérielle par rapport à la chimiothérapie systémique (58 % vs 31 % respectivement, p = 0,01) et 9 patients (18 %) ont eu des complications liées au cathéter de chimiothérapie intra-arterielle parmi lesquels 3 (6,8 %) ont dû stopper définitivement le traitement.

    Des limites attendues

    La principale limite de l’approche basée sur l’utilisation de la chimiothérapie intra-artérielle est justement celle de l’accès et de la faisabilité. Les progrès dans la gestion de la pose et des complications liées au cathéter en radiologie interventionnelle sont très nets depuis 10 ans facilitant l’utilisation de la chimiothérapie intra-arterielle. Dans cette étude, moins de 20 % des malades ont eu des complications sévères liées à des problèmes de cathéter et moins de 10 % ont dû interrompre définitivement le traitement. Ces taux sont relativement bas et donc très encourageants en vue d’une étude plus large.

    Cependant, les auteurs n’ont pas à ce stade communiqué les données de screening des malades éligibles par rapport aux 99 malades qui ont finalement participé. Il aurait été intéressant de connaître le dénominateur de l’ensemble des malades potentiellement éligibles sur la période de l’étude et la raison de leur non-participation. De plus la durée de recrutement (4 ans) a été relativement longue pour une pathologie assez fréquente. Il est donc possible que cet échantillon ne soit pas parfaitement représentatif de l’ensemble des malades ayant des MHCR à haut risque. Cette étude ne lève donc peut-être pas tous les doutes sur la faisabilité de la chimiothérapie intra-arterielle à plus grande échelle.

    Conclusions

    PACHA01 confirme qu’une chimiothérapie intra-arterielle postopératoire à base d’oxaliplatine est efficace pour réduire le risque de récidive hépatique chez les malades à haut risque de rechute. Il s’agit d’une étude de phase II, positive sur son critère de jugement principal, et il n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas de différence significative concernant la survie sans récidive et la survie globale, l’essai et l’effectif n’étaient pas conçus pour atteindre cet objectif. Il s’agit donc d’un signal fort d’efficacité de l’approche mais qui pour conduire à un changement de pratique devrait être validé dans le cadre d’une large étude de phase III comme le soulignent les auteurs. La question qui se pose à présent est celle de la faisabilité d’une telle étude.

     

    Références :

    1. Lancet. 2008 Mar 22;371(9617):1007-16. doi: 10.1016/S0140-6736(08)60455-9.
    2. Ann Surg. 2013 Jan;257(1):114-20. doi: 10.1097/SLA.0b013e31827b9005.
    3. J Clin Oncol 41, 2023 (suppl 16; abstr 3515) ; DOI : 10.1200/JCO.2023.41.16_suppl.3515

     

     

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