Journée mondiale de la sclérose en plaques
David Berty, ancien du stade toulousain : “les joueurs de l’équipe de rugby fauteuil ont brisé le mur qui était tombé sur ma vie”
Le rugbyman David Berty a vu sa carrière de sportif professionnel stoppé par la sclérose en plaques en 2002. Le diagnostic n’a pas été simple à accepter pour celui qui détient 5 titres de champion de France et a remporté la Coupe d’Europe en 1996 avec le Stade toulousain. En ce vendredi 30 mai, journée mondiale de la SEP, il nous confie comment la découverte du rugby fauteuil ainsi que des hommes et des femmes qui le pratiquent, l’ont aidé d’accepter sa maladie… et d’aller de l’avant.

- Par Sophie Raffin
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Avec 120.000 personnes touchées en France, la sclérose en plaques (SEP) est la première cause de handicap sévère non traumatique chez le jeune adulte. Cette maladie auto-immune qui affecte le système nerveux central, compte des symptômes très variés allant des troubles moteurs aux problèmes digestifs, des difficultés cognitives aux perturbations sensitives (sensations anormales, désagréables et/ou douloureuses).
Pour David Berty, les premiers signes de la maladie sont apparus sous la forme de troubles oculaires en 1997 alors qu’il était ailier au sein du Stade toulousain. "Tout a commencé par une névrite optique. Je voyais mal, se souvient le rugbyman. Je distinguais mal les joueurs et le ballon sur le terrain. Du jour au lendemain, je ne pouvais plus jouer." Finalement, sa vue est revenue. L’envie de jouer est si grande, que le sportif est retourné sur le terrain même si aucun médecin n’avait trouvé d’explication satisfaisante à ses problèmes de santé. Toutefois, le répit a été de courte durée…
David Berty : "mes jambes ne répondaient plus comme il faut"
"L’année suivante, des problèmes de fatigue sont apparus. Mes jambes ne répondaient plus comme il faut. J’étais moins performant et donc on ne me faisait plus jouer. J’ai changé de club, mais j’ai enchaîné les blessures. Elles n’étaient pas forcément liées à la sclérose en plaques. Elles étaient liées au surentraînement que je m'imposais alors pour retrouver la forme”, se souvient l’ancien ailier. Ces dernières l’ont obligé à passer à nouveau plus de temps sur le banc des remplaçants que sur le terrain. La saison s’est ainsi soldée par un autre changement de club.Désireux de comprendre ce qu’il se passait, David Berty finit par consulter en 2002 un médecin qui n’avait pas de lien avec le milieu sportif. "Quand je lui ai raconté ce qui m'arrivait, il m'a dit d’aller voir un neurologue". Après avoir passé différents examens ainsi qu’une ponction lombaire, la spécialiste découvre une cause unique à l’ensemble des troubles qui affectent ses performances sportives et son quotidien depuis des années. Il est atteint d’une sclérose en plaques.
