Infectiologie

Infections virales respiratoires : toutes peuvent provoquer des symptômes prolongés

Le syndrome post-infectieux avec ses symptômes prolongés, dont certains lors du Covid long, ne concerne pas que le SARS-CoV-2, mais la plupart des virus respiratoires ou digestifs. Dans certains cas il peut s’agir d’une auto-immunité, et la pandémie Covid-19 a déclenché un mouvement de recherche important qui devrait aboutir à une meilleure compréhension et prise en charge de ces troubles.

  • Andrii Iemelyanenko/istock
  • 30 Nov 2023
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    L'infection par le SARS-CoV-2 est connue pour laisser derrière elle nombres de symptômes qui vont de la simple fatigue à des manifestation systémiques diverses dont des douleurs chroniques diffuses avec invalidité. C’est ce que l’on a inclus dans un cadre syndromique appelé « Covid long », très hétérogène, et que l’on préfère désormais appeler « syndrome post-Covid ».

    Des études de plus en plus nombreuses suggèrent qu'indépendamment de ce syndrome, le coronavirus induit également le système immunitaire en erreur en le poussant à cibler des molécules de l'organisme avec des auto-anticorps (« molecular mimicry »)*, provoquant ainsi des troubles auto-immuns chez certaines personnes. Plusieurs études suggèrent que ce résultat est plus fréquent chez les personnes qui ont eu une forme sévère de la Covid-19, mais pas seulement.

    De nombreux virus donnent des symptômes persistants

    Le SARS-CoV-2 n'est pas unique vis-à-vis de ces troubles car de nombreux virus respiratoires et digestifs sont susceptibles de donner des symptômes prolongés, voire une auto-immunité. Nous sommes tous infectés en permanence par une multitude de virus respiratoires ou digestif et, dans la majorité des cas, cela se passe bien après un épisode aigu plus ou moins désagréable.

    Mais il faut se souvenir que les virus se développent à l’intérieur de différentes cellules de l’organisme, ce qui déclenche généralement une réponse inflammatoire importante. Cette réaction inflammatoire s’accompagne d’une libération de nombreuses cytokines pro-inflammatoire dans la circulation sanguine avec de nombreux symptômes, et en particulier la fatigue, qui peuvent persister plus de 4 semaines. L'exemple classique de cette réponse inflammatoire avec fatigue secondaire prolongée est le virus d'Epstein-Barr : près d’une personne sur 10 développe ensuite une « encéphalomyélite myalgique » ou « syndrome de fatigue chronique » (SFC/EM) après une mononucléose.

    Un dérèglement immunitaire chez quelques patients

    Chez quelques patients cependant, un autre mécanisme est à l’œuvre : le système immunitaire se dérègle après l’infection virale aiguë et aboutit à une véritable « auto-immunité ». Les scientifiques savent, depuis longtemps, qu'une infection virale (ou bactérienne) peut faire basculer l'organisme vers une maladie auto-immune. Par exemple, longtemps suspecté, le lien direct entre virus d'Epstein-Barr et la sclérose en plaques a été démontré l'année dernière via une étude de référence.

    En, effet, le virus d'Epstein-Barr, membre de la famille des herpès virus, infecte presque tout le monde à un moment ou à un autre de sa vie et, une fois dans l'organisme, il persiste pour toujours. Surtout, il peut être réactivé par le stress ou les changements hormonaux.

    Pour étudier l’association entre infection à virus EBV et la sclérose en plaques, une étude à long terme portant sur plus de 10 millions de soldats en service actif de l'armée américaine a permis de recueillir 62 millions d'échantillons de sérum entre 1993 et 2013.

    Les scientifiques ont pu constater que le risque de sclérose en plaques est 32 fois plus élevé chez les soldats infectés par le virus EBV que chez ceux qui ne l'étaient pas. De nombreux autres agents pathogènes pourraient également provoquer une auto-immunité, mais seulement chez quelques personnes, comme le virus de la dengue, le VIH, des entérovirus.

