Interview du week-end
"La notion de mal dans sa peau définit tout à fait la dermatite atopique"
La dermatite atopique, comme beaucoup de maladies de la peau, a un impact important sur la santé mentale des patients. Le point sur cette pathologie et ses conséquences psychologiques avec le Dr Marc Perrussel, dermatologue.

- Par Thierry Borsa
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- Pourquoi Docteur : Quelle définition donner de la dermatite atopique ?
Dr Marc Perrussel : La dermatite atopique c’est une pathologie inflammatoire chronique qui débute le plus souvent quelques mois après la naissance à partir du moment où l’enfant va être confronté au milieu extérieur. La maladie qui évolue par poussées est caractérisée par des signes cliniques qui sont de l’érythème, des oedèmes, des vésiculations entraînant suintements et desquamation. Elle est toujours associée à un prurit qui est constant et douloureux et qui va provoquer des insomnies. C’est cela qui va avoir un impact psychologique sévère.
- Connait-on la prévalence de cette maladie ?
La dermatite atopique touche 10% des enfants dans le monde entier, particulièrement dans les pays industrialisés, ce qui prouve bien qu’il y a un impact de l’environnement confirmé par une augmentation des cas ces 40 dernières années.
- Quelle est son origine ?
La dermatite atopique, c’est une maladie génétique et on retrouve toujours chez les ascendants soit de l’eczéma, soit de l’asthme, soit de la rhinite allergique.
- Quelle différence entre dermatite atopique et eczéma de contact ?
L’eczéma de contact peut toucher n’importe quelle personne qui va se sensibiliser à une molécule et là c’est une réaction de type allergique, or la dermatite atopique n’est pas une maladie allergique. L’eczéma de contact, c’est une anomalie qui rend la peau beaucoup plus perméable à la pénétration de nombreux allergènes qui vont aller stimuler le système immunitaire qui, génétiquement, est hypersensible. Cela provoque une stimulation des lymphocytes qui fait apparaître les signes cliniques de l’eczéma. Pour ces patients, il suffit de supprimer l’allergène pour qu’ils retrouvent une vie normale." Dans la dermatite atopique, on ne peut pas modifier le terrain génétique et les patients doivent vivre avec et c’est pour cela qu’il va être très important de leur apporter un soutien thérapeutique mais aussi une aide psychologique pour bien aider à vivre, à s’accepter. - Concrètement, qu’est-ce qui dans la dermatite atopique peut entraîner une dégradation de la santé mentale ? La notion de mal dans sa peau définit tout à fait la dermatite atopique. Evidemment, lorsqu’elle apparait chez le nourrisson, il ne va pas se gratter ni se plaindre de démangeaisons mais il va gesticuler sur la table à langer ! Et avec le temps, le grattage qui va entraîner des saignements, l’inconfort de sa peau, vont le mettre dans une situation de mésestime de lui, il va être montré par les autres comme quoi il a une maladie affichante ce qui fait qu’il risque d’être rejeté parce que l’on a peur d’une éventuelle contagion -alors que cette maladie n’est pas transmissible- ou bien on va dire que c’est un enfant qui est sale. Donc il subit des reproches qui, cumulés psychologiquement tout au long de sa vie, vont aboutir à des modifications de l’estime de soi en générant de l’anxiété, voire des dépressions. L’OMS a d’ailleurs décidé récemment que les maladies de peau devaient être un objectif de santé publique majeur. Cela montre bien que la dermatite atopique a réellement un impact sur ceux qui en souffrent. - Les psychothérapeutes ont-ils un rôle à jouer dans la prise en charge de la dermatite atopique ? On dit que le psy ne donne pas la dermatite atopique mais que la dermatite atopique donne du psy ! La maladie entraîne des perturbations psychologiques, relationnelles. Donc si l’on arrive à bien soulager les manifestations cliniques au niveau cutané, la personne ira mieux."Dans la dermatite atopique, les patients doivent vivre avec"
"La dermatite atopique a un impact réel sur ceux qui en souffrent"
- Justement, quels sont les traitements qui peuvent soulager les manifestations physiques ?
Les traitements que l’on donne sont à graduation variable en fonction de l’importance de la dermatite atopique. Il existe d’ailleurs une échelle qui permet de mesurer l’impact de la maladie sur la qualité de vie.
Le premier traitement, il est fondamental, c’est l’hydratation cutanée. Pour un adulte, cette hydratation nécessite un kilo de crèmes par mois ! Mais comme la plupart de des produits ne sont pas remboursés, le reste à charge est important pour le patient. Mais c’est la base du traitement.
"Les dermo-corticoïdes sont l'arme la plus efficace pour contrôler la maladie"
Ensuite, le deuxième traitement de référence, ce sont les dermo-corticoïdes. S’il y a un échec à ces traitements, on peut utiliser des immunomodulateurs topiques. Si le patient est toujours gêné, il faut alors passer aux traitements systémiques, les UV mais en tenant compte du risque de cancer de la peau. Et depuis 2017 il existe des biothérapies ciblant l’élément responsable de l’excitation cutanée. Grâce à ces traitements on parvient à un contrôle de la dermatite atopique modérée à sévère pour à peu près les trois quarts des patients.
- Comment l’entourage peut aider un patient souffrant de dermatite atopique ?
La première chose, il faut le répéter, est d’améliorer le contact cutané en hydratant la peau. Il faut éviter bien entendu tous les produits irritants, utiliser de préférence des sous-vêtements en coton. Mais il faut surtout respecter les prescriptions et démystifier la corticophobie. Les craintes sur l’utilisation de ces traitements sont certainement ce qui fait le plus de mal aux enfants souffrant de dermatite atopique ! Les dermocorticoïdes utilisés de façon adaptés sont l’arme thérapeutique la plus efficace pour contrôler la maladie cutanée et de ce fait l’impact, psychologique de la maladie.