Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie

Publié le 03.02.2016
Mise à jour 05.07.2022
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Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie
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Les douleurs musculaires (« myalgies ») sont le plus souvent en rapport avec une activité musculaire excessive quand elles surviennent après celui-ci. Si elles surviennent au cours de l’effort, ou sans aucun effort, elles peuvent être le témoin d’une maladie du muscle ou liée à un virus, à la prise d’un médicament ou à une maladie plus complexe.

Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie : COMPRENDRE

Des mots pour les maux
Une douleur musculaire est aussi appelée « myalgie ».
Les douleurs musculaires survenant après un effort inhabituel sont le plus souvent des « courbatures ».
Les douleurs musculaires survenant au cours d’un effort ou sans aucun effort peuvent être le signe d’une maladie du muscle ou « myopathie ».
Une décontraction lente et difficile d'un muscle à la suite d'une contraction volontaire est une « myotonie » et signe une atteinte musculaire.

Qu'est-ce qu’une myalgie ?

Une douleur musculaire est appelée « myalgie » par les médecins. Il s’agit d’une douleur apparaissant lors de la sollicitation d’un groupe musculaire, après un effort inhabituel (= douleur de type « mécanique »), mais parfois, la douleur survient sans aucun effort ou elle prédomine même le matin (= douleur de type « inflammatoire »).
La douleur musculaire est majorée par la pression des muscles et par certains mouvements d’étirement ou de contre-résistance à la contraction du muscle. Elle est soulagée par l’immobilisation et les anti-inflammatoires.
Les myalgies peuvent être localisées et le diagnostic alors souvent facile, ou diffuses et correspondre à de nombreuses causes (toxiques, infectieuses, métaboliques…).
Si une faiblesse musculaire, une décontraction lente et difficile (ou « myotonie ») et des contractures musculaires sont très spécifiques de l’atteinte musculaire, les myalgies, la fatigue et l’intolérance à l’exercice ne le sont pas et peuvent être observées en l’absence même de toute atteinte musculaire.
L’identification de la cause d’une myalgie est parfois difficile et nécessite une approche globale, basée essentiellement sur l’analyse clinique, complétée éventuellement par des examens complémentaires : le dosage de certains enzymes musculaires (CPK) et la réalisation d’un électromyogramme (EMG). La biopsie musculaire constitue la clé du diagnostic, surtout si elle est dirigée par l’imagerie IRM.

Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie : CAUSES

A quoi sont dues les douleurs musculaires ?