    Une intensité particulière de l’auto-immunité avec le SARS-CoV-2.

    Néanmoins, le SARS-CoV-2 semble provoquer une réaction à long terme d'auto-immunité particulière. Au début de la pandémie, les scientifiques ont découvert que les anticorps qui ciblent l'organisme plutôt que l'agent pathogène, appelés auto-anticorps joueraient un rôle important dans la Covid.

    Dans une étude, les personnes qui avaient des auto-anticorps dirigés contre l'interféron, un élément clé du système de première réponse de l'organisme aux agents pathogènes, avant d'être confrontées au coronavirus, seraient plus susceptibles d’avoir une forme sévère et de décéder de la Covid-19. Environ 10 % des patients atteints d'une forme grave de la maladie, pour la plupart des hommes de plus de 55 ans, possédaient ces anticorps, contre seulement 0,3 % dans la population générale.

    Le rôle de plus en plus critique des interférons

    Il est connu que les interférons jouent un rôle crucial dans la réponse immunitaire contre les infections virales. Ce sont des cytokines qui sont produites en réponse à la présence de virus dans le corps et aident à contrôler les infections virales en signalant aux cellules voisines de renforcer leurs défenses contre le virus et en activant d'autres composants du système immunitaire.

    Cependant, une réponse excessive à l'interféron peut aussi contribuer à une inflammation chronique et à une dysrégulation immunitaire, deux facteurs potentiellement impliqués dans le développement de symptômes post-viraux prolongés tels que ceux observés dans le SFC/EM et le Covid long. Les mécanismes précis impliquant l'interféron dans le développement de ces syndromes post-viraux sont encore en cours de recherche et ne sont pas entièrement compris.

    Auto-anticorps n’est pas auto-immunité

    Certains chercheurs rappellent toutefois que la simple présence d'auto-anticorps n'est pas obligatoirement le signe d'une maladie auto-immune. De plus, il y a beaucoup plus de personnes qui ont fait une mononucléose infectieuse que de malades de la sclérose en plaque dans la population. D’où la nécessité de cofacteurs, viraux, génétiques ou environnementaux pour déclencher la maladie. De très nombreux autres facteurs doivent donc être réunis pour qu'une personne contracte une maladie auto-immune et seules les « Big Data » permettront de les analyser.

    Enfin, le mimétisme moléculaire (« molecular mimicry »), le mécanisme le plus connu aboutissant à la formation d’auto-anticorps par l’organisme, est seulement l'une des voies qui peut conduire à une auto-immunité. Dans d'autres cas, l'organisme peut ne jamais éliminer complètement un agent pathogène après une infection, et la persistance du virus, qu'il s'agisse d'un virus vivant ou de simples fragments de virus, peut maintenir l'organisme dans un « état d'alerte immunitaire élevé », conduisant finalement à l'auto-immunité.

    Cela peut aussi être lié à des facteurs de l'hôte (inflammation chronique, dysrégulation métabolique ou endocrinienne, dysrégulation immunitaire et auto-immunité) et des impacts en aval (dommages tissulaires dus à l'infection initiale, hypoxie tissulaire, dysbiose de l'hôte et dysfonctionnement du système nerveux autonome)​​.

    Plus d'études sont donc nécessaires pour clarifier comment la réponse immunitaire, y compris la production d'interféron, influence le développement de symptômes chroniques au cours des syndromes post-infectieux, dont certains aspects du Covid long, mais la recherche avance.

     

    *Le mimétisme moléculaire est un phénomène où la structure d'une molécule (généralement une protéine ou un peptide) imite celle d'une autre molécule. Dans le contexte des maladies auto-immunes, le mimétisme moléculaire peut jouer un rôle important en attaquant à la fois le pathogène et ses propres cellules, conduisant à une réaction auto-immune.

     

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