Oncologie

Cancer : cibler le fer pour lutter contre les métastases ?

Étant donné que les cellules cancéreuses sont dépendantes au fer, des scientifiques de l’Institut Curie ont développé une nouvelle classe de petites molécules déclenchant la ferroptose, une forme de mort cellulaire.

  • peterschreiber.media/iStock
  • 19 Mai 2025
  • A A

    "Une véritable boulimie de fer". C’est ce que développent certaines cellules cancéreuses. Cette découverte avait été faite par l’équipe de Raphaël Rodriguez, chercheur à l’Institut Curie à Paris, il y a quelques années. "Cette addiction métallique trouve son origine dans le rôle indispensable joué par le fer dans l’activation de différents programmes permettant à ces cellules de s’adapter et, d’une certaine façon, de devenir plus fortes. Ainsi, la captation et l’usage accrus du fer constituent un trait caractéristique des contingents de cellules cancéreuses les plus agressives, celles qui développent une résistance aux traitements conventionnels ainsi que la capacité de migrer pour aller former des tumeurs secondaires, les métastases", peut-on lire sur le site de la Ligue contre le cancer.

    La surcharge en fer rend les cellules cancéreuses plus vulnérables à la ferroptose

    Cependant, le fer peut aussi favoriser, en cas de surcharge, une forme de mort cellulaire appelée ferroptose. Dans le détail, l’accumulation du métal entraîne une série de réactions conduisant à terme à la dégradation des membranes qui maintiennent l’intégrité cellulaire. Face à ce constat, les scientifiques français ont voulu exploiter cette vulnérabilité des cellules cancéreuses afin de s’attaquer aux métastases, responsables de 70 % des décès par cancer. Pour cela, ils ont, dans le cadre d’une étude, testé différents types de cellules cancéreuses pour comprendre où et comment se déclenche la ferroptose.

    Leurs résultats, publiés dans ma revue Nature, ont montré le fer localisé dans les lysosomes, des compartiments de la cellule essentiels à sa maintenance, comme le site d’initiation de la ferroptose. "Dans ces organites, le fer catalyse la production de différents composés oxydants très réactifs qui attaquent les membranes cellulaires constituées de lipides. Lors de la ferroptose, cette réaction se propage ensuite en cascade jusqu’à la dégradation de la membrane plasmique causant la mort de la cellule."

    L’activité de fentomycine-1 peut éradiquer in vitro des cellules cancéreuses résistantes au traitement

    À partir de ce constat, l’équipe a conçu une nouvelle classe de petites molécules, appelées "dégradeurs de phospholipides", capables d’activer la ferroptose. Leur structure particulière leur permet à la fois de cibler la membrane plasmique, de s’y accumuler puis d’activer le fer contenu dans les lysosomes pour déclencher la ferroptose. La fentomycine-1 est capable de détruire les cellules de sarcome primaire CD44-high, une protéine permettant aux cellules cancéreuses dites persistantes d’internaliser du fer ce qui leur confère une plus grande agressivité et une capacité accrue à s’adapter aux traitements classiques.

    Selon les auteurs, les cellules de sarcome exposées à des doses de fentomycine-1 acquièrent un état cellulaire résistant à la ferroptose, caractérisé par une régulation négative des marqueurs mésenchymateux et l'activation d'une réponse aux dommages membranaires. Ce dégradateur de phospholipides peut éradiquer les cellules cancéreuses persistantes tolérantes aux médicaments in vitro et réduire la croissance tumorale chez les souris présentant des métastases après l’apparition d’un cancer du sein.

    "Des études cliniques sont nécessaires pour démontrer que cette capacité d’induire la ferroptose pourra être une voie thérapeutique complémentaire aux chimiothérapies actuelles dans la lutte contre les cancers en ciblant particulièrement les cellules cancéreuses pro-métastatiques et réfractaires aux traitements conventionnels",
    ont conclu les scientifiques.

    Pour laisser un commentaire, Connectez-vous par ici.
    

    JDF