Téléconsultation

Pourquoi les cabines de télémédecine dans les grandes surfaces ne sont pas du goût des médecins

L’enseigne Monoprix a installé des cabines de télémédecine dans deux de ses magasins, à Paris et à Troyes et prévoit d’en ouvrir huit autres avant l’été. Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) dénonce une dérive commerciale. Le Conseil national de l’ordre appelle le gouvernement à réagir.

  • Par Jean-Guillaume Bayard
  • AdrianHancu/iStock
  • 22 Avr 2021
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    Aller chez le médecin pendant ses courses, c'est désormais possible. Du moins à Troyes, dans l’Aube, et Porte de Châtillon, au sud de Paris, dans deux enseignes du groupe Monoprix. Des cabines de télémédecine y ont été installées et permettent d’être mis en relation avec un médecin généraliste en moins de 15 minutes. Dans les cabines, développées par l'entreprise Tessan Pharma Express, plusieurs équipements sont mis à disposition des patients avec un tensiomètre, un stéthoscope ou encore un thermomètre. Aucune avance de frais n'est nécessaire pour utiliser ce service, pour lequel l'inscription se fait via son numéro de sécurité sociale.


    De possibles erreurs de diagnostic

    Pour Jean-Paul Ortiz, le président de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF), ces télécabines représentent “une dérive commerciale que certains voudraient donner à l’exercice médical.” Il dénonce une “qualité de prise en charge détériorée qui se fait en dehors du parcours de soin avec un médecin qui se trouve loin du patient.” Une vision de la médecine éloignée de la sienne, lui qui se dit “favorable à la téléconsultation avec des critères qui garantissent la bonne prise en charge, en sachant que cela ne peut pas remplacer en totalité une prise en charge en présentiel.” Il s’inquiète de possibles erreurs de diagnostic ou de mauvaises redirections des patients vers des médecins spécialistes à cause de la mauvaise connaissance territoriale par le médecin qui se trouve de l’autre côté de l’écran mais également à l’autre bout de la France.

    Le Conseil national de l’ordre des médecins a également vivement réagi à ces annonces, dans un communiqué publié le 20 avril. “Il ne peut être accepté qu’un médecin prenne en charge un patient sans possibilité de procéder à un examen clinique chaque fois que cela est souhaitable, sans aucun ancrage territorial ni aucune connaissance du tissu sanitaire médico-social, sans se préoccuper de son parcours de soins et sans apporter une garantie que la continuité des soins pourra être assurée, s’insurge l’institution. Les cabines de téléconsultation ouvertes dans l'enceinte de supermarchés semblent, dans la promotion qui en a été faite par voie de presse, contrevenir à ces obligations et être portées par des opérateurs de télémédecine, hors parcours de soins.”


    La santé n’est pas un commerce

    Monoprix, qui compte ouvrir huit autres télécabines d’ici l’été, se défend en disant vouloir “faciliter l’accès aux soins, comme l'a justifié Maguelone Paré-Harroch, la directrice du concept et de l'innovation chez Monoprix, à RTL. Au même titre que l'on vend des pommes bio et des vêtements, il est important pour nous d'adresser ces nouveaux besoins de prendre soin de soi. L'avantage ici, c'est que vous avez tout un équipement que vous n'allez pas nécessairement avoir chez vous.”

    Jean-Paul Ortiz regrette l'“image dégradée” que cela renvoie de l’exercice médical. Sur la question d’un désengorgement des cabinets grâce à ces télécabines, le président de la CSMF estime qu'“aucune étude scientifique ne montre que la téléconsultation diminue le recours au médecin du territoire en présentiel.” Il appelle également à éviter toute naïveté. “Est-ce que Monoprix agit uniquement par altruisme social ?, interroge-t-il ironiquement. C’est une manière pour eux d’attirer des personnes dans leurs locaux et faire qu’elles achètent dans leur grande surface. On est typiquement dans une démarche avec intérêt commercial.” Sur ce point, l’ordre des médecins incite fermement le gouvernement à réagir et rappelle que selon l’article R.4127-19 du code de la santé publique : “la santé ne doit pas être pratiquée comme un commerce.”

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    JDF