Gériatrie

Dépression du sujet âgé : quelle échelle d'évaluation utiliser en consultation ?

Les échelles d’évaluations de la dépression sont multiples mais, pour la personne âgée, la mini GDS serait utile pour le repérage tandis qu’une version plus complète est nécessaire pour l’évaluation.

  • Drazen Zigic/istock
  • 02 Jul 2023
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    La dépression du sujet âgé a bien souvent une présentation atypique qui peut rendre difficile son diagnostic nous avait précédemment expliqué le Pr Bonin-Guillaume dans la première fiche « Entretien pratique en gériatrie ». La série se poursuit aujourd'hui avec une troisième fiche dédiée à la place des échelles d'évaluation pour le repérage et le diagnostic de cette pathologie fréquente. GDS, Cornell, Hamilton et on en passe... : quelle(s) échelle(s) utiliser en pratique ? La gériatre de l'AP-HM spécialiste de la question nous livre quelques conseils pratiques pour ne pas se perdre parmi tous les outils disponibles et surtout utiliser les bons et à bon escient.

    Quels outils sont validés chez la personne âgée pour le diagnostic d'un épisode dépressif ?

    Il est important de rappeler qu'une échelle de dépression ne suffit pas à faire un diagnostic de dépression ! On a souvent l'impression qu'un score va donner la solution mais non. Il existe de nombreuses échelles et certaines ont été plus étudiées chez la personne âgée. Une a été développée spécifiquement pour cette population, c'est l'échelle de dépression gériatrique dont il existe plusieurs versions.

    En effet, mini GDS, GDS 15, GDS 30… on s'y perd parfois. Quelle version utiliser en pratique ?

    Cette échelle de dépression gériatrique, elle est spécifique et donc elle est intéressante. La version à 15 items, plus complète que la mini GDS, doit être utilisée en consultation d’évaluation. La mini GDS est, elle, utile uniquement pour le repérage de la dépression. Quant à la version à 30 items, elle est encore plus complète et plus longue et elle apporte des précisions sur certaines questions.  Mais il faut retenir qu’environ 10% de l’échelle est biaisée en particulier sur les aspects cognitifs.

    Comment bien utiliser en consultation cette échelle GDS 15 ?

    Elle est donc la plus spécifique mais sous deux conditions. Elle doit être remplie par le patient lui-même car il s’agit d’un auto-questionnaire. Elle ne doit donc pas être remplie par un interlocuteur qui pose des questions parce que cela peut entraîner un biais évident de réponse. Ce point est fondamental pour une bonne évaluation. Le deuxième point est que pour être correctement remplie par le patient, il est nécessaire que celui -ci soit en capacité de lire et comprendre les questions c’est-à-dire avoir des fonctions cognitives relativement préservées. Aussi cette échelle ne peut pas être proposée en cas de MMS inférieur à 15.  Cela est important pour s’assurer de la validité des réponses. Donc vous voyez ça crée une vraie limite à cet outil qui est intéressant, mais qui ne peut pas être utilisé chez tout le monde.

    Y-a-t-il d'autres échelles validées chez la personne âgée ?

    Oui, il y a l’échelle la plus validée dans la population âgée : l'échelle de Montgomery et Asberg (MADRS). C'est celle qui a été la plus étudiée dans cette population. Elle doit être remplie par un cotateur externe après un entretien de 20 à 30 minutes. L'objectif est d'essayer d'identifier les tristesses ressenties, exprimées, observées, le sommeil, les idées suicidaires... Elle contient 10 items et les scores pour les personnes âgées sont différents de ceux de l’adulte jeune.

    20-30 minutes d'entretien au moins, ce n'est pas toujours simple en médecine générale, est-ce bien adapté au cabinet ?

    Effectivement cela nécessite un temps dédié. C’est pour cela qu’elle peut être cotée comme un acte médical. Mais elle nécessite une bonne connaissance initiale. C’est certain que ce n'est pas sur une consultation de 5 minutes qu'on va remplir un MADRS. Et autre point intéressant de cette échelle, validé scientifiquement, le score s'améliore lorsque le traitement va être donné. Donc en plus de l'élément clinique, on va voir si la prise en charge que l'on propose permet une amélioration de cette MADRS ce qui permet de savoir si on a été efficace dans notre prise en charge. Mais là encore c'est très observateur dépendant.  

    Et la bien connue Hamilton, adaptée ou non à la population âgée ?

    L'échelle d'Hamilton est une échelle très connue et utilisée chez l’adulte. Mais certains items sont peu adaptés chez la personne âgée rendant la cotation délicate. Par exemple, la présence d’aménorrhée chez une dame de 80 ans est un phénomène normal. Doit-on coter oui (signe de dépression) ou non ? Aussi pour éviter des scores inadaptés, il est préférable de réserver cet outil très complet pour les adultes plus jeunes.

    Et en cas de troubles cognitifs, quelle échelle utiliser ?

    Il y a une échelle qui a été validée, c'est l'échelle de Cornell Scale for Depression in Dementia (CSDD), validée en langue française et tout à fait adaptée pour les patients présentant des troubles cognitifs et des troubles dépressifs. Elle se fait avec quelqu'un qui connaît bien le patient, un aidant à domicile ou un soignant en EHPAD. Cela permet de donner une orientation sur la possibilité d'un état de dépression et d'évaluer l'efficacité suite à la mise en place d'un traitement.

    Un dernier mot sur le sujet ?

    Les échelles de dépression ne sont pas des outils pour le diagnostic, mais restent très utiles pour repérer une éventuelle dépression ou suivre un patient sous traitement. Un score doit obligatoirement s’associer à un entretien et un examen clinique complet.Ce n'est pas en faisant passer une échelle que l'on est tranquille, parce qu'il peut y avoir un mauvais scorage ou une expression de la dépression qui n'est pas très bonne. C'est un outil qui aide et en aucun cas ça ne remplace la clinique. Ce n'est pas comme une imagerie qui va vous donner un diagnostic d'AVC !

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    JDF