Tout le monde souffre occasionnellement de douleurs musculaires, surtout en prenant de l’âge.
Parfois la cause est évidente devant un contexte général évocateur, dans d’autrescas, les douleurs sont isolées ou associées à des signes discrets et peuvent être un mode d’expression, voire de révélation de nombreuses maladies, quelquefois rares. Ceci nécessite alors une véritable stratégie dans la démarche diagnostique, surtout que les douleurs chroniques s’associent, quelle que soit leur cause, à un retentissement psychoaffectif important qui complique l’analyse.
1. Le premier repère est de regarder si la douleur est localisée à un muscle ou un groupe de muscle et si elle est liée à un effort physique.
Dans ce cas, il faut évoquer une déchirure musculaire (ou « claquage ») en cas de douleur brutale apparaissant au cours de l’effort sur un muscle et ne disparaissant pas complètement à l’arrêt.
S’il s’agit d’un choc direct, on peut parler de contusion musculaire ou d’hématome musculaire.
Si la douleur apparaît à distance de l’effort sur un groupe musculaire sollicité par cet effort, il s’agira le plus souvent de courbatures (1 à 2 jours après l’effort).
Il peut s'agir également de crampes, en cas de contracture douloureuse d'un muscle ou d'un groupe musculaire.
 2. En cas de douleurs musculaires diffuses, qu’elles apparaissent au cours de l’effort physique ou sans lien avec un effort physique, il faut évoquer une maladie musculaire générale (« myopathie ») : cela peut être une maladie inflammatoire auto-immune ou une maladie liée à la prise d’un médicament ou à un toxique ou un déficit enzymatique.
En cas de syndrome inflammatoire, les maladies inflammatoires, musculaires ou générales, sont les premières à évoquer une myalgie. Les polymyosites subaiguës ou chroniques sont des atteintes musculaires inflammatoires qui surviennent surtout chez la femme entre 40 et 60 ans avec des douleurs musculaires modérées et fluctuantes, majorées ou déclenchées par la mobilisation des membres avec un déficit musculaire prédominant sur les racines. En cas d’atteinte cutanée associée périorbitaire, on parle de dermatomyosite.
Ces atteintes musculaires inflammatoires peuvent s’associer à d’autres signes auto-immuns : cutanés dans la sclérodermie (syndrome de Raynaud et rétraction de la peau sur les doigts = « sclérose ») ou le lupus (syndrome de Raynaud et éruption cutanées du visage), ou pulmonaires dans la connectivite mixte.
La maladie de Gougerot-Sjögren comporte des douleurs articulaires et musculaires diffuses associées à un « syndrome sec » (sécheresse de la bouche, des yeux et des muqueuses) qui est parfois difficile à différencier d’un syndrome polyalgique idiopathique diffus.
Enfin, d’autres maladies systémiques peuvent être impliquées dans les douleurs chroniques comme la maladie de Still et la périartérite noueuse avec leur fièvre élevée ou le syndrome de Shulman avec son taux de polynucléaires éosinophiles élevés dans le sang (« hyperéosinophilie »).
En l’absence de syndrome inflammatoire, et en cas de douleurs des membres siégeant au niveau des muscles et déclenchées ou aggravées par l’exercice, il faut s’orienter vers des causes générales non-inflammatoires.
Les causes sont souvent médicamenteuses et provoquées par de nombreux médicaments dont les plus fréquents sont les hypocholestérolémiants (fibrates et statines), certains traitements des rhumatismes inflammatoires (D-pénicillamine, quelques anti-arythmiques…), le lithium et les corticoïdes à forte dose. Certains inhibiteurs de l’intégrase peuvent causer une fatigue et une faiblesse musculaire, soit le raltégravir, l’elvitégravir et le dolutégravir.
On peut en rapprocher les douleurs musculaires prédominant aux ceintures encas de déficit en vitamine D ou en cas de carence (« ostéomalacie »).
Il est également important d’écarter la possibilité d’acidose lactique, car ce problème peut être causé par certains analogues nucléosidiques, notamment la d4T.
Certaines polymyosites peuvent avoir une VS normale et c’est l’examen électrique des muscles (électromyogramme ou EMG) et la biopsie musculaire qui poseront le diagnostic.
L’hyperthyroïdie peut débuter par des myalgies extensives des bras et du tronc, à prédominance nocturne, et sensibles à la pression. De même, l’hyperparathyroïdie primaire peut être à l’origine de myalgies des ceintures. L’hypothyroïdie, à l’inverse, est plutôt responsable de douleurs musculaires (myalgies) diffuses avec arthralgies, comme l’insuffisance surrénale où les signes sont dépendant du degré d’hyperkaliémie.
Nombreuses sont les infections virales à donner des myalgies. La plus fréquente est sans conteste la grippe où le malade a l’impression d’avoir été « roué de coups ». Ces douleurs s’accompagnent d’une fièvre et d’une fatigue d’apparition brutale avec des maux de tête. Les hépatites A, B ou C s’accompagnent également de myalgies, de même des les infections à VIH ou à HTLV-1. En pays tropical, il faut évoquer une infection par un arbovirus : dengue, Chikungunya, virus Zika…
Une carence en acides aminés serait parfois la cause sous-jacente de la faiblesse musculaire. Le muscle se compose majoritairement de protéines, et toute protéine se compose d’acides aminés. Il s’ensuit donc que les déficits en acides aminés essentiels seraient susceptibles de causer la faiblesse musculaire. Les carences résultent parfois de la mauvaise digestion des protéines mais plus souvent de carence d’apport (anorexie mentale ou végétalisme) ou de traitements. La glutamine est un acide aminé non essentiel mais qui est souvent présente en quantité insuffisante chez les personnes vivant avec le VIH.
Certaines parasitoses sont à même de donner des myalgies généralisées, c’est le cas de la trichinose (ou « trichinellose ») qui est une parasitose que l’on peut attraper en mangeant de la viande de porc, de sanglier ou de cheval mal cuite : après des douleurs digestives et une fièvre apparaissent des douleurs musculaires diffuses de type inflammatoires avec œdème de la face et démangeaisons généralisées (« prurit »). Il existe une élévation des polynucléaires éosinophiles dans le sang (« hyperéosinophilie ») et une élévation des enzymes musculaires dans le sang (élévation des CPK).
Enfin, certaines douleurs musculaires non-inflammatoires sont électivement déclenchées au décours immédiat d’un effort. Il est possible d’observer alors les marqueurs d’une destruction aiguë de cellules musculaires (« rabdomyolyse ») avec passage de protéines musculaires dans les urines (« myoglobinurie ») plus ou moins important. Il est également possible de retrouver un caractère familial.
Il en est ainsi des déficits enzymatiques des glycogénoses comme la maladie de Mc Ardle (déficit en myophosphorylase) ou la maladie de Tarui (déficit en phosphofructokinase).
D’autres déficits enzymatiques peuvent aussi être en cause comme le déficit en carnitine palmityl-transférase II, mais dans 50 % des cas de myoglobinurie, aucun déficit enzymatique n’est retrouvé.

Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie : CONSULTATION

Quand faut-il consulter ?

