Gastro-entérologie

Microbiote intestinal : associée à l’hôte, c’est un super-organisme essentiel

Le microbiote intestinal, c’est la flore intestinale d’hier analysée au prisme du séquençage génétique d’aujourd’hui et de demain. Avec plus de 100 000 milliard de micro-organismes, c’est un nouvel organe qui va au-delà de la seule digestion vers la santé : éducation du système immunitaire, contrôle de métabolisme…

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  • 10 Déc 2019
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    Le microbiote représente toutes les bactéries qui sont présentes de façon normale à la surface et dans différentes cavités du corps humain. Le microbiote intestinal, lui, est un agrégat de 100 000 milliard de micro-organismes intestinaux, bactéries, virus, parasites, champignons non-pathogènes, les mieux étudiés étant les bactéries.

    Ces germes trouvent leur plus grand développement dans le microbiote intestinal, à tel point que l’on parle de « superorganisme » quand on fait référence aux nombreuses interactions que ce microbiote a avec l’organisme, interactions essentielles à la santé.

    200 à 300 espèces bactériennes par personne

    On estime aujourd’hui que le microbiote de chaque être humain adulte héberge environ 200 à 300 espèces bactériennes distinctes tirées parmi 3 000 espèces bactériennes distinctes environ qui ont été identifiées dans l’ensemble des microbiotes humains étudiés. Néanmoins, il est vraisemblable que ces chiffres seront revisités.

    D’une part plus de 50% des bactéries intestinales restent non cultivables et les estimations sont basées sur la reconstitution de génomes bactériens à partir de séquences d’ADN dans les selles. En outre, les analyses de la composition du microbiote se poursuivent, notamment dans des populations encore peu étudiées et il est possible que l’on découvre un nombre plus important encore d’espèces.

    Des influences avant la grossesse

    La colonisation intestinale commence à la naissance. Néanmoins, il est vraisemblable que des produits solubles, sécrétés par le microbiote intestinal de la mère et circulant dans le sang, peuvent entrer dans la circulation et allez chez le fœtus. Des données chez la souris suggèrent que ces produits solubles peuvent stimuler le système immunitaire de l’enfant et le préparer à faire face à la colonisation.

    Les données recueillies chez la souris montrent très clairement qu’un retard d’implantation du microbiote intestinal après le sevrage expose au développement de pathologies allergiques et inflammatoires. Chez l’homme, le risque lié à la naissance par césarienne reste très discuté et variable selon les études. Par contre, les données sont plus claires sur le rôle d’antibiothérapie précoce.

    Importance de la diversité bactérienne

    Un nombre croissant d’études montrent en outre que la diversité du microbiote s’est réduite dans les pays industrialisés sous l’effet conjoint des modifications de l’alimentation, et de l’usage des antibiotiques notamment.

    On admet donc aujourd’hui qu’un microbiote très diversifié est bénéfique et que la perte de diversité observée dans les pays industrialisés (et qui est en train de se produire dans les pays en cours d’industrialisation) est un facteur qui favorise la survenue de différentes pathologies chroniques qui ont considérablement augmenté avec l’industrialisation (allergie, obésité, diabète…).

    La perte de diversification du microbiote s’accompagne notamment de la perte d’espèces aux effets protecteurs contre inflammation, et au contraire de l’émergence d’espèces bactériennes plus proinflammatoires, favorisant ainsi maladies inflammatoires et métaboliques

    Facteurs qui influencent le microbiote

    L’alimentation joue un rôle déterminant sur la composition du microbiote intestinal en modifiant la nature des métabolites qui peuvent être utilisés par les différents types de bactéries et donc leur croissance compétitive dans l’intestin. De ce fait, les transformations de l’alimentation qui accompagnent l’industrialisation, notamment le passage d’une alimentation riche en fruits et légumes à une alimentation pauvre en fibres végétales et riche en sucres rapides et graisses, a conduit à des modifications importantes du microbiote humain, avec un appauvrissement de certaines espèces utiles et l’implantation d’espèces qui favorisent inflammation et maladies métaboliques.

    D’autres facteurs environnementaux jouent également un rôle important et contribuent à perturber le microbiote, notamment les antibiotiques et, de façon générale, de nombreux médicaments et polluants. Le poids des facteurs génétiques est envisagé mais semble limité : en effet, la comparaison des microbiotes entre des populations humaines géographiquement et ethniquement différentes, montre de très grandes similarités.

