Près de 4 mg de tamoxifène par gélule
Culturisme : un anti-cancéreux présent dans les compléments alimentaires
Du tamoxifène, un médicament utilisé en chimiothérapie contre le cancer du sein, est présent dans un complément alimentaire consommé par les body-builders anglais et américains.
Les culturistes anglo-saxons devraient lire attentivement la liste des principes actifs des compléments alimentaires qu’ils avalent. Confirmant une rumeur propagée sur les forums des adeptes du body-building, un chercheur de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies a découvert avec des collègues britanniques la présence d’un anti-cancéreux, le tamoxifène, dans les compléments alimentaires Esto Suppress, vendus au Royaume-Uni et aux Etats-Unis.
Dans le British Medical Journal, les chercheurs rapportent avoir analysé 4 gélules de cet Esto Suppress, non commercialisé en France, et y avoir retrouvé, pour 3 d’entre elles, entre 0,9 et 3,8 mg de tamoxifène, un traitement prescrit en chimiothérapie dans le cancer du sein et connu pour ses effets anti-oestrogènes.
Mais quel rapport entre les culturistes et les hormones féminines ? Le problème vient des stéroïdes anabolisants dont certains culturistes usent et abusent. Outre la prise de masse musculaire recherchée, ils ont un effet indésirable qui peut faire désordre dans le milieu du culturisme : ils peuvent provoquer des gynécomasties, c’est-à-dire une hypertrophie des seins, due à un développement excessif des glandes mammaires masculines. Le tamoxifène est donc employé pour contrer l’effet des hormones féminines et couper court à cet effet indésirable.
Une obscure mention sur l’étiquette
Le problème, c’est que cet anti-cancéreux n’est évidemment pas une molécule anodine et peut causer des accidents thromboemboliques, des troubles de la vision ou encore de sévères éruptions cutanées. « La plupart des utilisateurs n’ont pas conscience de prendre ces substances, la mention sur l’étiquette est obscure, sous la forme du nom chimique », souligne Michael Evans Brown, analyste scientifique auprès de l’Observatoire européen des drogues et toxicomanies.
Dans le cas du complément alimentaire Esto Suppress, l’étiquette ne mentionnait en effet que le (Z)-1-(p-dimethylaminoethoxyphényl)-1,2-diphényl-1-butène, l’un des noms chimiques du tamoxifène. Et il n’y a pas qu’aux body-builders que ces chercheurs conseillent de s’armer d’une loupe et de quelques rudiments de chimie organique, de nombreux compléments alimentaires consommés à des fins amaigrissantes, anxiolytiques, stimulantes ou érectiles contiennent également toutes sortes de substances retirées du marché en tant que médicaments pour des raisons de sécurité voire même jamais testés chez l’Homme. « Lorsqu’elles figurent sur l’étiquette, ces substances sont mentionnées comme étant « naturelles », gage prétendu de sécurité pour la santé », regrette le chercheur, qui appelle les médecins à s’inquiéter davantage des compléments alimentaires de plus en plus consommés par leurs patients.