Une douleur aiguë, évoluant depuis moins de 15 jours, constitue un problème diagnostique et thérapeutique urgent. Une douleur subaiguë ou chronique laisse le temps à des investigations.
Le caractère récent (moins d’un mois d’évolution) ou « inflammatoire » des douleurs (douleurs survenant la nuit ou le matin), l’altération de l’état général, la fièvre, la prise récente de médicaments ou l’exposition à un toxique, sont autant d’arguments en faveur d’une maladie du muscle ou d’une maladie générale ayant un retentissement sur le muscle.

Comment faire le diagnostic des myalgies ?

Une myalgie est une douleur d’horaire souvent mécanique, parfois inflammatoire, majorée par la pression et certains mouvements d’étirement ou de contre résistance, soulagée par l’immobilisation et les anti inflammatoires.
L’interrogatoire du médecin cherchera les antécédents du malade et de sa famille et précisera les conditions de survenue de la douleur, ses caractéristiques particulières, les signes associés et son évolution.
L’examen réalisé par le médecin précisera le siège de la douleur, son intensité, son déclenchement à la pression et son association éventuelle à un déficit musculaire (siège, degré), à une amyotrophie ou hypertrophie musculaire, une décontraction lente et difficile d'un muscle à la suite d'une contraction volontaire (ou « myotonie »), à une contracture …
Une douleur musculaire est majorée par la pression des muscles et par certains mouvements d’étirement ou de contre-résistance à la contraction du muscle et elle est soulagée au moins partiellement par l’immobilisation.
En fonction de l’interrogatoire et de l’examen, le médecin pourra demander des examen sanguins : le dosage de la créatine kinase (CPK), qui est l’enzyme la plus sensible et la plus spécifique en matière de maladie musculaire. Les autres enzymes (LDH, aldolases, transaminases) ont moins d’intérêt. Cependant, la CPK peut être normale au cours d’une pathologie musculaire et peut s’élever de manière physiologique, en dehors de toute atteinte musculaire (âge, activité physique, race noire, affections neuropsychiatriques).
La « myoglobinémie », dont le taux est augmenté de manière parallèle à celui des CPK, serait plus sensible. Une augmentation importante s’accompagne d’une « myoglobinurie » (passage de myoglobine dans les urines qui deviennent brun-rouge). La myoglobinémie et la myoglobinurie traduisent une destruction de cellules musculaires ou « rhabdomyolyse ».
L’électromyogramme (ou EMG)  permet la détection d’une atteinte myogène, neurogène ou mixte.
La diminution des durées des potentiels d’unité motrice est le paramètre qui a le meilleur rapport sensibilité/spécificité pour les myopathies en EMG conventionnel. Cependant des altérations du même type peuvent apparaître dans les atteintes des fibres motrices terminales et de la jonction neuromusculaire. Les fibrillations et ondes positives, les potentiels polyphasiques et les décharges myotoniques ou répétitives complexes ne sont pas spécifiques de l’atteinte musculaire et peuvent être observées au cours des neuropathies.
La biopsie musculaire doit être guidée par l’examen clinique et l’EMG, et surtout l’IRM musculaire. Une biopsie non orientée est négative dans 10 à 25 % des cas. Elle peut montrer une atrophie, des signes de dégénérescence ou de régénération musculaire, ou des signes plus spécifiques (accumulation de glycogène, « ragged red fiber », granulome non caséeux, dépôts amyloïdes). Du tissu sera congelé en vue d’une étude histoenzymologique, immunohistochimique et en microscopie électronique.
L’IRM musculaire étudie un grand volume musculaire permettant de détecter des anomalies avant l’apparition du déficit musculaire, oriente la biopsie, apporte des critères distinctifs entre certaines myosites et aide au suivi évolutif.
Elle montre trois types d’éléments : l’atrophie, l’infiltration graisseuse et l’inflammation. Lorsque la maladie est active cliniquement, l’IRM est plus sensible que la biopsie dans la détection des zones pathologiques. Ceci souligne l’intérêt de l’orientation des biopsies sur les zones inflammatoires détectées à l’IRM. La combinaison de l’IRM et de la biopsie offre une efficacité maximale.

Douleur musculaire : le contexte guide l’exploration de la myalgie : QUE FAIRE ?

Comment prendre en charge des douleurs musculaires ?

En cas de douleurs survenant après un traumatisme ou à distance d’un effort disproportionné, il s’agit de douleurs de souffrances traumatiques ou de courbatures : le repos sportif est indispensable, de même qu’un traitement antalgique avec du paracétamol ou de l’ibuprofène à faible dose.
En cas de syndrome inflammatoire associé, c’est le traitement de la maladie auto-immune qui permettra de guérir la myopathie. Le traitement sera basé sur une corticothérapie et des immunosuppresseurs.
En cas de douleur d’origine métabolique, virale ou autre, c’est le traitement de la cause qui fera le diagnostic.

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JDF