Infectiologie
Grippe : un vaccin à ARNm plus efficace que le quadrivalent standard chez l’adulte jeune
L’efficacité d’un vaccin quadrivalent à ARN messager (60 à 67%) dépasse celle d’un vaccin inactivé quadrivalent classique pour prévenir un premier épisode de grippe confirmée en laboratoire chez les 18–64 ans. Ce gain d’efficacité s’accompagne d’une réactogénicité plus fréquente mais le profil de sécurité reste comparable, ouvrant la voie à une optimisation des campagnes annuelles.
- Natali_Mis/istock
Malgré la vaccination saisonnière, la grippe demeure une source majeure de morbidité, avec une efficacité des vaccins fluctuante (40 à 50% sur la morbimortalité) selon la concordance antigénique (le choix des souches ciblées dans le vaccin est un « pari antigénique » car décidé 6 mois à l'avance).
La plateforme des vaccins à ARNm, éprouvée pendant la pandémie de Covid-19, promet une adaptation plus rapide aux souches circulantes et évite les mutations et une immunogénicité éventuelle liées à la production sur œufs. L’essai de phase 3 C4781004 a randomisé 18 476 adultes (États-Unis, Afrique du Sud, Philippines) pour recevoir un vaccin quadrivalent ARNm ou un vaccin quadrivalent inactivé au cours de la saison 2022–2023.
Selon les résultats publiés dans le New England Journal of Medicine, le critère principal de réduction des cas de syndrome grippal avec confirmation virologique à ≥14 jours, montre une efficacité relative de 34,5 % en faveur de l’ARNm (57 cas vs 87 ; IC à 95 % 7,4–53,9), atteignant à la fois la non-infériorité et la supériorité. Dans un contexte dominé par le risque lié aux nouches A/H3N2 puis A/H1N1, ce résultat transcrit un bénéfice clinique tangible pour la prévention d’un premier épisode.
Des réponses immunes cohérentes avec le bénéfice… et une tolérance plus « réactive »
L’immunogénicité, évaluée par HAI, confirme la non-infériorité pour les souches A avec des titres plus élevés sous ARNm, tandis que la non-infériorité n’est pas atteinte pour les souches B, une limite difficile à interpréter faute de circulation significative de B au cours de la saison (seulement deux cas observés). Les analyses de réponse cellulaire montrent une activation CD4+ et CD8+ spécifique, avec expression d’interféron-γ détectable jusqu’à 6 mois pour les quatre souches, suggérant une qualité de réponse au-delà des seuls anticorps.
Côté tolérance, les réactions locales et événements systémiques sont plus fréquents avec le vaccin à ARNm (70,1 % vs 43,1 % ; 65,8 % vs 48,7 %), avec fièvre dans 5,6 % des cas contre 1,7 % sous vaccin traditionnel ; ces manifestations restent le plus souvent légères à modérées et transitoires. Les profils d’effets indésirables et la fréquence des événements graves (~1 %) sont similaires entre groupes, sans signal de sécurité inattendu. En analyse de fin de saison, l’avantage relatif observé vis-à-vis du vaccin traditionnel suggère une efficacité absolue approchée de 60–67 % contre la grippe confirmée chez les 18–64 ans.
Un essai rigoureux, une généralisabilité à préciser sur les populations cibles
Cet essai randomisé, en double aveugle, contrôlé vs vaccin actif, avec suivi médian de 4,6 ans pour l’évaluation de la sécurité (jusqu’à 6 mois post-vaccination dans cette analyse), renforce la validité interne des conclusions. Néanmoins, l’usage d’une efficacité relative (comparaison à un vaccin agréé et non à un placebo), la faible circulation de B, et le focus sur les 18–64 ans en bonne santé limitent la portée de l’extension directe aux enfants, aux sujets de 65 ans et plus, femmes enceintes ou personnes immunodéprimées.
Selon un éditorial associé, ces données soutiennent l’intégration progressive d’un vaccin quadrivalent ARNm chez les adultes 18–64 ans lorsque l’objectif prioritaire est la protection contre les souches A dominantes, en informant clairement sur une réactogénicité plus fréquente mais acceptable. Pour la saison à venir, les cliniciens peuvent envisager le ARNm chez les actifs à forte exposition ou à risque de décompensation, surtout en cas de signal épidémiologique A/H3N2.
Les perspectives incluent l’optimisation antigénique (meilleure adaptation à la souche circulante du fait du délai plus court de production, ciblage additionnel de la neuraminidase), la réduction de la réactogénicité, et des essais dédiés chez les seniors, enfants et populations à comorbidités, afin de confirmer l’ampleur du gain d’efficacité et d’affiner les recommandations de santé publique. La cerise sur le gâteau de ce type de vaccin à ARNm, c’est que sa production reste possible même en cas de pandémie de grippe aviaire… où il n’y aura pas beaucoup d’œufs disponibles pour produire les vaccins traditionnels.








