Sport au féminin

Tour de France Femmes : les risques médicaux sont-ils bien pris en compte ?

Avec l’essor du Tour de France Femmes, le cyclisme féminin connaît un tournant historique. Les médecins sont aujourd’hui poussés à imaginer des protocoles spécialisés, notamment en matière hormonale, nutritionnelle et traumatologique. 

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  • 30 Juillet 2025
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    Le cyclisme féminin vit une renaissance spectaculaire depuis le lancement du Tour de France Femmes. Mais l’élan médiatique exposé ne doit pas faire oublier les carences médicales persistantes. Trop souvent, les coureuses évoluent avec du matériel conçu pour des morphologies masculines, sans suivi hormonal, énergétique ou biomécanique adapté.

    Or, les études récentes montrent que les coureuses ont une prévalence élevée de douleurs au genou, douleurs de hanche, syndrome fémoro‑patellaire ou déséquilibres musculaires liés à une rotation pelvienne et à un valgus plus fréquent chez la femme.

    Cyclisme féminin : les principaux risques médicaux spécifiques

    - Syndrome RED‑S (Relative Energy Deficiency in Sport)

    Ce déséquilibre entre dépense et apport énergétique entraîne aménorrhée, troubles de la densité osseuse, fatigue, baisse de performance, fractures de stress. Il touche fréquemment les femmes cyclistes intensives. Une consultation régularisée en micronutrition, bilan ferritine et densité osseuse est essentielle.

    - Problèmes périnéaux et saddle issues

    Le bicyclist vortex syndrom ou pudendal nerve entrapment : compression du nerf pudendal sous la pression de la selle. Des symptômes tels que douleurs brûlantes, paresthésies, gonflement vulvaire (lymphœdème), troubles urinaires ou sexuels sont rapportés, parfois jusqu’à nécessiter une intervention chirurgicale

    Une étude a montré que 37 % des cyclistes féminines souffrent de douleurs liées à la selle, 33 % de frottements cutanés, 20 % d’infections ou irritations. Pourtant les recherches sont encore rares. Les positions du guidon, le modèle de selle (noseless, cutaway) ou l’angle du bassin restent sous-utilisés médicalement dans leur prévention.

    - Surutilisation du dos et membres inférieurs

    Les douleurs lombaires sont fréquentes (>29 %), souvent liées à une hyperflexion lumbopelvienne en cas de déséquilibre. Les membres supérieurs peuvent souffrir de neuropathies compressives (canal carpien, ulnar neuropathy). Chez les femmes, des contraintes anatomo‑fonctionnelles spécifiques augmentent les risques.

    - Gestion du cycle menstruel : une dimension encore tabou mais essentielle

    Le cycle hormonal a une influence mesurable sur la performance, la récupération, la stabilité articulaire et le risque de blessure. L’initiative du UK Sports Institute d’organiser la planification cyclique (phase tonique versus phase coordinative) a permis à l’équipe féminine britannique de réduire de 400 journées d’entraînement perdues à cause des blessures.

    La phase folliculaire haute en œstrogènes induit une récupération rapide, une force accrue et une souplesse ligamentaire.

    La phase prémenstruelle, en revanche, provoque un risques de crampes, de la fatigue, une baisse de la coordination et une plus grande vulnérabilité aux lésions des ligaments.

    Il conviendrait d’intégrer ce suivi hormonal dans les recommandations médicales : programmation des sessions intenses, supplémentation, surveillance des troubles menstruels (PCOS, aménorrhée).

    Un sport qui nécessite une approche médicale multisectorielle 

    - Bike‑fitting personnalisé

    Les physiothérapeutes et médecins doivent collaborer avec des bike‑fitters spécialisés féminins pour optimiser la position (longueur de manivelle, hauteur et angle de selle, posture du guidon) afin de réduire les compressions périnéales et les tensions musculaires ciblées.

    - Programme de renforcement ciblé

    Renforcement des abducteurs, stabilisation du bassin, gainage lombopelvien, mobilité des hanches pour compenser les angles de latéralité plus fréquents chez la femme.

    - Suivi nutritionnel spécifique

    Contrôle des apports en fer, calcium, vitamine D, B12, protéines en fonction du cycle, des phases menstruelles et du volume d'entraînement.

    - Prévention neuro‑urologique

    En cas de douleurs périnéales persistantes, orientation vers un spécialiste (neurologue ou urogynécologue), exploration selon les critères de Nantes pour le syndrome du nerf pudendal et prise en charge adaptée (changement matériel, kinésithérapie, infiltration, neurochirurgie en dernier recours).

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