Neurologie

Accident vasculaire cérébral : intérêt de la stimulation médullaire sur le handicap

La stimulation électrique de la moelle épinière pourrait paradoxalement aider certaines des personnes handicapées par une hémiplégie après un accident vasculaire cérébral ischémique ou hémorragique.

  • Rost-9D/istock
  • 21 Fév 2023
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    Dans le monde, un adulte sur quatre âgé de plus de 25 ans aura un accident vasculaire cérébral (AVC) au cours de sa vie, et trois-quarts de ces AVC souffriront de déficits moteurs durables qui limiteront leur autonomie. Les AVC perturbent, en effet, les commandes descendantes des zones corticales motrices vers la moelle épinière, ce qui peut entraîner des déficits moteurs permanents, prédominant généralement au membre supérieur et à la main.

    Actuellement, aucun traitement n'est efficace pour traiter la paralysie au stade dit chronique de l'AVC, qui commence environ six mois après l'incident. Cependant, sous la lésion cérébrale de l’AVC, les circuits spinaux qui contrôlent le mouvement restent intacts et pourraient être ciblés par des neurostimulations.

    Une neurostimulation de la moelle épinière cervicale améliorerait instantanément la mobilité du bras et de la main chez des personnes hémiplégiques après un AVC avec déficit moteur modéré à grave et ainsi mener plus facilement leurs activités quotidiennes. L'étude, publiée dans la revue Nature Medicine, est la première démonstration réussie de stimulation de la moelle épinière pour améliorer un déficit moteur des patients victimes d'un AVC.

    Des sondes de stimulation cervicales

    Deux sondes linéaires ont été implantées dans l'espace épidural dorsolatéral, ciblant les racines spinales C3 à T1, pour augmenter l'excitation des motoneurones du bras et de la main. Elles activent des circuits neuronaux intacts, ce qui permet aux patients victimes d'un AVC d’améliorer la motricité du membre supérieur concerné par l’hémiplégie.

    Cinq jours par semaine, pendant quatre heures par jour, les chercheurs ont activé la stimulation, l'ont calibrée pour déterminer les paramètres optimaux pour chaque patient et leur ont demandé de tenter divers mouvements et tâches de la vie quotidienne. L'effet a été immédiatement perceptible sur leur autonomie et s’est amélioré ensuite.

    Les chercheurs ont également testé une stimulation « fictive », en activant les électrodes de manière aléatoire pour voir si les patients réagissaient à une sorte d'effet placebo plutôt qu'à une stimulation ciblant spécifiquement leurs bras et leurs mains. Les deux patients ont obtenu de meilleurs résultats avec la stimulation ciblée et adaptée.

    Une amélioration persistante au-delà de l’étude

    Les chercheurs de l'université de Pittsburgh et de l'université Carnegie Mellon ont découvert que la stimulation électrique de régions spécifiques de la moelle épinière permet ainsi aux patients de bouger leur membre supérieur hémiplégique, et leur main, d'une manière impossible à atteindre sans la stimulation.

    Les nerfs sensoriels du bras et de la main envoient des signaux aux neurones moteurs de la moelle épinière qui contrôlent les muscles du membre. En stimulant ces nerfs sensoriels, les médecins peuvent amplifier l'activité des muscles qui ont été affaiblis par l'AVC.

    Il est important de noter que le patient conserve le contrôle total de ses mouvements : la stimulation est assistée et renforce l'activation des muscles uniquement lorsque les patients essaient de bouger.

    Plus intéressant encore, les chercheurs ont constaté qu'après quelques semaines d'utilisation, certaines de ces améliorations semblent perdurer lorsque la stimulation est désactivée, ce qui laisse entrevoir des pistes intéressantes pour l'avenir des traitements de rééducation post-AVC : le protocole d'étude exigeait le retrait des électrodes au bout de 29 jours, mais un mois plus tard, les patients avaient conservé certaines capacités améliorées, ce qui a surpris les chercheurs.

    La stimulation médullaire améliore aussi l’hémiplégie

    La stimulation de la moelle épinière est utilisée depuis des décennies pour traiter la douleur chronique. Plus récemment, des expériences de stimulation, soit par des électrodes implantées chirurgicalement, soit de manière non invasive par des électrodes placées sur la peau, se sont révélées prometteuses pour aider les patients atteints de lésions de la moelle épinière à retrouver la mobilité de leurs jambes et, dans certains cas, de leurs bras et de leurs mains.

    Mais cette approche n'a pratiquement pas été explorée pour les accidents vasculaires cérébraux, en partie à cause des différences de localisation et de type de lésions : les accidents vasculaires cérébraux se produisant dans le cerveau, on avait supposé que l'application de la stimulation en dehors du cerveau n'offrirait pas « le même rendement », selon un interview du New York Times.

    Cette nouvelle étude va donc à l'encontre de cette hypothèse et suggère plutôt que la stimulation de la moelle épinière, qui relie le cerveau aux muscles des membres, pourrait aider à un meilleur contrôle des membres hémiplégiques.

    Stimulation implantable ou transcutanée ?

    L'étude est de petite taille, et largement préliminaire, ne portant que sur deux patients, l'un ayant subi un AVC ischémique et l'autre un AVC hémorragique. Plusieurs scientifiques ont déclaré que de nombreuses questions subsistaient à ce stade quant à l'efficacité et à la généralisation de cette technique, mais que cette étude et d’autres suggéraient que la stimulation de la moelle épinière pourrait éventuellement aider certaines des personnes hémiplégiques après un AVC.

    Une question soulevée par les neuroscientifiques est de savoir s’il est préférable d'implanter chirurgicalement les électrodes ou de les placer sur la peau pour une stimulation transcutanée, moins coûteuse et moins invasive. Les auteurs de l’étude de Nature estiment que l'implantation chirurgicale est supérieure car elle est « beaucoup plus spécifique ». D'autres auteurs font cependant état d'améliorations chez des patients atteints de lésions de la moelle épinière grâce à l'utilisation d'électrodes sur la peau, y compris de bénéfices qui perdurent des mois après la fin de la stimulation. S’il est vrai que les électrodes transcutanées ne peuvent pas avoir le degré de précision pour stimuler telle ou telle articulation, il semblerait que le système nerveux soit capable de s'en charger.

    Des données excitantes à confirmer

    Au final, plusieurs experts neurologues pensent que les deux méthodes pourraient éventuellement être utiles, voire être utilisées chez différents patients, en fonction de leur état de santé ou d'autres facteurs.

    Tous les experts, y compris les auteurs de l'étude, pensent néanmoins que la stimulation est plus efficace si elle est accompagnée d’une rééducation.

    Cette nouvelle technologie ne doit pas donner de faux-espoirs aux personnes souffrant de handicaps après un AVC et elle doit donc être confirmée sur des études plus larges, mais elle ouvre désormais un nouveau champ de recherche dans le post-AVC et peut-être d’opportunités.

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    JDF