Neurologie

Alzheimer : un nouvel anticorps anti-amyloïde marcherait dans les formes précoces

À un stade précoce de la maladie d’Alzheimer, un nouvel anticorps anti-amyloïde permettrait d’obtenir un ralentissement cliniquement significatif du déclin cognitif, un résultat en discordance avec ceux obtenus avec 2 autres anti-amyloïdes.

  • selvanegra/istock
  • 30 Sep 2022
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    Chez des malades au stade précoce de la maladie d'Alzheimer, un traitement par anticorps monoclonal anti-amyloïde, le lécanemab, ralentirait la progression du déclin cognitif de 27% par rapport à un placebo. C’est ce qui ressortirait d’un communiqué émis par les co-sponsors de l’étude Clarity AD, les laboratoires Biogen et Eisai.

    L’anticorps monoclonal, testé dans le cadre de l'étude de phase 3, Clarity AD, a également satisfait à tous les critères d'évaluation secondaires, montrant une réduction des niveaux d'amyloïde dans le cerveau (PET-Scan), la protéine qui est l'une des caractéristiques de la maladie d'Alzheimer, et des effets positifs sur la cognition et la capacité à effectuer des tâches quotidiennes, par rapport à un placebo.

    L'Alzheimer's Association a exprimé son espoir quant aux résultats qui n'ont pas encore été publiés, mais devraient être présentés au congrès Clinical Trials in Alzheimer’s Disease (CTAD) en novembre cette année. « Pour les personnes dans les premiers stades de la maladie d'Alzheimer, ce traitement a le potentiel de changer le cours de la maladie d'une manière cliniquement significative », a déclaré l'association dans un communiqué.

    Des résultats intéressants

    Le traitement par le lécanemab satisfait au critère d'évaluation principal et réduit de 27% le déclin clinique sur la global cognitive and functional scale, CDR-SB, par rapport au placebo à 18 mois, ce qui représente une différence dans le changement de score de -0,45 (p=0,00005) dans le groupe traité en intention de traiter (ITT).

    Dès le sixième mois, à tous les points, le traitement montre des changements statistiquement très significatifs dans le CDR-SB par rapport à l’inclusion versus le placebo (toutes les valeurs p sont inférieures à 0,01). Tous les principaux critères d'évaluation secondaires sont également atteints avec des résultats statistiquement très significatifs par rapport au placebo (p<0,01). Les principaux critères d'évaluation secondaires étaient la variation, par rapport aux valeurs de départ à 18 mois, des taux d'amyloïde dans le cerveau, mesurés par PET-scan, l’AD Assessment Scale-cognitive subscale (ADAS-cog14), l’AD Composite Score (ADCOMS) et l’AD Cooperative Study-Activities of Daily Living Scale for Mild Cognitive Impairment (ADCS MC).

    Des effets secondaires propres aux anti-amyloïdes

    L'incidence d’un événement indésirable associé aux anticorps anti-amyloïdes, des anomalies d'imagerie liées à l'amyloïde-œdème/effusion (ARIA-E), sont de 12,5% dans le groupe lécanemab et de 1,7% dans le groupe placebo. L'incidence des ARIA-E symptomatiques est de 2,8% dans le groupe lécanemab et de 0,0% dans le groupe placebo.

    Le taux d'ARIA-H (microhémorragies cérébrales, macrohémorragies cérébrales et sidérose superficielle) est de 17,0% dans le groupe lécanémab et de 8,7% dans le groupe placebo. L'incidence des ARIA-H symptomatiques est de 0,7% dans le groupe lécanemab et de 0,2% dans le groupe placebo.

    L'incidence totale des ARIA (ARIA-E et/ou ARIA-H) est de 21,3% dans le groupe lécanemab et de 9,3% dans le groupe placebo. Dans l'ensemble, le profil d'incidence des ARIA du lécanemab est conforme aux attentes.

    Une étude au stade précoce

    L'étude Clarity AD est une étude internationale de phase 3, randomisée en double aveugle versus placebo, menée auprès de 1 795 personnes atteintes d'une maladie d’Alzheimer précoce. Le groupe de traitement a reçu une dose de 10 mg/kg de lécanemab toutes les deux semaines.

    Les caractéristiques à l’inclusion des groupes placebo et lécanemab sont similaires et bien équilibrées. Les critères d'éligibilité autorisaient les patients avec un large éventail de comorbidités/co-médications : hypertension, diabète, maladie cardiaque, obésité, maladie rénale et anti-coagulants...

    La stratégie de recrutement pour l'essai clinique Clarity AD aurait assuré une plus grande inclusion des populations ethniques et raciales aux États-Unis, ce qui fait qu'environ 25% du recrutement total aux États-Unis comprenait des personnes hispaniques et afro-américaines vivant avec une maladie d’Alzheimer précoce précoce.

    Plusieurs anticorps et des résultats discordants

    Biogen, le co-sponsor, est également à l'origine d'un autre traitement controversé par anticorps monoclonal anti-amyloïde dans la maladie d'Alzheimer, l'aducanumab, qui a été approuvé de manière controversée par la FDA en juin 2021. Des chercheurs, impliqués dans la commission consultative de la FDA sur l’agrément et le remboursement de l’aducanunab, l’anticorps anti-amyloïde de Biogen, ont démissionnés et mettent publiquement en cause la forme du débat public sur ce traitement. L’aducanumab (Aduhelm®) était le premier nouveau médicament contre la maladie d'Alzheimer approuvé depuis près de 20 ans, mais son efficacité et son coût suscitaient des interrogations.

    La FDA a rapidement réduit le groupe de personnes susceptibles de le recevoir, et l'on ignore combien de médecins le prescriront en raison de l'incertitude entourant ses résultats.

    La théorie historique de la cascade amyloïde

    La physiopathologie de la maladie d’Alzheimer a longtemps été basée sur l’hypothèse de la « cascade amyloïde » : la multiplication de ces plaques dans le cerveau accompagnant une dégradation de la performance cognitive. Mais, la plupart des stratégies qui ont été mises en place pour réduire la charge amyloïde, quelle que soit la méthode, sont restées sans bénéfice clinique majeur jusqu’ici, ce qui remettait en cause cette théorie. Ce n’est en tout cas certainement pas aussi clair que le lien entre LDL-cholestérol et maladies cardiovasculaires.

    Dans l'étude Alzheimer's Prevention Initiative Study, un autre anti-amyloïde, le crenezumab, ne permet pas non plus de ralentir ou stopper le déclin cognitif chez les personnes porteuses d'une mutation génétique spécifique à l'origine d’une maladie d'Alzheimer à début précoce.

    Les résultats de l'étude Clarity AD doivent donc être présentés et discutés en novembre afin de savoir si le lecanemab réduit bien la progression de la maladie d’Alzheimer à un stade précoce, ce qui redonnerait de la valeur à l'hypothèse amyloïde, selon laquelle l'accumulation anormale d'Aβ dans le cerveau est l'une des principales causes de la maladie d'Alzheimer, au moins à un stade précoce.

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    JDF