Infectiologie

Dengue : une autre maladie infectieuse victime collatérale de la pandémie

La réduction des cas de dengue observée en 2020 est potentiellement attribuable à des perturbations liées à la première vague de la Covid-19, et en particulier la fermeture des écoles et la moindre fréquentation des lieux de travail. Cela va changer les stratégies de lutte contre cette arbovirose.

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  • 15 Mar 2022
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    Il n’y a pas que la grippe dont l’incidence a été réduite lors du premier confinement : une diminution de l’incidence de la dengue dans de nombreux pays en Amérique du sud et en Asie a également été observée. Et cela change la façon dont on va désormais appréhender la lutte contre cette arbovirose.

    Une infection par le virus de la dengue aurait été évitée chez près de 720 000 personnes dans 23 pays, selon une étude publiée dans The Lancet Infectious Diseases. Les chercheurs attribuent cette baisse aux effets du confinement sur les flux de populations, ce qui met l’index sur l’école et les locaux professionnels comme lieux importants de contamination et de diffusion du virus.

    Rôle majeur de l’école et du travail

    Les chercheurs ont trouvé une forte association entre les perturbations de la vie quotidienne liée à la Covid-19 (telle que celles liées aux mesures de santé publique et sociales et les modifications des déplacement humain) avec la réduction du risque de dengue, même après avoir pris en compte d'autres facteurs du cycle de la dengue, notamment le climat et l'immunité de l'hôte (RR = 0,01-0,17, p<0,01).

    Les mesures liées à la fermeture des écoles et à la réduction du temps passé dans les zones non résidentielles ont les niveaux de preuve les plus solides d'association avec la réduction du risque de dengue, mais la colinéarité élevée entre les covariables rend difficile une attribution spécifique.

    L'étude géographique la plus complète à ce jour

    Les chercheurs ont rassemblé des données sur l'incidence mensuelle de la dengue à partir des rapports hebdomadaires de l'OMS, des données climatiques de l'ERA5 et des variables démographiques de WorldPop pour 23 pays entre janvier 2014 et décembre 2019 et ils ont ajusté avec un modèle de régression bayésien pour expliquer et prédire les cycles saisonniers et pluriannuels de la dengue.

    Ils ont comparé les prédictions de leur modèle avec les données sur la dengue rapportées de janvier à décembre 2020, et ils ont évalué si les écarts par rapport à l'incidence prévue depuis mars 2020 sont associés à des mesures spécifiques de santé publique et sociales (provenant de la base de données Oxford Coronavirus Government Response Tracer) ou à des comportements de déplacements humains (mesurés par les rapports de mobilité de Google).

    Changement de stratégie de lutte en vue

    Alors que les spécialistes craignaient une dégradation de la situation avec une flambée de la dengue en rapport avec une désorganisation de la politique de lutte contre cette arbovirose (épandage d’insecticides en zone résidentielle…) et le confinement au domicile, c’est l’inverse qui s’est produit.

    La fermeture des écoles, en particulier, semble avoir joué un rôle clé dans la réduction des cas de dengue. Le principal vecteur de la dengue, le moustique Aedes aegypti, se nourrit le jour. Or, la plupart des programmes de lutte contre la dengue se concentrent sur les zones résidentielles et les domiciles, en pulvérisant des insecticides pour tuer les moustiques et en surveillant les eaux stagnantes alentour qui pourraient les nourrir, en partant du principe que c'est là que la transmission principale a lieu.

    Les circonstances extraordinaires de la pandémie donnent une compréhension nouvelle et inattendue de l’épidémiologie de cette arbovirose : ces résultats suggèrent que la plupart des piqûres ont lieu à l'école ou sur les lieux de travail, ce qui signifie que la lutte contre les moustiques devrait être concentrée dans les lieux publics.

    Nouvelles stratégies pour d’autres arboviroses

    Pendant la pandémie, la dengue pourrait également avoir diminué pendant les périodes où les gens sont restés à la maison, car lorsqu'ils étaient infectés, ils n’allaient pas dans des lieux où de nouveaux moustiques pouvaient les piquer et transmettre le virus à d'autres personnes. L’explication n’est donc pas forcément univoque.

    Les données sur la dengue pour 2021 devraient être disponibles prochainement, et si les taux d'infection remontent aux niveaux pré-pandémiques, cela signifie que les autorités de santé des pays concernés devront mettre en œuvre une nouvelle stratégie de lutte contre la dengue, en ciblant également les lieux de rassemblement de population.

    En outre, les résultats sur la dengue pourraient s'avérer pertinents pour d'autres virus étroitement liés, transmis par les moustiques (arboviroses), comme le Zika et le Chikungunya.

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    JDF