Infectiologie
Covid-19 : l’héparine réduirait drastiquement la mortalité
L'administration d'héparine au cours des formes pulmonaires de la Covid-19 serait associée à une diminution de la mortalité chez les patients hospitalisés.
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Des événements thrombotiques veineux et artériels dans différents organes ont été rapportés chez les patients atteints de formes pulmonaires de la Covid-19. Cela s’est accompagné en particulier d’anomalies de perfusion dans les poumons chez les malades qui ont eu des angioscanners et de modifications des paramètres biologiques chez de très nombreux malades.
Il existe également des preuves de la présence de thrombus plaquettaires dans les petits vaisseaux artériels des tissus pulmonaires de patients décédés des suites de la Covid-19 dans une publication du New England Journal of Medicine.
Sur la base de ces résultats, les médecins ont intensifié les doses d'héparine pour traiter ou prévenir le trouble de la coagulation associé à l'infection (fibrinogène et D-dimères) et à son virage inflammatoire (CRP). Ce traitement a semble-t-il été associé à une amélioration clinique des malades, et a réduit la durée des hospitalisation et la mortalité de la Covid-19. Cependant, l'utilisation de l'héparine chez les patients Covid-19 repose sur des preuves encore limitées.
Réduction de la mortalité
Dans une étude rétropective espagnole publiée dans le Journal of Thrombosis and Thrombolysis l'héparine a été utilisée chez 1734 patients avec un temps de suivi médian de 8 jours (IQR 5-12).
L'héparine est associée à une mortalité plus faible lorsque le modèle est ajusté en fonction de l'âge et du sexe, avec un OR de 0,55 (IC à 95 % ; 0,37-0,82) p = 0,003.
Cette association reste significative lorsqu'une saturation en oxygène inférieure à 90% et une température supérieure à 37°C sont ajoutées au modèle avec un OR de 0,54 (IC à 95 % ; 0,36-0,82) p = 0,003.
Enfin, cette réduction se maintient également lorsque tous les autres médicaments sont inclus comme covariables avec un OR de 0,42 (IC à 95 % ; 0,26-0,66) p < 0,001.
Large étude rétrospective
L'étude a examiné l'association entre l'utilisation de l'héparine et la mortalité chez un 2075 malades hospitalisés pour une Covid-19 dans 17 hôpitaux en Espagne entre le 1er mars et le 20 avril 2020.
Les variables suivantes ont été isolées pour cette étude : âge, sexe, température et saturation en oxygène à l'admission, traitement par héparine, hydroxychloroquine, azithromycine, stéroïdes, tocilizumab, combinaison de lopinavir et de ritonavir, et oseltamivir, ainsi que des données sur la mortalité. Des modèles de régression logistique multivariées ont été utilisés pour étudier les associations.
Un ratio bénéfice-risque qui semble majeur
Si ces résultats sont confirmés dans des études randomisées prospectives, ils dénotent de 2 choses. Premièrement, cette réduction drastique de la mortalité, quel que soit le facteur d’ajustement, sous-tend l’existence d’une composante thrombotique importante dans le développement du syndrome de détresse respiratoire aiguë chez ces malades qui a un profil ventilatoire très particulier avec beaucoup d'effet-shunt et moins de nécessité de dilater les alvéoles.
Deuxièmement, cela voudrait dire que l’héparine aura sans doute été le traitement le plus efficace des formes pulmonaires graves de cette infection respiratoire, en particulier celle-ci devient inflammatoire et vasculaire, et bien loin devant les antiviraux et les anti-récepteurs de cytokine.
Des essais contrôlés randomisés sont nécessaires pour évaluer les effets causaux de l'héparine dans différentes stratégies thérapeutiques. Mais l'héparine est sûre, économique et facile à utiliser, elle peut même être administrée aussi bien aux patients hospitalisés qu'aux patients externes. La discussion porte donc plutôt à ce stade sur les doses à administrer et en fonction de quels stades de la maladie et de quels marqueurs (fibrinogène, CRP, D-dimères).








