Rhumatologie
Gonarthrose : repousse intéressante du cartilage in vivo avec la piézoélectricité
L’utilisation d’une matrice cartilagineuse intra-articulaire générant de la piézoélectricité, qui existe à l’état normal dans le corps humain, semble une piste intéressante chez l’animal pour faire repousser un cartilage fonctionnel.
- tonaquatic/istock
L’arthrose est une maladie courante qui résulte d’une détérioration du cartilage. Au fur et à mesure de la progression de l’arthrose, la maladie s’étend à toute l’articulation : synoviale, ligaments, os... et le remplacement prothétique devient inéluctable. Mais avant cela, il existe une fenêtre de traitement non-chirurgical.
Dans une étude chez l’animal, publiée dans Science Translationnal Medicine, la piézoélectricité qui existe à l’état naturel pourrait être une des clés pour réussir à faire repousser un cartilage robuste et fonctionnel dans les articulations des mammifères.
Les chercheurs ont mis au point une matrice biodégradable à base de nanofibres PLLA [poly(acide l-lactique)] qui, lorsqu'elles sont placées sous une force appliquée, génèrent une charge piézoélectrique générant un champ électrique qui améliore la chondrogenèse in vitro et in vivo.
Échec des stratégies de régénération
Les meilleurs traitements actuellement disponibles des lésions récentes du cartilage sont basés sur le remplacement de la zone lésée par un morceau de cartilage sain prélevé ailleurs dans le corps ou chez un donneur. Mais le cartilage sain est en quantité limitée et la transplantation peut aboutir à endommager l’articulation où il a été prélevé et, s'il provient d'une autre personne, le système immunitaire risque de le rejeter. De plus, cette technique marche surtout pour les lésions du cartilage survenant chez les jeunes adultes.
Les pistes visant à faire repousser du cartilage sain dans une articulation endommagée ont également utilisé des facteurs de croissance pour inciter l'organisme à faire croître le cartilage. D'autres tentatives reposent sur une matrice de bio-ingénierie pour donner à l'organisme un modèle pour le nouveau tissu. Mais aucune de ces approches ne fonctionne réellement, même en association, car le néo-cartilage obtenu ne se comporte pas comme le cartilage normal et il se déchire sous l'effet des contraintes mécaniques normales de l'articulation.
Une matrice qui génère de la piézo-électricité
Une équipe de chercheurs de l’Université du Connecticut a découvert que des signaux électriques seraient essentiels à une croissance normale des chondrocytes et une régénération du cartilage. Ils ont conçu une matrice tissulaire composé de nanofibres d'acide poly-L lactique (PLLA), un polymère biodégradable souvent utilisé pour suturer les plaies chirurgicales.
Le nanomatériau possède une propriété intéressante appelée piézoélectricité. Lorsqu'il est comprimé, il produit une petite décharge de courant électrique. Le mouvement régulier d'une articulation et le malaxage du cartilage, lorsqu’une personne marche, peut ainsi amener la matrice en PLLA à générer un champ électrique faible mais constant qui encourage les chondrocytes à le coloniser et à développer un cartilage.
Aucun facteur de croissance extérieur ni aucune cellule souche (potentiellement toxique ou présentant des risques d'effets indésirables) ne sont nécessaires et, surtout, le cartilage qui se développe serait mécaniquement robuste.
Une confirmation in vivo
L'équipe a récemment testé la matrice en PLLA dans le genou d'un lapin récemment blessé au cartilage. Après l'implantation de la matrice, le lapin a été amené à sautiller pour avancer sur un tapis roulant afin de faire régulièrement de l'exercice. Les chercheurs ont pu constater que le cartilage a repoussé normalement.
La piézoélectricité est un phénomène qui existe à l’état naturel dans le corps humain. L'os, le cartilage, le collagène, l'ADN et diverses protéines ont une réponse piézoélectrique démontrée et cette approche de la régénération du cartilage par la piézoélectricité est donc facilement transposable en clinique,
Si la matrice en PLLA, et la stimulation piézoélectrique avec le champ électrique qui en résultent, aident les animaux plus gros à régénérer également leur cartilage, il pourrait s'agir d'une percée en bio-ingénierie. Cependant les chercheurs doivent encore tester cette technique utilisant la piézoélectricité sur le long terme et suivre les animaux traités pendant au moins un an, voire deux, pour s’assurer que le néo-cartilage est durable.
Enfin, il sera indispensable de tester les matrices en PLLA sur des animaux plus âgés également car, dans l’arthrose, ce qui s’observe sur un cartilage jeune, ne se reproduit pas forcément sur un cartilage plus âgé. A suivre…








