L'interview du week-end

« Il n’y a aucune preuve d’efficacité des compléments alimentaires de collagène contre le vieillissement »

Compléments alimentaires, crèmes... Les produits à base de collagène sont aujourd’hui vantés pour leurs effets miracles contre le vieillissement de la peau, les douleurs articulaires... Qu’en est-il réellement ? Professeur Francis Berenbaum, rhumatologue et chercheur à l’Inserm, démêle le vrai du faux.

  • Yulia Lisitsa / istock
  • 27 Avr 2025
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    Le Professeur Francis Berenbaum est chef du service de rhumatologie de l’hôpital Saint-Antoine à Paris et directeur d’une équipe de recherche Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) dédiée à l’arthrose.

    Pourquoi Docteur : Qu’est-ce que le collagène ?

    Pr Francis Berenbaum : Le collagène est la protéine la plus abondante du corps humain. C’est une protéine absolument vitale puisque c’est elle qui constitue toutes les matrices de nos tissus – la peau, le cartilage, les os, les organes... On parle de collagène, mais il s’agit d’une famille qui regroupe aujourd’hui 28 types de collagènes, qui diffèrent selon leur composition moléculaire, leurs propriétés... Le plus abondant est le collagène de type 1, qu’on retrouve comme fibres pour faire nos différents tissus, à commencer par la peau. Ensuite vient le collagène de type 2, qu’on retrouve dans le cartilage. Le collagène marin, extrait à partir de poisson, a aujourd’hui le vent en poupe.

    Lorsque le collagène est digéré, il est fragmenté en acides aminés, qui peuvent certes re-servir à construire des protéines, mais pas spécifiquement davantage de collagène.

    Quel est le lien entre la perte de collagène et certaines pathologies, comme l’arthrose ?

    La quantité de collagène dans l’organisme se réduit avec l’âge : on le voit notamment avec l’épaisseur du cartilage qui diminue avec le temps, la peau qui perd en élasticité... Dans le cas de l’arthrose, on constate effectivement qu’il y aura moins de collagène de type 2 au profit d’autres collagènes qui n’ont pas les mêmes propriétés, comme le collagène 10 ou le collagène de type 1. Mais attention, le fait que le collagène se réduise avec le temps n’a rien de pathologique. Ce n’est pas une maladie, c’est simplement un effet du vieillissement, et cela n’empêche pas nécessairement certains centenaires d’être en forme, actif, de faire du vélo...

    Les compléments alimentaires à base de collagène sont vendus par certains influenceurs comme un produit-miracle contre le vieillissement de la peau, les douleurs articulaires... Presque un élixir de Jouvence. Est-ce illusoire ou y a-t-il du vrai ?

    Certaines entreprises ou acteurs affirment en effet que, puisqu’on perd du collagène avec le temps, il suffirait d’en manger pour le remplacer. C’est là qu’on tombe dans une simplicité de raisonnement qui, malheureusement, ne correspond pas à la réalité. Simplement parce qu’entre la bouche et l’organe que l’on cible, il y a l’estomac et l’intestin. Lorsque le collagène est ingéré et digéré, il va être fragmenté en acides aminés (les "briques"qui vont constituer toutes les protéines de notre organisme). Or ces acides aminés peuvent certes re-servir à construire des protéines, mais pas spécifiquement davantage de collagène, peu importe la quantité de collagène ingérée. Peut-être que certains vont y participer, mais exactement comme lorsqu’on mange du poisson ou n’importe quel autre aliment ! Penser que le collagène qu’on ingère va se reconstituer à l’identique et cibler exactement tel ou tel tissu, c’est tout simplement illusoire.

    Toutes les recherches revendiquées par les célébrités ou les sociétés qui font la promotion du collagène [comme remède anti-âge] sont ridicules.

    Qu’en disent les études scientifiques ?

    Il n’y a aucune preuve d’efficacité de ces compléments de collagène contre quelque pathologie que ce soit, ou contre le vieillissement. Des essais cliniques randomisés, contrôlés, à la méthodologie très standardisée permettent de savoir si tel médicament, tel aliment est supérieur à un placebo. Or, il n’y a aucune étude de ce genre sur le collagène. Toutes les recherches revendiquées par les célébrités ou les sociétés qui en font la promotion sont ridicules. Aucune ne répond aux standards de qualité, ce qui explique d’ailleurs pourquoi elles ne sont pas publiées dans les revues médicales de renom. Aucune entreprise ne revendique un effet sur une quelconque affection, car elle tomberait sous le coup de la loi. Les vendeurs se réfugient donc derrière le motif "bien-être" : s’ils ne peuvent pas affirmer que le collagène va soulager les douleurs, ils peuvent dire que c’est bon pour la peau, les cheveux... Le collagène est naturel, il y a donc un a priori positif. Avec, à l’appui, des études menées sans méthodologie ou des enquêtes portant sur une trentaine de personnes... Les laboratoires qui commercialisent des compléments de collagène n’iront financer une bonne étude clinique, qui coûte beaucoup d’argent, vu le risque qu’ils prendraient d’arriver à un résultat négatif : ce serait se tirer une balle dans le pied.

    D’où vient cette idée reçue sur les effets anti-âge ?

    C’est la force du marketing, qui à l’inverse des études sérieuses, ne coûte rien et est très efficace. A partir de là, des influenceurs peuvent en rajouter une couche et donner une image d’efficacité.

    Qu’en est-il des injections de collagène ?

    La différence avec les compléments, c’est que les injections vont passivement combler des rides : l’espace, le vide sera comblé le temps que le produit se dissolve. Il y aura un effet, mais passif : la peau ne va pas se reconstruire. C’est purement esthétique et cela doit être refait régulièrement.

    La perte du collagène est un processus naturel lié au vieillissement, pas une pathologie.

    Est-ce la même chose pour les crèmes et les sérums au collagène ?

    Je ne suis pas dermatologue, mais j’imagine que le raisonnement est similaire. Si vous mettez des crèmes au collagène, cela peut peut-être combler quelque chose pendant quelques heures mais cela n’ira sans doute pas plus loin.

    La prise de collagène peut-elle avoir des effets indésirables ?

    Le collagène par lui-même, non, mais les excipients qui sont ajoutés pour constituer la gélule ou la poudre, par exemple, peuvent provoquer des allergies. Quitter à vraiment vouloir du collagène, mieux vaut donc se fournir en pharmacie que sur internet.

    Peut-on booster naturellement sa production de collagène pour éviter qu’elle diminue avec l’âge ?

    il faut bien comprendre que stimuler la production de collagène n’est pas un but en soi. Cela dit, une bonne hygiène de vie va favoriser la bonne physiologie de nos cellules, et donc notamment de notre collagène, mais pas seulement : ce sera bénéfique pour notre fonctionnement cellulaire global. On sait aujourd’hui par exemple qu’une alimentation saine, comme le régime méditerranéen ou les régimes anti-inflammatoires, que l’activité physique régulière ou encore que le fait de ne pas fumer permettent de ralentir tous les processus inflammatoires de notre organisme – et donc éventuellement la perte de collagène. Mais encore une fois, la baisse du collagène est un processus naturel lié au vieillissement, pas une pathologie.

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    JDF