Semaine mondiale

Glaucome : “Faire des examens de contrôle tous les deux ans”

À l'occasion de la semaine mondiale du glaucome, le chirurgien ophtalmologue Romain Nicolau insiste sur la nécessité de dépister cette maladie indolore alors que près d'un patient sur deux ignore qu'il en est atteint.

  • Par Jean-Guillaume Bayard
  • Dr Romain Nicolau/iStock
  • 08 Mar 2021
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    - Pourquoi Docteur - Qu’est-ce que le glaucome ? 

    Dr Romain Nicolau - C’est une maladie du nerf optique qui est dégénérative, progressive avec une altération du champ visuel. Elle est associée à une perte des fibres nerveuses rétiniennes et une atrophie du nerf optique. Il n’y a pas d’atteinte à l’acuité visuelle, le patient ne voit pas une baisse de la vision. Au début, il y a une perte du champ visuel périphérique mais le patient ne s’en rend pas forcément compte. L’évolution est très lente et la maladie met plusieurs années à s’installer.

    Cette maladie est chronique dans 95% des cas. Le glaucome aiguë existe mais il est rarissime. Dans ce cas, il apparaît avec une baisse brutale de la vision et un œil qui devient rouge et douloureux. Ce type de cas, j’en vois une fois par an au cabinet alors que glaucome chronique, j’en vois tous les jours. Il peut être à angle ouvert ou fermé. Il est primitif dans la majorité des cas mais peut parfois être secondaire et survenir après un accident, en cas d’antécédents d’inflammations de l’œil ou encore avec des maladies endocriniennes.

    - Quelles sont les causes de cette pathologie ?

    L’âge est une facteur de risque important, il y a une augmentation exponentielle qui vient avec l’âge. En moyenne, les patients ont 50-60 ans. À partir de 70 ans, 3,4% des patients ont des glaucomes et à 75 ans, ce chiffre grimpe à 10%. Chez les personnes qui ont la peau noire, cela monte jusqu’à 20% pour ceux qui ont 75 ans.

    Au-delà de l’âge, les causes sont multifactorielles et il n’y a pas de cause unique. La génétique représente environ 5% des cas. L’origine ethnique joue également un rôle, il y a plus de personnes atteintes de glaucome en Afrique qu’en Asie et les Caucasiens se situent entre les deux. Les myopies fortes peuvent également être en causes puisqu’elles entraînent une élongation de l’œil qui devient alors plus fragile et plus sensible, et donc plus à risque. Les risques cardiovasculaires sont également des causes d’apparition des glaucomes avec des pathologies telles que le diabète, l’hypertension, les fumeurs, le cholestérol, les apnées du sommeil, l’obésité….

    - Comment se manifeste-t-il ? Quels sont les premiers signaux d’alerte ? 

    Le problème de cette maladie est qu’elle n’est pas douloureuse. Les patients ne s’en aperçoivent pas et c’est ce qu’il y a de pire. Les patients ne consultent pas. Ils vont consulter parce qu’ils ont la vue qui baisse pour d’autres raisons et souvent c’est à ce moment-là, avec des tests de contrôle, que l’on réalise qu’ils ont un glaucome.

    - Quand faut-il se faire dépister ? 

    J’insiste pour faire des examens de contrôle tous les deux ans pour être capable de dépister la maladie le plus tôt possible. On est capable de dépister la maladie avant l’apparition des signes cliniques. On la dépiste grâce à des examens où l’on test l’acuité visuelle, la tension oculaire, on fait des photos du fond de l’œil pour analyser le nerf optique, on étudie le champ visuel et, en fonction des antécédents, il peut y avoir d’autres examens avec des analyses plus poussées. L’ensemble de tous ces arguments nous permet de poser le diagnostic qui nécessite ensuite un traitement à vie.

    - Quels sont les traitements possibles ? 

