Pneumologie

Portage chronique et variants du SARS-COV2 : un rôle probable de l’immunosuppression

Un lien entre immunosuppression, portage chronique du Sars-CoV-2 et  développement de variants existe probablement. Une hypothèse qui semble se vérifier au fur et à mesure de l’évolution de la pandémie. D’après un entretien avec Anne BERGERON-LAFAURIE.

  • 17 Jun 2021
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    Un éditorial, paru dans le JAMA en mai 2021, a fait le point sur les infections par le SARS COV2 chez les immunodéprimés et leurs particularités, notamment leur rôle dans le portage chronique et l’apparition des variants. Les cas décrits et rapportés par les virologues ont permis d’émettre l’hypothèse que les infections par SARS cov2 peuvent favoriser l’émergence de mutants.

    L’immunodépression favorise l’émergence de variants

    Le professeur Anne BERGERON-LAFAURIE, pneumologue à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, rappelle la description du cas, survenu en février 2021, d’un patient hospitalisé, porteur d’une hémopathie lymphoïde chronique, atteint par le SARS-COV2, chez qui les améliorations et aggravations de l’infection se sont succédées pendant plusieurs mois. Les virologues ont séquencé, chez ce patient, le SARS-COV2 pas moins de 23 fois et ont observé, qu’au cours du traitement, la population de SARS-COV2 de ce patient se modifiait, avec l’apparition de variants, après l’injection de plasma de convalescent. Anne BERGERON-LAFUARIE précise que ceci a été observé dans d’autres cas, et principalement lorsqu’il y a une baisse de l’immunité humorale, c’est-à-dire des lymphocytes B, un traitement par rituximab ou chez les sujets transplantés. Elle observe que les variants sont souvent plus contagieux et plus virulents. De plus, ils posent deux problèmes majeurs : un problème diagnostique puisque les tests ciblent seulement une partie du génome viral et un problème d’efficacité vaccinale inconnue, puisqu’on sait que 50% des sujets ayant des hémopathies malignes ne répondent pas aux vaccins.  Elle souligne également que les profils de patients sont différents, allant du patient asymptomatique ayant une charge virale élevée jusqu’au patient qui décède.

    Pas encore de consensus de prise en charge des patients immunodéprimés

    Anne BERGERON-LAFAURIE explique que ce phénomène pose à la fois le problème de la prise en charge et du traitement de ces patients et le problème de la durée de l’isolement. Elle souligne que l’utilisation de plasma de convalescent ne permet pas de contrôler le taux d’anticorps présents dans l’injection, qui n’en apporte probablement pas suffisamment. De ce fait, l’infection s’atténue puis se réactive et provoque l’émergence de variants. L’utilisation d’anticorps monoclonaux anti-SARS-COV2, en début d’infection, permet d’en injecter une quantité plus importante. Selon Anne-BERGERON-LAFAURIE, une autre hypothèse serait que le virus réplique différemment dans les différents organes, ce qui pourrait également expliquer l’émergence de variants. En effet, les mutations identifiées sur la protéine spike sont semblables à celles du variant anglais. D’autre part, aucun consensus pour l’isolement, qui est de 20 jours pour les formes sévères, n’est établi pour ces patients : faut-il un ou deux tests PCR négatifs ? Avec quel intervalle ?

    En conclusion, l’immunodépression a très probablement un rôle dans l’émergence de variants du SARS-COV2, le système immunitaire ne produisant pas d’anticorps en quantité suffisante pour éviter l’adaptation et la mutation du virus. Cette hypothèse ouvre la porte à un travail colossal pour la confirmer et mettre en place des consensus de prise en charge de cette population particulière.

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    JDF