Bactéries
Microbiote buccal : peut-on "attraper" la dépression de son conjoint ?
Un conjoint en bonne santé mentale peut développer les mêmes symptômes de dépression et d’anxiété que le partenaire avec lequel il vit, à cause d’un transfert de bactéries buccales, selon une étude.

- Par Stanislas Deve
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- Tero Vesalainen / istock
Et si les troubles de l’humeur se transmettaient aussi par la bouche ? C’est la surprenante hypothèse émise par une équipe de chercheurs iraniens, qui ont observé que des conjoints en bonne santé mentale peuvent développer anxiété, dépression et troubles du sommeil... simplement en vivant avec un partenaire dépressif. Leurs travaux ont été publiés dans la revue Exploratory Research and Hypothesis in Medicine.
Un potentiel lien entre microbiote buccal et humeur
Menée à Téhéran, l’étude a suivi 1.740 couples fraîchement mariés. Parmi eux, 268 époux en bonne santé ont été comparés à leurs conjoints présentant ce que les chercheurs appellent un "phénotype dépression-anxiété" : une association de troubles de l’humeur et d’insomnie. Après six mois de vie commune, les conjoints initialement sains ont vu leur humeur se dégrader, leurs nuits se troubler et leur anxiété grimper.
Mais le plus étonnant se passait dans... leur bouche. L'analyse de leur microbiote buccal a révélé une transformation : "Le microbiote buccal des conjoints sains a commencé à ressembler à celui de leurs partenaires déprimés", notent les chercheurs dans un communiqué. Dans le détail, certaines familles de bactéries comme Clostridia, Veillonella ou Lachnospiraceae, déjà liées à des troubles psychiatriques dans des recherches antérieures, ont augmenté chez les deux partenaires.
Une approche de couple pour soigner la dépression ?
Ces résultats confortent une théorie populaire : celle de l’axe microbiote-cerveau. Selon elle, les micro-organismes de la bouche ou de l’intestin peuvent influer sur le cerveau via des mécanismes complexes, comme la perméabilité de la barrière hémato-encéphalique. "La transmission du microbiote oral entre individus en contact étroit pourrait partiellement médier les symptômes de dépression et d’anxiété", soulignent les auteurs.
Les femmes, selon l’étude, semblent particulièrement vulnérables à ces changements, montrant des signes plus marqués de détérioration de la santé mentale et des modifications de leur microbiote.
Cette recherche inédite, bien que préliminaire, remet en question l’approche individuelle des troubles mentaux. Si les microbes peuvent jouer un rôle dans la diffusion de l’anxiété ou de la dépression dans un couple, faut-il envisager des traitements conjoints ? Probiotiques ciblés, interventions sur l’hygiène bucco-dentaire, accompagnement psychologique en duo : les pistes sont nombreuses.