Cardiologie

Insuffisance cardiaque et « paradoxe de l’obésité » : un mythe en passe d’être détruit ?

Le « paradoxe de l’obésité » selon lequel les patients insuffisants cardiaques en surpoids ou obèses sont moins susceptibles d’être hospitalisés ou de décéder, relativement à une personne de poids « normal », est remis en cause. Le rapport tour de taille et taille (hauteur) de l’individu serait un meilleur marqueur de risque.

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  • 25 Mar 2023
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    Une étude publiée en le 22 mars 2023 dans le European Heart Journal, semble montrer que le « paradoxe de l’obésité » est faux. En d’autres termes que les patients insuffisants cardiaques, en surpoids ou obèses ne sont pas moins à risque de décès ou d’hospitalisation.

    L’étude montre, en effet, que si les médecins mesurent le rapport tour de taille/ Taille (hauteur) de leurs patients, au lieu de leur l’Indice de masse corporel (IMC), ces présumés bénéfices disparaissent chez les personnes présentant un IMC de 25 kg/m2 ou plus.

    Pour mémoire, l’MC, marqueur reconnu par l’OMS pour évaluer la corpulence d’une personne (<18,5 kg/m2 pour l'insuffisance pondérale, 18,5-24,9 kg/m2 pour le poids normal, 25-29,9 kg/m2 pour le surpoids et 30 kg/m2 et plus pour l'obésité), ainsi les éventuels risques sur la santé, semblent se montrer moins bon que le rapport tour de taille-taille (hauteur) qui serait un bien meilleur indicateur.

    Un paradoxe en fin de vie ?

    En effet, ce « paradoxe de l’obésité » a été supposé acquis pour les personnes qui présentaient une atteinte cardiaque et un IMC très élevé car elles semblaient être protégés par la graisse accumulée. Plusieurs explications ont alors été avancées comme le fait qu'une fois qu'une personne a développé des problèmes cardiaques, une certaine quantité de graisse supplémentaire aurait un rôle protecteur vis-à-vis d'autres problèmes de santé et du décès. Il est vrai aussi que les personnes qui développent une maladie grave et chronique perdent souvent du poids.

    Le professeur John McMurray (cardiologue, université de Glasgow (Royaume-Uni)), qui a dirigé les dernières recherches, a déclaré : « Il a été suggéré que vivre avec l'obésité était une bonne chose pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une fraction d'éjection réduite, c'est-à-dire lorsque la cavité principale du cœur est incapable d'expulser les quantités normales de sang. Nous savions que cela ne pouvait pas être correct et que l'obésité devait être mauvaise plutôt que bonne. Nous pensions qu'une partie du problème résidait dans le fait que l'IMC n'était qu'un faible indicateur de la quantité de tissu adipeux d'un patient ».

    L’IMC ne tient pas compte de la répartition des graisses

    Mais comme l’ont indiqué le professeur Stephan von Haehling, cardiologue consultant, et le docteur Ryosuke Sato, chargé de recherche, (Centre médical de l'université de Göttingen (Allemagne)) , dans un éditorial, l'IMC ne tient pas compte de la composition du corps en graisses, muscles et os, ni de la répartition des graisses. « Serait-il possible de supposer qu'un lutteur professionnel américain (plus musclé) et un lutteur sumo japonais (plus gras) ayant le même IMC présenteraient un risque similaire de maladie cardiovasculaire ? ».

    L’ étude est basée sur l’analyse de différentes façons de mesurer plusieurs données corporelles (Taille, tour de hanches, tour de taille, rapports tour de taille/taille, taille/hanche, IMC,…), en tenant compte d’autres facteurs comme les peptides natriurétiques.

    En effet, selon le Professeur Mc Murray, « Les peptides natriurétiques sont la variable pronostique la plus importante chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque. Normalement, les niveaux de peptides natriurétiques augmentent chez les personnes souffrant d'insuffisance cardiaque, mais les patients souffrant d'obésité ont des niveaux plus bas que ceux qui ont un poids normal ».

    Un essai international

    Cet essai international (47 pays sur 6 continents) PARADIGM-HF, randomisé et contrôlé a porté sur les données de 1832 femmes et 6567 hommes souffrant d'insuffisance cardiaque et d'une fraction d'éjection réduite. L’IMC, la tension artérielle, les mesures anthropométriques, les résultats des analyses sanguines, les antécédents médicaux et les traitements ont été récoltés. Et l’intérêt s’est porté sur les patients qui ont été hospitalisés pour insuffisance cardiaque ou qui en sont morts.

    Initialement, une sorte de "paradoxe obésité-survie" a montré des taux de décès plus faibles pour les personnes ayant un IMC de 25 kg/m2 ou plus mais il a ensuite été éliminé lorsque les chercheurs ont ajusté les résultats pour tenir compte de tous les facteurs qui peuvent affecter les données, y compris les niveaux de peptides natriurétiques.

    Ainsi, l'IMC et le rapport tour de taille/taille ont montré qu'une plus grande quantité de graisse corporelle était associée à un risque plus élevé de décès ou d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, avec une évidence plus marquée pour le rapport tour de taille/taille. En effet, les 20% de personnes composées de plus de graisses avaient un risque accru de 39% d'être hospitalisées pour insuffisance cardiaque, par rapport aux 20% de personnes les moins grasses.

    L’IMC hors course ?

    Le professeur McMurray a déclaré que l’étude démontre qu’il n’existe pas de "paradoxe de survie chez les obèses" lorsque nous utilisons de meilleures méthodes de mesure de la graisse corporelle.

    Il a confirmé en effet que l'IMC ne tient pas compte de l'emplacement de la graisse dans le corps, ni de sa quantité par rapport aux muscles ou au poids du squelette, qui peut varier en fonction du sexe, de l'âge et de la race. Et dans le cas particulier de l'insuffisance cardiaque, la rétention de liquide contribue également au poids corporel.

    Ce sont les formules qui ne contiennent pas la notion de poids, telles que le rapport tour de taille/taille, qui ont clarifié la véritable relation entre la graisse corporelle et les résultats des patients dans l’étude, montrant ainsi qu'une plus grande adiposité est en fait associée à des résultats pires et non meilleurs, y compris des taux élevés d'hospitalisation et une moins bonne qualité de vie liée à la santé.

    L’obésité est donc préjudiciable en cas d’insuffisance cardiaque avec une fraction d’éjection réduite mais est aussi un facteur de risque d’insuffisance cardiaque évolutive. Il reste encore à vérifier que la perte de poids améliorerait les résultats…

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    JDF