“La SEP pour moi, c’était synonyme de fauteuil et de dépendance”
Comme beaucoup de patients qui ont connu l’errance médicale, David ressent du soulagement à l’annonce du diagnostic. Il sait enfin contre quoi il se bat. Mais cette “joie” a été de courte durée pour l’homme qui avait alors tout juste la trentaine. "Cela a été très dur par la suite. Car la SEP, pour moi, c’était synonyme de fauteuil et de dépendance. Cela a été une chute dans un puits sans fond avec une seule image en tête le fauteuil roulant. Je le voyais comme un démon. Il allait gâcher ma vie", confie-t-il
Le rugbyman qui a mis un terme à sa carrière sportive face à l’importance de ces soucis de santé, plonge dans la dépression pendant quatre ans. "Je ne parvenais pas à accepter la maladie. Je ne voulais voir personne et je ne voulais plus sortir", reconnaît-il. Mais petit à petit, avec le soutien de ses proches, il remonte la pente et sort de sa torpeur. "Mes filles Loana et Carla étaient petites à l’époque, cela m’a motivé à bouger et à me battre". Alors qu’il remontait doucement la pente, l’ancien athlète se tourne à nouveau vers l’exercice physique. "J’ai essayé plein de sport. Cependant, je le faisais comme je le faisais avant. C’est-à-dire vite, fort et en cherchant à être le premier… et donc je n'y arrivai pas. Un jour, l’ego du sportif a parlé et je me suis dit : tu vas laisser tomber et repartir à zéro." C’est à cette période que David Berty croise le fondateur des Toros XIII, un club de rugby-fauteuil mixte où hommes et femmes, valides et non valides, jouent ensemble. Cette rencontre va complètement révolutionner sa façon de penser la maladie, le handicap, et même la vie. Il lui propose d’intégrer l’équipe. Mais malgré sa victoire sur la dépression, les nombreux défis relevés au cours des dix dernières années et son envie de retoucher un ballon, la peur du fauteuil roulant est encore trop grande pour David et il refuse. "En entendant le mot fauteuil, je me suis dit : “Non. Je bataille depuis des années pour éloigner le fantôme du fauteuil et, là, il faudrait que j’y aille volontairement. Ce n’est pas possible. Mon ami va insister, et heureusement !" En effet, David se laisse convaincre de venir voir un entraînement. "Quand je suis entré dans le gymnase, j’ai assisté à quelque chose que je ne comprenais pas : des hommes et des femmes jouaient au rugby, faisaient des passes, tombaient et se relevaient, marquaient. Mais ce qui m’a le plus surpris : c’est qu’ils avaient tous la banane. Or, pour moi, prendre du plaisir en fauteuil, c’était impossible. Je ne comprenais pas." Intrigué, l’ancien athlète fréquente de plus en plus le gymnase et espère ainsi résoudre ce mystère. Au fur et à mesure, il (re)découvre le plaisir de jouer au rugby. "Les joueurs de l’équipe de rugby fauteuil ont brisé le mur qui était tombé sur ma vie et mon avenir. Ils m’ont montré qu'il y avait plein de voies possibles et de nouvelles choses à découvrir. Ils m’ont fait sortir de la zone où je m’étais enfermé." Sur le terrain, il retrouve les sensations qu’il avait quand il était un jeune joueur du stade toulousain. "Le premier match où j’ai joué en fauteuil, lorsque j’ai préparé mon sac ou quand je suis rentrée dans le vestiaire… j’ai eu un tsunami de souvenir de l’époque où j’étais professionnel. Même les odeurs du vestiaire étaient pareilles", se souvient le sportif. Et les similitudes ne sont pas qu'olfactives. "Le match, l’esprit d’équipe, les victoires, les défaites, la 3e mi-temps… C'est la même chose au rugby-fauteuil. Bien sûr, on ne joue pas devant 20 ou 30.000 personnes – c’est plus 20 ou 30 - mais je retrouve les mêmes sensations"... et surtout le plaisir de jouer au rugby. Cette expérience a montré une nouvelle fois à David, l'importance d’avancer, et de ne pas se laisser stopper par les difficultés de la vie et ses peurs. "Que cela soit le sport comme moi, ou la musique, le bricolage ou même marcher… Lorsqu'on a une passion, il faut la vivre à fond. Ainsi, on ne pense pas à nos tracas du quotidien. Puis un jour, on la partage avec d’autres personnes, et on retrouve un lien social. Là, c’est l’acceptation et on va de l’avant." David Berty, qui a déjà raconté les premières années sombres de sa maladie dans un livre, a repris la plume. Dans ce nouvel opus baptisé “Le Rugby et la vie, même match" (ed. Privat), il a voulu montrer qu’un diagnostic de sclérose en plaques et le handicap ne sont pas une fin en soi. Un message d’espoir et d’acceptation qu’il partage aussi dans le cadre de sa vie professionnelle. Depuis 2017, il porte deux casquettes au sein d’une mutuelle : “celle d’un employé normal” et “celle d'ambassadeur sport santé auprès des adhérents”. Il se confie sur son parcours et fait découvrir le handisport lors de conférences, de séminaires dans les entreprises ou encore d’opérations de sensibilisation dans les écoles et les centres de rééducation.Handisport : "j’ai eu un tsunami de souvenir de l’époque où j’étais professionnel"
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