Hématologie
LLC/lymphome lymphocytique : actualisation de l’essai français ERADIC
L’essai de phase 2 ERADIC a évalué une stratégie à durée guidée par la maladie résiduelle médullaire, combinant une thérapie ciblée par un inhibiteur de BCL2 (le Venetoclax) à un inhibiteur de BTK (Ibrutinib), en comparaison à une séquence d’immunochimiothérapie par FCR lors du traitement de première ligne de patients atteints de leucémie lymphoïde chronique (LLC) de risque intermédiaire. Cet article décrit l’actualisation à l’EHA 2024 des données de MRD des patients inclus dans cet essai multicentrique.
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Les traitements par inhibiteurs de BTK (iBTK) et de BCL2 (iBCL2) ont aujourd’hui remplacé les stratégies d’immunochimiothérapie dans le traitement des patients atteints de LLC/LL 1,2. Ainsi, le Venetoclax, mimétique des BH3 inhibant la signalisation BCL2 et entraînant la mort cellulaire des cellules de LLC, a permis par association aux anticorps monoclonaux anti-CD20 d’obtenir des maladies résiduelles (MRD) indétectables et des bénéfices significatifs de survie sans-progression chez les patients âgés et/ou comorbides et/ou en situation de rechute 2,3. D’autre part, son association avec les iBTK a également permis l’obtention de MRD indétectables et de durées prometteuses de réponse dans ce contexte 4,5.
Face à la nécessité d’essais cliniques randomisés évaluant cette association en première ligne, l’étude ERADIC a évalué une stratégie à durée guidée par l’obtention d’une MRD, en comparaison à l’immunochimiothérapie chez les patients atteints de LLC de risque intermédiaire (statut IGHV non-muté, del(11q), caryotype complexe sans altération TP53) (Abstract S161).
Une stratégie IV guidée par la MRD médullaire
Entre Septembre 2019 et Février 2021, 120 patients ont été inclus dans cette étude afin de recevoir un traitement par Ibrutinib et Venetoclax (IV) ou une immunochimiothérapie par Rituximab, Fludarabine et Cyclophosphamide (RFC). Dans le bras IV, les patients recevaient une phase d’induction par ibrutinib en monothérapie (3 mois), puis la durée du traitement combiné par IV était adaptée à l’obtention d’une MRD indétectable dans la moelle osseuse à M9.
En situation de MRD indétectable, le traitement était poursuivi pendant 6 mois (soit jusqu’à M15) ; en situation de MRD détectable, le traitement IV était poursuivi pendant 18 mois (soit jusqu’à M27). Par ailleurs, l’évaluation de la MRD était réalisée tous les 6 mois dans le sang périphérique. Le critère d’évaluation principal était le pourcentage de patients obtenant une MRD indétectable à M27 dans la MO.
Un profil de tolérance attendu
L’âge médian des patients était respectivement de 61 ans [34-74] et 59 ans [34-72] dans les bras IV et FCR. La majorité des patients inclus étaient des hommes (respectivement 74% dans le bras IV et 72% dans le bras FCR). Une délétion 11q était retrouvée chez respectivement 20% des patients dans le bras IV et 24% dans le bras FCR), tandis que tous les patients (à l’exception d’un seul) présentaient un statut IGHV non-muté. A la date de clôture des données, et avec un suivi médian de 29,7 mois, 34 événements indésirables graves étaient observés dans chaque groupe.
Les patients traités par FCR ont principalement souffert d'infections (40%) et de toxicités hématologiques (22%), tandis que ceux sous IV ont davantage présenté de complications cardiovasculaires (23%), de troubles métaboliques (16%) et d’infections (27%). Six événements de grade 5 ont été observés (3 dans chaque groupe).
Une amélioration continue de la MRD sous IV
À M9, 69,4% des patients dans le groupe FCR avaient une MRD indétectable dans la MO, contre 38% dans le groupe IV. Les taux de réponse complète étaient alors de 56% pour FCR et de 65% pour IV. La MRD du sang périphérique s’est améliorée dans le groupe IV entre M9 et M21, avec des taux respectifs de 57%, 78% et 82%.
Parmi les patients ayant interrompu le traitement à M9 en raison d’une MRD indétectable (n=20), seulement 2 conversions en MRD détectable ont été observées. Parmi les 21 patients ayant continué le traitement en raison d’une MRD détectable, 8 sont passés en MRD indétectable à M15 et 2 sont redevenus détectables à M21.
Conclusion
Une gestion efficace de la toxicité demeure cruciale pour orienter la décision de poursuivre le traitement en présence d'une MRD détectable sous traitement par IV. Les résultats de MRD démontrent une nette augmentation du nombre de patients atteignant une MRD indétectable entre M9 et M15, soutenant l'utilisation de la cinétique de la MRD en pratique clinique. Les données à venir de l'analyse du critère d'évaluation principal à M27 seront d'un grand intérêt pour tenter de déterminer la meilleure stratégie thérapeutique pour les patients atteints de LLC.
Références
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- Seymour JF, Kipps TJ, Eichhorst BF, et al. Enduring undetectable MRD and updated outcomes in relapsed/refractory CLL after fixed-duration venetoclax-rituximab. Blood 2022;140:839-50.
- Fischer K, Al-Sawaf O, Bahlo J, et al. Venetoclax and Obinutuzumab in Patients with CLL and Coexisting Conditions. N Engl J Med 2019;380:2225-36.
- Kater AP, Levin MD, Dubois J, et al. Minimal residual disease-guided stop and start of venetoclax plus ibrutinib for patients with relapsed or refractory chronic lymphocytic leukaemia (HOVON141/VISION): primary analysis of an open-label, randomised, phase 2 trial. Lancet Oncol 2022;23:818-28.
- Rogers KA, Huang Y, Ruppert AS, et al. Phase II Study of Combination Obinutuzumab, Ibrutinib, and Venetoclax in Treatment-Naive and Relapsed or Refractory Chronic Lymphocytic Leukemia. J Clin Oncol 2020;38:3626-37.








