Pédiatrie
Covid-19 : augmentation du risque d’une vascularite rare chez les jeunes enfants
Une étude rétrospective dans un service hospitalier de pédiatrie italien, avant et pendant la Covid-19, objective une nette augmentation chez les jeunes enfants de cas d’une maladie inflammatoire auto-immune rare, ressemblant à un syndrome de Kawasaki.
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Une équipe de pédiatres italiens, de l’hôpital de Bergame, à l'épicentre de l'épidémie italienne de la Covid-19, a réalisé une analyse rétrospective des dossiers de 29 enfants qui ont été admis entre le 1er janvier 2015 et le 20 avril 2020 dans leur unité pédiatrique avec des symptômes de la maladie de Kawasaki.
Ils décrivent une augmentation importante de la fréquence des cas ressemblant à des syndromes de Kawasaki, une maladie extrêmement rare, habituellement observée uniquement chez les jeunes enfants, et qui est ici plus sévère. Il s’agit d’une observation similaire à ce qui a été rapporté ailleurs pendant cette pandémie : à New York, en France et au Royaume-Uni. Cette analyse est publiée dans le Lancet.
Un syndrome plus sévère
Huit des dix enfants hospitalisés après le 18 février 2020 ont été testés positifs au coronavirus-2 du SRAS (SARS-CoV-2), avec cependant une sensibilité imparfaite du test.
Tous les enfants de l'étude ont survécu grâce au traitement, mais ceux qui sont tombés malades pendant la pandémie ont eu des symptômes plus sévères que ceux habituellement observés au cours des cinq années précédentes.
Le syndrome reste cependant très rare et les pédiatres italiens rappellent que les enfants restent globalement très peu touchés par l'infection par le SARS-CoV-2.
Un syndrome très rare mais plus fréquent
Avant l'apparition de la Covid-19, l'hôpital traitait environ un cas de syndrome de Kawasaki tous les trois mois : seuls 19 enfants avaient été diagnostiqués avec cette maladie dans la région au cours des cinq années précédant la mi-février 2020 mais, entre le 18 février et le 20 avril 2020, ce ne sont pas moins de 10 enfants qui ont été traités pour des symptômes évoquant cette maladie. Ceci correspond à une multiplication par 30 du nombre de cas mais il est néanmoins difficile de donner un chiffre précis avec des effectifs aussi faibles.
Par contre, cette augmentation ne peut s'expliquer par une hausse des admissions à l'hôpital, car le nombre de patients admis pendant cette période était six fois inférieur à celui d'avant que le virus ne soit signalé pour la première fois dans la région.
Des tableaux cliniques sévères
Les enfants qui se sont présentés à l'hôpital après le 18 février 2020 sont plus âgés en moyenne (âge moyen de 7,5 ans) que ceux du groupe pris en charge au cours des cinq années précédentes (âge moyen de 3 ans).
Ils semblent également avoir des symptômes plus graves qu’au cours des cinq années précédentes, plus de la moitié (60%, 6/10 cas) ont des complications cardiaques, contre seulement 10% de ceux traités avant la pandémie (2/19 cas). La moitié des enfants (5/10) ont des symptômes du syndrome de choc toxique, alors qu'aucun des enfants traités avant février 2020 n'avait cette complication.
Tous les enfants avant et pendant la pandémie ont reçu un traitement par immunoglobulines intraveineuses, mais 80% des enfants pendant l'épidémie (8/10) ont dû recevoir un traitement supplémentaire par corticoïdes, contre 16% de ceux du groupe de comparaison historique (4/19).
Un lien fort avec l’infection
Deux des 10 enfants traités après le 18 février 2020 ont eu un résultat négatif lors du dépistage des anticorps du SARS-CoV-2. Les pédiatres annoncent cependant que le test sérologique utilisé n’était pas fiable à 100% à cette période (sensibilité de 95% et spécificité de 85 à 90%), ce qui peut laisser supposer qu'il peut s'agir de faux négatifs.
En outre, l'un des enfants venait juste d’être traité par une forte dose d’immunoglobulines, le traitement standard pour la maladie de Kawasaki, ce qui aurait pu masquer les anticorps au virus.
Au final, les auteurs affirment que leurs résultats témoignent d’une association entre le virus SARS-CoV-2 et une vascularite similaire au syndrome de Kawasaki, mais plus sévère.
Une vascularite rare du jeune enfant
Le syndrome de Kawasaki est une maladie auto-immune rare qui touche généralement les enfants de moins de cinq ans. Il s’agit d’une vascularite des vaisseaux de moyen calibre, qui touche presque exclusivement les enfants.
Lors de la phase aiguë, les enfants peuvent avoir une instabilité hémodynamique, connue sous le nom de « Kawasaki disease shock syndrome » (KDSS). D'autres enfants peuvent remplir les critères du « syndrome d'activation macrophagique » (SAM), qui ressemble lui-même à une « lymphohistiocytose hémophagocytaire secondaire ».
La cause exacte de la maladie de Kawasaki reste inconnue mais, des études antérieures suggèrent qu'un agent infectieux serait responsable de la cascade inflammatoire qui aboutit à la maladie.
Un tableau systémique et un risque cardiaque
Le syndrome de Kawasaki provoque une inflammation des vaisseaux sanguins de moyen calibre, ou vascularite, avec œdème inflammatoire de leur paroi. Le tableau clinique associe une fièvre marquée et des symptômes diffus : éruptions cutanées, yeux rouges, lèvres ou bouche sèches ou crevassées, rougeur et sensibilité de la paume des mains et de la plante des pieds et adénopathies cervicales.
Environ un quart des enfants touchés sont à risque d’inflammation des artères coronaires, avec œdème de leur paroi, qui peut conduire secondairement à une dissection des artères coronaires. Cependant, le traitement par gammaglobulines est très efficace sur cette complication et la maladie est exceptionnellement mortelle en l’absence de retard de traitement.
Une 2ème vague auto-immune
Bien que cette étude, ainsi que d’autres, suggère un possible risque d’augmentation d’une maladie inflammatoire auto-immune associé à la Covid-19, il faut que les parents et les médecins se rappellent que les enfants sont globalement très peu touchés par l'infection à SARS-CoV-2.
Il sera intéressant de voir si d’autres syndromes inflammatoires auto-immuns sont également observés plus fréquemment chez les adultes. Cela replacerait les virus et peut-être d’autres coronavirus hivernaux, a centre de l’attention des internistes et des immunologistes.








