Oncologie
Tumeurs neuroendocrines avancées : intérêt d’un inhibiteur de tyrosine kinase
La prise en charge des tumeurs neuroendocrines avancées (TNE) reste complexe, avec peu d'options après échec des traitements initiaux. L'essai CABINET montre que le cabozantinib améliore la survie sans progression chez les patients prétraités, tout en soulignant l'importance de personnaliser la gestion des effets indésirables.
- Alona Siniehina/istock
Les tumeurs neuroendocrines (TNE) représentent un groupe hétérogène de cancers, souvent diagnostiqués à un stade avancé, et caractérisés par une progression sous traitement. Ces tumeurs, principalement localisées dans le tractus gastro-intestinal et le pancréas, sont traitées par des analogues de la somatostatine, des traitements ciblés ou par récepteur peptidique radionucléide (PRRT). Cependant, la majorité des patients finit par connaître une progression de la maladie malgré ces traitements.
C'est dans ce contexte que l’essai CABINET a exploré l'efficacité du cabozantinib, une petite molécule par voie orale qui est un inhibiteur de plusieurs tyrosines kinases, dont les récepteurs du VEGF, MET, AXL et RET., chez des patients ayant déjà reçu des traitements ciblés ou PRRT. L’étude a été présentée au congrès de l’ESMO 2024 et est publiée dans le New England Journal of Medicine.
Bénéfice d’un inhibiteur de de tyrosines kinases
Les résultats de l’étude démontrent une amélioration significative de la survie sans progression (PFS) chez les patients atteints de TNE extrapancréatiques (8,4 mois sous cabozantinib contre 3,9 mois sous placebo) et de TNE pancréatiques (13,8 mois contre 4,4 mois sous placebo).
Bien que les données de survie globale ne soient pas encore matures, l'impact positif sur la PFS fait du cabozantinib une option prometteuse. Cependant, des effets indésirables de grade 3 ou plus ont été observés chez une majorité des patients, nécessitant des ajustements de dose.
Une efficacité confirmée quelle que soit la localisation malgré les effets indésirables
L’essai CABINET a inclus deux cohortes de patients, ceux atteints de TNE extrapancréatiques (203 patients) et ceux atteints de TNE pancréatiques (95 patients). Tous avaient reçu au moins une ligne de traitement antérieure, incluant des thérapies ciblées ou PRRT. Les patients ont été randomisés pour recevoir soit le cabozantinib (60 mg par jour), soit un placebo.
Les résultats montrent que le cabozantinib prolonge la PFS, avec un hazard ratio (HR) de 0,38 pour les TNE extrapancréatiques (IC à 95 % : 0,25 à 0,59) et de 0,23 pour les TNE pancréatiques (IC à 95 % : 0,12 à 0,42), tous deux avec une signification statistique (p < 0,001). Concernant les réponses objectives, 5 % des patients avec TNE extrapancréatiques et 19 % des patients avec TNE pancréatiques ont montré une réponse sous cabozantinib, contre 0 % sous placebo.
En termes de tolérance, les effets indésirables de grade 3 ou plus ont concerné 62 à 65 % des patients sous cabozantinib, les plus fréquents étant l'hypertension, la fatigue, la diarrhée et les événements thromboemboliques. En revanche, ces effets étaient observés chez seulement 23 à 27 % des patients sous placebo. La gestion des effets indésirables a nécessité des ajustements de doses pour la majorité des patients sous cabozantinib, soulignant la nécessité d'un suivi attentif.
Quelles perspectives pour le cabozantinib dans les TNE ?
L’étude CABINET, réalisée avec le soutien des National Institutes for Health américain, a une méthodologie rigoureuse, avec une randomisation en double aveugle et une évaluation centralisée de la PFS. Toutefois, la décision d'arrêter l'essai après une analyse intérimaire positive pourrait potentiellement conduire à une surestimation de l’effet du traitement. Néanmoins, le nombre d’événements observés dans les deux cohortes (111/164 dans la cohorte extrapancréatique et 57/95 dans la cohorte pancréatique) suggère que les données sur la PFS sont robustes. De plus, l'utilisation d'un placebo comme comparateur, bien que critiquable, était justifiée par l'absence d'alternative bien établie après les traitements de première ligne tels que Lu-177 dotatate et les thérapies ciblées.
Les résultats sont en accord avec les études précédentes sur les agents anti-angiogéniques dans le traitement des tumeurs neuro-endocrines, soulignant l'importance de la voie VEGF dans la pathogenèse de ces tumeurs. Les résultats de cet essai ouvrent la voie à des recherches futures sur la séquence optimale des traitements dans les TNE et pour évaluer la combinaison de cabozantinib avec d'autres agents thérapeutiques, en particulier en raison de son double ciblage sur les récepteurs VEGF et MET, ce dernier jouant un rôle dans la résistance aux thérapies anti-angiogéniques. En effet, bien que le cabozantinib améliore la PFS, son rôle précis dans le paysage thérapeutique des TNE, en comparaison avec d’autres inhibiteurs de tyrosine kinase ou thérapies antiangiogéniques, doit encore être clarifié. De plus, la nature des patients inclus dans l’essai, tous ayant déjà reçu des thérapies approuvées, suggère que cabozantinib pourrait être envisagé comme une option de seconde ou troisième ligne.
Take-home message
Le cabozantinib est une nouvelle option thérapeutique prometteuse pour les patients atteints de TNE avancées, en particulier après échec des thérapies ciblées ou PRRT. Il améliore significativement la survie sans progression, bien que son utilisation soit associée à des effets indésirables fréquents nécessitant des ajustements de dose. Une approche individualisée du traitement est essentielle pour optimiser les résultats cliniques et minimiser les toxicités.