    De très nombreux médicaments pris par voie orale ou excrétés dans l’intestin sont métabolisés par les bactéries de l’intestin avec deux conséquences, des modifications de la composition du microbiote, comme avec les antibiotiques, mais aussi des modifications de la disponibilité de ces médicaments, comme avec les immunothérapies anti-PD1 dans le cancer. Il me semble en effet qu’il va falloir prendre en compte le microbiote pour comprendre les variations individuelles de réponses à certains médicaments.

    Reconstituer le microbiote avec la greffe

    La greffe fécale consiste à collecter les matières fécales d’un individu en bonne santé pour les réimplanter chez une autre personne à l’aide d’une sonde qui permet de déposer les bactéries dans l’intestin. C’est une technique très efficace pour combattre les infections par Clostridium difficile, une bactérie pathogène qui s’implante dans l’intestin de certains patients ayant reçu des traitements antibiotiques prolongés ou répétés.

    En effet, chez ces patients, la disparition de la majorité des bactéries intestinales normales rend possible l’implantation de la bactérie pathogène. La greffe fécale permet d’apporter un grand nombre d’espèces diverses qui vont repeupler les niches intestinales vides et s’opposer à la prolifération de la bactérie pathogène. C’est l’effet de barrière du microbiote. La greffe fécale est donc maintenant une thérapie reconnue pour lutter C. difficile. Son application aux autres situations où le microbiote a perdu de sa diversité est beaucoup plus compliquée mais fait aujourd’hui l’objet de nombreuses recherches, en particulier dans les maladies inflammatoires du côlon et de l’intestin

    Des questions restent posées

    Les transferts de bactéries ou de microbiote chez l’animal sont très utiles pour démontrer les effets du microbiote. Ces transferts ont notamment permis de prouver l’effet du microbiote sur le développement du système immunitaire, sur le métabolisme gludico-lipidique et sur de nombreux organes.

    Mais de nombreuses questions restent posées. Nous ne savons pas définir précisément ce qu’est un microbiote intestinal normal. Définir ce qu’est une bactérie bénéfique et une bactérie aux effets délétères n’est pas toujours facile car une bactérie bénéfique dans un certain contexte peut devenir délétère dans un autre contexte.

    Par ailleurs, les chercheurs commencent à comprendre que pour restaurer un microbiote de bonne qualité, il ne suffit pas d’apporter les bonnes bactéries mais il faut aussi reconstituer un écosystème intestinal où elles vont pouvoir s’implanter de façon durable. C’est un peu comme dans un jardin, il faut de la bonne terre pour implanter les bonnes plantes, favoriser leur diversité et éviter l’invasion par des mauvaises herbe.

    Comment protéger son microbiote ?

    Dans la mesure où il est désormais devenu clair qu’une alimentation riche en graisses et en sucres et pauvre en fibres provoque des modifications du microbiote qui favorisent des pathologies chroniques graves, métaboliques et inflammatoires, il semble très important, au plan préventif, de rétablir des habitudes alimentaires plus saines.

    C’est un enjeu sociétal aussi car aujourd’hui ce sont les populations les plus défavorisées des pays industrialisés ou en voie d’industrialisation qui sont les plus exposées à ces régimes alimentaires délétères. Néanmoins, l’alimentation n’est pas seule en cause, on l’a vu, et l’usage immodéré et mal contrôlé des antibiotiques que ce soit chez l’homme ou chez l’animal est en cause et plus généralement aussi l’usage des médicaments et des polluants.

    En cas de maladies et de maladies, où la dysbiose a un rôle causal comme dans les maladies métaboliques ou inflammatoires, il serait important de pouvoir favoriser l’expansion de bactéries aux effets favorables aux dépens de bactéries pathogènes. La greffe de bactéries bien définies est évidemment un Graal, mais difficile à atteindre car ces bactéries risquent d’avoir beaucoup de difficultés à s’implanter et à exercer une fonction favorable si l’écosystème intestinal reste perturbé par la maladie mais aussi par ex par le régime alimentaire.

    Compte tenu de que nous savons actuellement, il est clair qu’une alimentation diversifiée riche en fruits, en légumes et en produits frais et, au contraire, limitant l’utilisation de sucres rapides, des graisses saturées et des produits industriels transformés, est utile pour favoriser le développement d’un « bon « microbiote » aux effets bénéfiques sur notre système immunitaire et sur notre métabolisme.

    Suivez l'émission Santé 2030 sur le microbiote avec le Dr Nadine Cerf-Besussan (Institut Imagine, Necker, Paris)

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    JDF