Cardiologie
Fibrillation atriale : moins de risques hémorragiques sous apixaban par rapport au rivaroxaban
En l’absence d’étude randomisées comparant les AOD entre eux chez les patients souffrant de fibrillation atriale, une étude rétrospective montre que l'apixaban donnerait moins de risques hémorragiques que le rivaroxaban pour une efficacité potentiellement meilleure.
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L'anticoagulation est le principal moyen de prévenir les accidents vasculaires cérébraux chez les patients souffrant de fibrillation atriale, mais leur remarquable bénéfice chez les patients qui ont le risque thromboembolique le plus élevé peut être contre-balancée par une augmentation du risque de saignements.
Les anticoagulants directs (AOD) ont été mis à disposition des médecins après de larges essais cliniques randomisés qui ont démontré, chez les patients souffrant de fibrillation atriale, une réduction du risque d'AVC ischémique et une réduction du risque de saignements par rapport aux AVK. Pourtant, il n'existe pas de d'essais randomisés comparatif entre AOD pour guider le choix entre les différentes molécules pour un patient donné.
Une large étude de cohorte rétrospective, comparant le rivaroxaban à l'apixaban, donne une « garantie raisonnable » que l'apixaban aurait une meilleure efficacité préventive des AVC et donnerait moins de risques hémorragiques que le rivaroxaban. L’étude est publiée dans le JAMA.
Large étude de cohorte Medicaid aux USA
Dans cette large étude de cohorte rétrospective sur 580 000 patients (l’ensemble des malades Medicaid souffrant de fibrillation atriale et traités par AOD), les patients qui ont reçu du rivaroxaban ont un risque ajusté plus élevé d'événements ischémiques ou hémorragiques majeurs par rapport aux patients ayant reçu de l'apixaban. C’est le critère de jugement principal de cette étude sur un suivi médian de 174 jours : 16,1/1000 personnes-années sous rivaroxaban versus 13,4/1000 personnes-années sous apixaban (RR=1,18 [IC à 95%, 1,12-1,24]).
L'augmentation du risque avec le rivaroxaban versus apixaban concerne les principaux composants du critère principal composite, notamment les AVC ischémiques : 8,3/1000 personnes-années contre 7,2/1000 personnes-années respectivement (HR=1,12 [IC à 95%, 1,05-1,21]), les AVC hémorragiques : 2,5/1000 personnes-années contre 1,7/1000 personnes-années (HR=1,48 [IC à 95%, 1,30-1,70]) et les hémorragies extra-crâniennes non fatales : 39,7/1000 personnes-années contre 18,5/1000 personnes-années (HR=2,07 [IC à 95%, 1,99-2,15]), ainsi qu'un risque plus élevé de mortalité toutes causes confondues : 44,2/1000 personnes-années contre 41,0/1000 personnes-années (HR=1,06 [IC à 95%, 1,02-1,09]).
Double sur-risque paradoxal sous rivaroxaban
De façon contre-intuitive, lorsque la cohorte a été stratifiée en fonction de la dose d’AOD (les patients qui avaient un risque plus élevé d'hémorragie se voyant prescrire la dose la plus faible), le risque ischémique et le risque d'hémorragie sous rivaroxaban restent plus élevés avec la dose la plus faible.
Les auteurs concluent que pour 1000 années-patients de traitement, les malades sous rivaroxaban ont 2,7 (IC à 95%, 1,9-3,5) accidents vasculaires cérébraux supplémentaires et 21,1 (IC à 95%, 20,0-22,3) événements hémorragiques non mortels supplémentaires par rapport aux patients sous apixaban.
Un problème pharmacologique
Bien que les analyses d'observation comme celles-ci soient susceptibles d'être faussées par les facteurs confondants, la robustesse des résultats de l'étude dans les nombreuses analyses de sensibilité et leur cohérence par rapport à 4 études de même nature déjà publiées est rassurante. Reste à expliquer l'observation apparemment paradoxale selon laquelle les patients ayant reçu du rivaroxaban ont à la fois un risque ischémique et un risque hémorragique plus élevés que les patients ayant reçu de l'apixaban.
D’après un éditorial associé, une explication plausible de cette contradiction apparente serait liée à la pharmacocinétique des deux AOD. Suite à un choix marketing, et bien que le rivaroxaban et l'apixaban aient une demi-vie similaire d'environ 12 heures, le rivaroxaban est administré une fois par jour alors que l'apixaban est administré en deux prises par jour. Cette différence dans les schémas posologiques peut entraîner une variabilité significativement plus élevée de fluctuation des taux sériques entre le pic et les taux résiduels (« peak-to-trough fluctuations ») avec le rivaroxaban.
Les patients traités par le rivaroxaban peuvent donc avoir un risque hémorragique plus élevé lors de pics sériques élevés et un risque d'accident vasculaire cérébral ischémique plus important en cas de taux sériques résiduels faibles. Ces différences pharmacocinétiques pourraient même être amplifiées chez les patients dont l'adhésion au traitement est sous-optimale.
Un contrôle amélioré des biais
Une étude de cohorte rétrospective, comparant le rivaroxaban à l'apixaban, qui représentent la quasi-totalité des prescriptions d’AOD aux États-Unis, a porté sur plus de 580 000 bénéficiaires de Medicare atteints de fibrillation atriale qui ont initié un traitement AOD entre 2013 et 2018, avec un suivi allant jusqu'à 4 ans.
Parmi eux, 353 879 personnes (60,9 %) ont initié un traitement par apixaban et 227 572 par rivaroxaban (39,1 %). Afin d'ajuster les différences démographiques, cliniques et de système de santé entre les 2 groupes, les investigateurs ont ajusté les résultats sur 201 variables avec la technique validée du score de propension pour estimer les différences entre les groupes.
Une garantie raisonnable
Les résultats de cette très large étude rétrospective s'ajoutent à un ensemble de publications observationnelles suggérant que, chez les patients souffrant de fibrillation atriale, l'apixaban serait associé à un risque hémorragique plus faible et peut-être à une meilleure protection thromboembolique vasculaire cérébrale par rapport au rivaroxaban.
Ces résultats représenteraient les preuves cliniques actuelles les plus importantes sur l'efficacité et la sécurité de l'apixaban par rapport au rivaroxaban. Ces AOD seront bientôt génériqués et il est peu probable que des études comparatives randomisées soient mises en place, bien que la plupart des évènements surviennent dans les 30 premiers jours, ce qui raccourcit la durée nécessaire de l’éventuelle étude.
D’après les auteurs de l’éditorial, cette étude rétrospective sur l’ensemble des malades Medicaid en fibrillation atriale traités par AOD aux Etats-Unis, une « garantie raisonnable » que l'apixaban est plus efficace avec moins de risques hémorragiques que le rivaroxaban.








