Rhumatologie

Gonarthrose : effet bénéfique de la marche au-delà même de la douleur

Dans l’arthrose du genou, la marche est recommandée par les sociétés savantes, en sus des traitements pharmacologiques symptomatiques à la demande. Son bénéfice semble s’étendre au-delà d’une simple réduction de la douleur, peut-être vers une action structurale, mais cela dépendrait des anomalies morphologiques des membres inférieurs.

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  • 25 Oct 2022
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    La gonarthrose est une cause majeure de douleurs et de handicap, et les traitements pharmacologiques actuels sont limités (AINS topiques et oraux, corticoïdes intra-articulaires et analgésiques). De plus, ceux-ci ne traitent que la douleur et ne modifient pas l’évolution structurale de la maladie arthrosique. L'exercice physique fait partie du traitement de l'arthrose, en particulier dans les recommandations internationales, mais on n’en connaît mal le bénéfice réel, en particulier en cas d’anomalie d’alignement des membres inférieurs.

    Pour évaluer la relation entre la marche et la progression symptomatique et structurelle de la gonarthrose, une cohorte a été mise en place chez 1 212 participants, âgés de 50 ans ou plus, à l’intérieur de la grande cohorte prospective : Osteoarthritis Initiative.

    Dans cette étude, publiée dans Arthritis and Rheumatology, la pratique de la marche « récréative », à visée de développement de l’activité physique, est associée à une apparition moins fréquente d’une douleur du genou. En outre, elle apporte des éléments en faveur de l’effet potentiellement structural de la marche sur l’évolution de l’arthrose.

    Réduction des douleurs et de la progression

    Sur les 1 212 participants souffrant d'arthrose du genou de cette sous-cohorte, 45% étaient des hommes et 73% ont déclaré faire de l'exercice en marchant. L'âge moyen était de 63,2 ans à l’inclusion avec un indice de masse corporelle moyen de 29,4 ± 4,6 kg/m2.

    La probabilité de survenue d'une nouvelle douleur au genou est réduite de 40% chez les participants atteints de gonarthrose qui marchaient pour faire de l'exercice par rapport à ceux qui ne marchaient pas (OR=0,6, IC à 95% 0,4-0,8), et la progression du pincement articulaire articulaire médial serait moins fréquente (-20%) chez les marcheurs que chez les non-marcheurs (OR=0,8, IC à 95% 0,6-1,0).

    Analyse en fonction de l’alignement des membres inférieurs

    Dans les analyses stratifiées en fonction de l'alignement des membres inférieurs, les marcheurs avec un varus du genou ont moins souvent développé de nouvelles douleurs que les non-marcheurs (28% contre 39%), et une moindre proportion d’entre eux a connu une aggravation du grade K/L (20% contre 26%) et du pincement médial (31% contre 39%) par rapport aux non-marcheurs avec varus.

    Dans le groupe de participants avec un alignement neutre des membres inférieurs, les marcheurs ont moins souvent développé une nouvelle douleur (23% contre 36%) et plus ont plus souvent une douleur améliorée (47% contre 38%) par rapport aux non-marcheurs. Cependant, les marcheurs ont plus fréquemment une aggravation du pincement médial (17% contre 11% des non-marcheurs).

    Il est intéressant de noter que les marcheurs avec un valgus ont plus fréquemment eu une aggravation du grade K/L (20% contre 15%) et moins fréquemment une amélioration des douleurs du genou (35% contre 48%) que les non-marcheurs avec un valgus.

    Une sous-cohorte de l'Osteoarthritis Initiative

    L'étude a été réalisée sur une sous-cohorte de l'Osteoarthritis Initiative, et a inclus des participants âgés de 50 ans ou plus. L'Osteoarthritis Initiative est une étude ambulatoire, multicentrique, prospective et longitudinale, menée auprès de personnes souffrant ou non d'arthrose symptomatique du genou, recrutées entre 2004 et 2006.

    L’évaluation s’est concentrée sur 4 critères entre le début de l'étude et la visite à 48 mois, à savoir : 1) nouvelle douleur fréquente du genou, 2) aggravation radiographique de l'arthrose du genou selon le grade de Kellgren/Lawrence, 3) progression du pincement de l'interligne articulaire médial sur des radiographies du genou en Schuss 4) amélioration de la douleur fréquente du genou.

    Large étude de cohorte prospective

    L'Osteoarthritis Initiative est la seule étude de cohorte dans laquelle la marche récréative pendant plusieurs années a été évaluée et dans laquelle les évolutions de l'arthrose du genou, y compris les symptômes et les changements structurels, ont été soigneusement caractérisés. Les résultats de cette étude confirment l'idée que la marche est bénéfique pour les patients souffrant d'arthrose du genou, tant en termes de modifications structurelles que d'amélioration des symptômes.

    Plus précisément, les auteurs ont constaté que les personnes qui marchaient pour faire de l'exercice étaient moins susceptibles de développer de nouvelles douleurs du genou mais ils n’ont trouvé aucune relation entre la marche et l'amélioration des douleurs déjà existantes du genou. Par conséquent, il peut être particulièrement bénéfique de conseiller aux gens de marcher pour faire de l'exercice afin d'aider à prévenir l'apparition de douleurs fréquentes du genou.

    Ces résultats offrent également le premier élément de preuve que la marche pourrait être un traitement efficace pour ralentir la progression structurelle de l'arthrose du genou (au moins au stade de début ?). Ils soulignent la possibilité que des interventions biomécaniques pourraient détenir une des clés des traitements de cette maladie et pourraient permettre de soulager la progression structurelle et les symptômes de l'arthrose. Il s'agit potentiellement d'un changement de paradigme important dans le domaine de la recherche sur l'arthrose d’après les auteurs.

    Prendre en compte les troubles de l’alignement

    Cette étude est également la première à explorer les effets de la marche en fonction de l'alignement des membres inférieurs et du genou. Plus précisément, la marche pourrait être liée à une moindre progression symptomatique et structurelle sur les genoux en varus (48% de la cohorte), à une moindre progression symptomatique chez les genoux avec un alignement neutre (36% de la cohorte), et à un bénéfice probablement faible chez les genoux en valgus (16% de la cohorte).

    Des études antérieures ont fourni une multitude de données indiquant que la gonarthrose est en grande partie d'origine biomécanique. Il n'est donc pas surprenant que cette étude ait retrouvé que l'alignement des membres inférieurs pouvait être un important facteur confondant dans l'association entre la marche et la progression de l'arthrose du genou.

    En conclusion

    Les résultats de cette large cohorte prospective sur 4 ans offrent des arguments forts quant à l'existence d'une intervention peu coûteuse susceptible de modifier à la fois les douleurs liées à l'arthrose du genou et son évolution structurale, source importante de handicap.

    Cette étude ne porte que sur la marche « récréative » en vue de développer l'exercice physique. Elle n'aborde pas le problème de la marche obligatoire, comme la marche professionnelle (livreurs, facteurs) ou la marche pour les transports.

    Un essai contrôlé randomisé de la marche chez les personnes souffrant d'arthrose du genou, stratifié en fonction de l’alignement des membres inférieurs, est désormais envisageable et nécessaire.

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    JDF