Cerveau
Et si l’ennui était bon pour notre santé mentale ?
Souvent perçu comme négatif, l’ennui active en réalité des zones du cerveau qui favorisent l’introspection, la créativité et l’estime de soi, selon des chercheurs. Réapprendre à s’ennuyer pourrait ainsi prévenir l’anxiété et le stress.

- Par Stanislas Deve
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L’ennui : nous connaissons tous ce sentiment diffus où "le temps semble passer lentement" et où l’on se sent "agité". Longtemps perçu comme "un état négatif" à fuir à tout prix, l’ennui pourrait pourtant avoir des vertus insoupçonnées, affirme une équipe de chercheurs de l’Université de Sunshine Coast (UniSC), en Australie, dans un article publié dans The Conversation.
Ce que l’ennui fait à notre cerveau
D’un point de vue neuroscientifique, l’ennui active une véritable "orchestration cérébrale". Lorsqu’une activité cesse d’être stimulante, comme un film peu captivant, notre "réseau de l’attention", chargé de filtrer les stimuli pertinents, diminue son activité. En parallèle, le "réseau exécutif", impliqué dans la concentration, ralentit aussi.
C’est alors qu’intervient le "réseau du mode par défaut", une zone cérébrale liée à "l’introspection", qui redirige notre attention vers nos pensées internes, et non plus le monde extérieur. Cette bascule neuronale nous pousse à réfléchir, à faire le point.
D’autres régions cérébrales jouent également un rôle. L’insula détecte nos signaux internes et nous informe que "le film n’est plus engageant", une capacité appelée "interception". L’amygdale, quant à elle, capte "les émotions négatives liées à l’ennui", et le cortex préfrontal ventro-médian nous incite à chercher une activité plus stimulante.
Faire une pause pour laisser la créativité prospérer
Mais notre société hyperactive, "surchargée d’informations", ne laisse plus beaucoup de place à l’ennui. Entre le travail, les activités familiales, les notifications et les réseaux sociaux, "nous sommes constamment 'en marche'", expliquent les chercheurs. Ce rythme effréné stimule en permanence notre système nerveux sympathique, responsable de la réponse au stress. À la longue, cela peut entraîner un "surcharge allostatique", une forme de surchauffe de notre organisme qui "peut augmenter le risque d’anxiété".
Un "temps d'arrêt" pour recharger le cerveau
À l’inverse, de petites doses d’ennui pourraient permettre de "réinitialiser notre système nerveux", à la manière d’un "contrepoids nécessaire au monde surstimulé dans lequel nous vivons". Selon les scientifiques, être oisif de temps en temps favorise ainsi :
-la créativité, en construisant un "flux de pensée" plus libre,
-l’autonomie intellectuelle, en nous détachant "des contributions extérieures",
-la régulation émotionnelle et l’estime de soi, en apprenant à "rester avec nos émotions",
-la désintoxication numérique, en rompant avec la "recherche de la gratification immédiate",
-l’apaisement de l’anxiété, en réduisant les stimuli sensoriels.
Dans un monde où "l’anxiété ne cesse de croître, surtout chez les jeunes", il devient essentiel de marquer "un temps d’arrêt" pour "se recharger". Les auteurs concluent : "Nous devons embrasser la pause. C'est un espace où la créativité peut prospérer, les émotions se réguler et le système nerveux se réinitialiser."