Rhumatologie
Lombalgie chronique : intérêt potentiel des inhibiteurs du NGF
Dans les lombalgies chroniques, réfractaires ou intolérantes au traitement usuel, les inhibiteurs du NGF (Nerve Growth Factor) sont potentiellement intéressants, mais à dose forte et en éliminant les arthroses périphériques, voire vertébrales
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Un soulagement insuffisant de la douleur au cours de la lombalgie chronique a un impact majeur sur la qualité de vie des malades et est associé à des coûts de santé et à une perte de productivité. Il existe donc encore un « unmet medical need » pour un traitement alternatif avec une efficacité analgésique et un profil bénéfice-risque acceptable.
Le fasinumab, un anticorps monoclonal anti-NGF (Nerve Growth Factor), à la dose la plus forte de 9 mg, est associé à une réduction significative des douleurs lombaires chroniques et à une amélioration des capacités fonctionnelles des patients dont le contrôle de la douleur était inadéquat. Cependant, les doses testées plus faibles de cet anticorps monoclonal entièrement humanisé procurent un bénéfice nettement inférieur et le risque d’arthrose destructrice rapide est présent. C’est ce qui ressort d’une étude publiée dans Annals of the Rheumatic Diseases.
Réductions à forte dose
A la semaine 16, les réductions du score d'intensité de la douleur lombaire (LBPI) sont observées avec les doses de 9 mg de fasinumab toutes les 4 semaines et toutes les 8 semaines, significativement par rapport au placebo (différence par rapport au placebo = -0,7 [0,3] ; p<0,05). Aucune réduction significative de la LBPI n’est observée avec la dose de 6 mg par rapport au placebo ( (différence de -0,3 [0,3] ; p = 0,39).
Les variations de l’échelle Roland-Morris Disability Questionnaire (RMDQ) à la semaine 16 varient entre -2,2 et -2,5 dans les groupes fasinumab par rapport au placebo (p < 0,01). En outre, les changements du Patient Global Assessment (PGA) ajustés par rapport au placebo à la semaine 16 se situent entre -0,1 et -0,3 et ne sont significatifs que pour le fasinumab IV à la dose 9 mg (p = 0,01).
Des effets secondaires
Environ 65,6% des patients ayant reçu le fasinumab et 67,1% des patients ayant reçu le placebo ont eu un effet indésirable lié au traitement. Les effets indésirables articulaires, y compris l'arthrose rapidement progressive de type 1, sont plus fréquemment signalés dans les groupes fasinumab que dans le groupe placebo (3,8% contre 0,7%).
Les effets secondaires les plus fréquents sont des troubles musculo-squelettiques et du tissu conjonctif (16,0 % pour tous les groupes fasinumab ensemble et 22,1% pour le placebo). L'arthralgie est le seul de ces effets qui est signalé chez plus de 10% des patients, tous groupes confondus, avec une incidence similaire dans les groupes placebo et fasinumab combinés (12,1% et 12,4%, respectivement). Les paresthésies sont plus fréquentes dans le groupe fasinumab que dans le groupe placebo (5,7% contre 2,9%). La plupart de ces événements sont d'une gravité légère à modérée. Au cours de la période de suivi post-traitement, l'incidence globale des effets indésirables dans les groupes fasinumab (29,9%) est similaire à celle du placebo (27,9%).
Etude randomisée phase 2/3
Cette étude de phase 2/3, en double aveugle et contrôlée versus placebo, a inclus des patients de 58 ans d’âge moyen et souffrant de lombalgies chroniques (de cause mal définie) avec un soulagement inadéquat de la douleur ou une intolérance à l'acétaminophène, aux anti-inflammatoires non stéroïdiens et aux opioïdes. Les patients ont été tirés au sort entre les groupes fasinumab à 6 mg (n=141) ou 9 mg (n=140) par voie sous-cutanée toutes les 4 semaines ou 9 mg par voie intraveineuse (IV) toutes les 8 semaines (n=141), ou le groupe placebo (n=141).
Le critère principal de l'étude était le changement, de l’inclusion à la semaine 16, du score d'intensité de la douleur lombaire (LBPI). Les autres critères d'efficacité secondaires sont le Roland-Morris Disability Questionnaire (RMDQ) et le Patient Global Assessment (PGA).
L'une des limites de l'étude a été son arrêt prématuré en raison d'une suspension de la FDA (pour une gonarthrose rapidement progressive), ce qui a conduit à une cohorte incomplète de participants recevant toutes les doses de médicaments prévues pour l'étude (563/800 patients prévus).
Mécanisme d’action différent
Les inhibiteurs du facteur de croissance des nerfs (Nerve Growth Factor = NGF) ont le potentiel de soulager la douleur par un mécanisme distinct de celui des médicaments analgésiques couramment utilisés tels que les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et les opioïdes, et donc d'éviter les effets indésirables des AINS ou des opioïdes tels que le risque accru d'événements cardiovasculaires, une toxicité gastro-intestinale, une somnolence, une dépression respiratoire, la dépendance….
Le traitement par les inhibiteurs du NGF est associé à un risque dose-dépendant de dommages articulaires, y compris l'arthrose à progression rapide, qui peut être plus fréquente chez les personnes souffrant d'arthrose périphérique que chez celles qui n'en souffrent pas, et de symptômes neurologiques, y compris les paresthésies.
Intérêt potentiel des inhibiteurs du NGF
Des doses plus élevées ont été nécessaires pour soulager les lombalgies chroniques que celles observées dans les études précédentes chez les patients souffrant de douleurs dues à l'arthrose de la hanche et du genou. Cependant, les résultats de cette étude soutiennent l'évaluation continue du fasinumab comme nouvelle option de traitement possible pour les patients souffrant de lombalgies chroniques avec un contrôle de la douleur inadéquat, ou qui sont intolérants ou ont une contre-indication pour les thérapies existantes.
Il convient sans doute de les réserver aux lombalgies chroniques d’origine discale, où il peut y avoir une néogénèse neurologique. L’analyse des sous-groupes de l’étude est importante pour évaluer l’effet des inhibiteurs du NGF dans les lombalgies chronique par arthrose articulaire postérieure ou discarthrose.