    Quand un patient arrive au stade sévère de la maladie avec une perte du champ visuel, on essaie d’éviter que son état empire mais il ne pourra pas retrouver son champ visuel. Étant donné qu’un nerf est touché, il n’y a pas d’amélioration possible puisqu’un nerf est un tissu qui ne se régénère pas.

    Les traitements commencent par les traitements généraux avec le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire parce qu’il arrive que l’on découvre en même temps un diabète, de l’hypertension, etc. Si le patient est en surpoids, avec le médecin traitant, on le prend en charge pour lui faire perdre du poids, ce qui peut faire naturellement diminuer le glaucome.

    Ensuite, il y a des règles d’hygiène alimentaire qui permettent de lutter contre la maladie. Il est préférable de favoriser les omégas 3 pour leur effet anti-oxydatif qui l’on retrouve dans l’huile d’olive, le poisson gras, les noix et il faut éviter la viande rouge. Cela peut être pris en complément alimentaire également. Il faut chercher une alimentation riche en légumes et fruits également.

    Il y a ensuite trois possibilités thérapeutiques en fonction de la gravité de la maladie : les gouttes, le laser et la chirurgie. J’insiste sur le fait que quand le diagnostic est posé, le traitement se prend à vie.

    Les gouttes, qui sont des analogues de prostaglandine, permettent de diminuer la tension oculaire de 20 à 30% en augmentant l’évacuation du liquide de l’œil. Ça s’apparente à un travail de plomberie.  Il y a deux effets secondaires : cela rend les yeux rouges et cela allonge les cils. Après un mois, on évalue l’efficacité et la tolérance du traitement et si tout se passe bien, le patient continue de prendre le médicament avec des contrôles routiniers tous les 6 mois. S’il ne le supporte pas, on va alors jouer non plus sur l’évacuation du liquide mais sur une diminution de la sécrétion en utilisant des bêtas bloquants. Les effets secondaires sont plus importants puisque ces gouttes induisent de la fatigue et peuvent conduire les hommes à être impuissant. La bithérapie, c’est-à-dire l’utilisation combinée de ces deux types de gouttes, est possible si elle est jugée nécessaire pour un meilleur contrôle de la tension oculaire.

    Il existe deux types de laser, à choisir en fonction de la forme de l’œil et plus précisément de l’ouverture de l’angle irido-cornéen. Se celui-ci est ouvert, on utilise un laser SLT qui consiste à envoyer des impacts qui font vibrer le trabéculum pour permettre d’enlever les débris présents. Cette technique fonctionne très bien avec 95% d’efficacité. Le problème c’est que l’on ne peut réaliser cette opération que deux fois et chaque opération permet d’améliorer la situation pendant 2 à 4 ans. Si l’angle est fermé, on va préférer un laser qui est plutôt préventif pour éviter les glaucomes aiguës. On fait un petit trou pour évacuer le liquide et éviter qu’il ne cause ce glaucome aiguë.

    - La chirurgie est-elle le dernier recours ?

    Elle est utilisée en dernier recours parce qu’elle est invasive et elle peut entraîner des complications et des risques. C’est une chirurgie filtrante, c’est-à-dire que l’on crée une nouvelle bouche d’évacuation de la muqueuse. On réalise une trabéculectomie où l’on coupe le trabéculum en perforant l’œil.

    Une autre chirurgie est possible, cette fois non-perforant. On réalise une sclérectomie profonde non perforante (SPNP). Il s’agit de faire un volet sclérat où l’on enlève uniquement la partie extérieure du trabéculum que l’on pèle pour permettre au liquide de circuler. Cette chirurgie ne peut se faire que si l’angle irido-cornéen est fermé.

    Il peut y avoir des infections post-opératoires, des hémorragies de l’œil, de l’iris et le cornet peut devenir trop plat. Le liquide de l’œil peut aussi fuir le tissu conjonctival et le système ne sera alors plus étanche.

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    JDF