Hématologie

Leucémie lymphoïde chronique non traitée : pertinence d’une association orale à durée fixe

Chez des patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) non traitée, l’association à durée fixe par voie orale acalabrutinib-venetoclax prolonge significativement la survie sans progression par rapport aux chimiothérapies classiques, avec moins d’effets indésirables sévères. L’ajout d’obinutuzumab renforce encore l’efficacité mais au prix d’une tolérance plus importante.

  • 10 Décembre 2024
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    La leucémie lymphoïde chronique (LLC) est la forme de leucémie la plus fréquente chez l’adulte, touchant principalement les sujets âgés. Environ la moitié des patients atteints de LLC sont porteurs de mutations dans un gène d'une famille de gènes connue sous le nom d'IgHV ; chez ces patients, le cancer a tendance à se développer plus lentement et, avec un traitement, peut être en rémission pendant de nombreuses années. Chez les patients dont le gène IgHV n'est pas muté, le cancer est plus agressif et a tendance à rechuter plus rapidement après le traitement.

    Alors que les schémas de référence impliquaient jusqu’ici des traitements prolongés avec des inhibiteurs de BTK (tel ibrutinib) et/ou l’ajout d’anticorps monoclonaux administrés par voie IV, de nouvelles stratégies s’orientent vers des protocoles oraux à durée fixe, visant à optimiser à la fois l’efficacité et la qualité de vie.

    Première association orale à durée fixe

    Dans l’essai de phase III AMPLIFY, présenté à l’ASH 2024, 867 patients naïfs de tout traitement ont été randomisés entre trois bras : l’association acalabrutinib-venetoclax (AV), l’association acalabrutinib-venetoclax-obinutuzumab (AVO), et un bras contrôle recevant une chimiothérapie immunomodulante standard : fludarabine, cyclophosphamide, and rituximab (FCR) or bendamustine and rituximab (BR).

    Après un suivi médian de 41 mois, les régimes AV et AVO ont montré une supériorité significative en survie sans progression (SSP) par rapport au contrôle. Ainsi, à 3 ans, 76,8 % des patients sous AV et 83,1 % sous AVO étaient sans progression, contre 66,5 % sous FCR/BR. L’approche AV constitue ainsi une première combinaison entièrement orale, à durée limitée, promettant une simplification de la prise en charge initiale de la LLC.

    Une intensification à discuter selon le profil

    Si l’adjonction d’obinutuzumab au doublet AV a permis d’accroître davantage la SSP, elle s’est également accompagnée d’une majoration des effets indésirables sévères. Les événements indésirables de grade sévère ont touché 24,7 % des patients du bras AV, 38,4 % dans le bras AVO et 27,4 % dans le groupe contrôle. Une neutropénie sévère figurait parmi les toxicités les plus fréquentes.

    De plus, l’essai s’est déroulé en pleine pandémie de COVID-19, entraînant des décès liés aux complications infectieuses dans les trois bras (10 dans AV, 25 dans AVO, 21 dans FCR/BR). Cet excès relatif dans le bras AVO souligne la nécessité de réserver l’ajout d’obinutuzumab aux patients les plus susceptibles d’en bénéficier réellement.

    Par ailleurs, les patients présentant les formes les plus agressives de la LLC (mutation ou délétion du gène TP53) n’ont pas été inclus dans l’étude, limitant l’extrapolation à ces sous-groupes très à risque.

    Une étude randomisée versus chimiothérapie standard démodée

    L’étude AMPLIFY, multicentrique et internationale, a comparé deux schémas oraux innovants à des associations chemo-immunothérapiques considérées comme standard au moment de sa conception, en 2019. Bien que FCR et BR ne soient plus aujourd’hui les traitements de première ligne de référence aux États-Unis, ils restent largement utilisés dans le monde et peuvent induire des rémissions prolongées, notamment chez certains patients IgHV mutés.

    Les données de cette étude, obtenues dans un cadre méthodologique solide et sur un large échantillon, confortent ainsi l’intérêt d’une approche thérapeutique entièrement orale, fixe sur 14 mois, sans infliger aux patients les contraintes d’un traitement par perfusion. L’acalabrutinib-venetoclax pourrait donc s’imposer comme une nouvelle référence de première ligne, particulièrement chez les patients à risque intermédiaire.

    Des études futures devraient s’attacher à mieux identifier quels patients profitent de l’adjonction d’obinutuzumab, à comprendre les mécanismes des rechutes précoces, et à définir la place de ces nouveaux protocoles par rapport aux nouvelles thérapies ciblées de dernière génération. Dans une ère où le paysage thérapeutique évolue rapidement, ces données fournissent une base pour affiner les stratégies de prise en charge initiale de la LLC.

     

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