Cancer du sein
Chimiothérapie après 70 ans : une étude française remet ses bénéfices en cause
Toxicité accentuée, qualité de vie dégradée... L’étude ASTER 70s, menée sur des femmes âgées atteintes d’un cancer du sein, montre que la chimiothérapie n’apporte pas de bénéfice "significatif" en termes de survie globale.

- Par Stanislas Deve
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- Ridofranz / istock
Comment soigner les patients âgés touchés par le cancer ? Faut-il encore proposer une chimiothérapie aux femmes de plus de 70 ans atteintes d'un cancer du sein hormonodépendant, le plus fréquent ? Une vaste étude française, baptisée ASTER 70s – la première à être menée à grande échelle sur cette population spécifique – apporte une réponse nuancée, qui pourrait révolutionner la prise en charge. Les travaux ont été publiés dans la prestigieuse revue scientifique The Lancet.
Un bénéfice de survie non significatif
Menée sur 1.089 patientes de 70 ans et plus, l’étude randomisée de phase III a comparé deux stratégies : l’hormonothérapie seule, ou associée à une chimiothérapie. Chez ces femmes, toutes identifiées comme à haut risque par la signature génomique Genomic Grade Index (GGI), les résultats, après un suivi médian de 7,8 ans, montrent une différence modeste en termes de survie globale : 72,7 % dans le groupe chimiothérapie contre 68,3 % dans le groupe sans chimiothérapie à huit ans. Une différence de 4,5 points jugée non "statistiquement significative", selon un communiqué.
Mais les effets secondaires toxiques, eux, se sont révélés bien plus marqués dans le groupe chimiothérapie : 34 % de ces patientes ont présenté "des effets indésirables de grade 3 ou plus", contre 9 % dans le groupe hormonothérapie seule. Les femmes traitées par chimiothérapie ont aussi rapporté "une détérioration plus marquée de leur qualité de vie, en lien avec la fatigue, les douleurs, les troubles digestifs et une baisse de l'autonomie".
Des résultats qui changent la donne
"ASTER 70s constitue un tournant dans la prise en charge des femmes âgées atteintes d'un cancer du sein, selon le Pr Etienne Brain, oncologue à l’Institut Curie et auteur principal de la recherche. Pour la première fois, une étude de phase III montre que l'ajout de chimiothérapie n'apporte pas de bénéfice statistiquement significatif de survie globale". Il insiste : "Ces résultats confirment que les décisions thérapeutiques doivent tenir compte non seulement de la biologie tumorale, mais aussi de l’âge, de la fragilité et des attentes des patientes".L’étude, coordonnée par Unicancer R&D avec le soutien de l’Institut Curie et de 84 centres en France et en Belgique, ouvre la voie à une oncologie plus ciblée. Le Pr Jean-Yves Blay, président d’Unicancer, souligne que "ce travail collectif va permettre de réduire les traitements inutiles et d'améliorer la qualité de vie des patientes âgées".